Les artistes circassiens, particulièrement ceux se faisant une spécialité de la voltige, sont-ils de nouveaux Icare ? Il s’agit là d’une métaphore fort pertinente que propose la compagnie hongroise Recirquel Company Budapest, puisque dans tout spectacle de cirque, face à ces fanatiques de l’impossible défiant les lois de la gravité, le public, ébahi, espère toujours que ceux-ci ne se brûleront pas les ailes…
Night Circus se prête aussi, bien entendu, à cette fascination au souffle retenu. Ce spectacle présenté en première nord-américaine convie l’auditoire à un sombre et sobre cabaret où la maîtresse de piste – chanteuse aux allures de femme fatale blasée, calquée sur le personnage campé par Marlene Dietrich dans le film L’Ange bleu – invite un jeune utopiste muni d’ailes en plumes à enterrer son rêve d’un jour pouvoir voler.
Atmosphère taciturne et rythme lent serviront ensuite de cadre à un enchaînement de démonstrations acrobatiques. Le metteur en scène et directeur artistique de la troupe, Bence Vagi, a visiblement opté pour une mise en scène épurée. Fort peu de substance dramaturgique enrobe l’étalement des prouesses des artistes et pratiquement aucun mouvement de groupe n’en ponctue le défilé. Au registre des exploits physiques, par contre, Night Circus se montre prodigue. Un numéro de mât chinois dynamique et maîtrisé, un périlleux duo de main à main aux accents lyriques (du moins en ce qui concerne la moitié féminine de la paire), ainsi qu’une magnifique chorégraphie d’équilibre à plusieurs interprètes s’avèrent particulièrement éblouissants.
Élégant, mais sage
Le spectacle présente en outre maintes qualités, dont l’esthétique sophistiquée des chorégraphies acrobatiques teintées de danse (Vagi a d’abord entamé sa carrière artistique en tant que danseur), la présence sur scène, à quelques moments, d’un pianiste (qui colore alors de ses jolis airs une trame sonore majoritairement enregistrée… et malheureusement souvent tristounette), les éclairages évocateurs, sans compter les costumes fusionnant le vieillot au moderne. Il reste néanmoins qu’aucun de ces éléments, ni même leur ensemble, n’arrive à insuffler une magie qui se refuse hélas à opérer. La froideur des tableaux freine l’enchantement que pourraient susciter les éléments qui les composent.
Il faudra se rabattre sur les deux parenthèses clownesques pour apporter un peu de folie à une production d’une élégance surannée et peaufinée jusqu’au bout des gestes, certes, mais tout de même un peu trop sage. Les deux bouffons (dont l’un est aussi un équilibriste de talent), réhabilitent entre autres certains éléments iconiques du cirque traditionnel, voire de la prestidigitation, tel le monocycle sur un fil de fer ou encore la femme sciée dans une boîte de bois. Ici, c’est plutôt la tête de la saltimbanque qui semble séparée du reste de sa personne, si bien que son comparse s’amuse avec elle à trouver, en bougeant trois cloches de métal sur une table, sous laquelle de celles-ci se trouvera la goguenarde caboche.
Ces deux intermèdes semblent d’ailleurs trancher sur le ton général du spectacle. Celui-ci se révèle, sinon dramatique, du moins empreint d’une poésie intense et ténébreuse, assurant à la proposition de Recirquel une originalité appréciable. Car le monde du cirque, comme l’humanité, tire sans doute de sa diversité une grande part de sa beauté et de son intérêt.
Mise en scène et chorégraphies de Bence Vagi. Éclairages de Jozsef Peto. Costumes de Emese Kasza. Scénographie de Judit Csanadi. Musique de Peter Sarik et Gabor Terjek. Pianiste : Norbert Elek. Avec Judit Czigany, Sacha Bachmann, Bettina Bogdan, Laszlo Farkas, Richard Herczeg, Renato Illes, Leonetta Lakatos, Aron Pinter, Zsanett Veress, Csilla Wittmann et Gabord Zsiros. Présenté par Recirquel à la Tohu jusqu’au 22 octobre 2016.
Les artistes circassiens, particulièrement ceux se faisant une spécialité de la voltige, sont-ils de nouveaux Icare ? Il s’agit là d’une métaphore fort pertinente que propose la compagnie hongroise Recirquel Company Budapest, puisque dans tout spectacle de cirque, face à ces fanatiques de l’impossible défiant les lois de la gravité, le public, ébahi, espère toujours que ceux-ci ne se brûleront pas les ailes…
Night Circus se prête aussi, bien entendu, à cette fascination au souffle retenu. Ce spectacle présenté en première nord-américaine convie l’auditoire à un sombre et sobre cabaret où la maîtresse de piste – chanteuse aux allures de femme fatale blasée, calquée sur le personnage campé par Marlene Dietrich dans le film L’Ange bleu – invite un jeune utopiste muni d’ailes en plumes à enterrer son rêve d’un jour pouvoir voler.
Atmosphère taciturne et rythme lent serviront ensuite de cadre à un enchaînement de démonstrations acrobatiques. Le metteur en scène et directeur artistique de la troupe, Bence Vagi, a visiblement opté pour une mise en scène épurée. Fort peu de substance dramaturgique enrobe l’étalement des prouesses des artistes et pratiquement aucun mouvement de groupe n’en ponctue le défilé. Au registre des exploits physiques, par contre, Night Circus se montre prodigue. Un numéro de mât chinois dynamique et maîtrisé, un périlleux duo de main à main aux accents lyriques (du moins en ce qui concerne la moitié féminine de la paire), ainsi qu’une magnifique chorégraphie d’équilibre à plusieurs interprètes s’avèrent particulièrement éblouissants.
Élégant, mais sage
Le spectacle présente en outre maintes qualités, dont l’esthétique sophistiquée des chorégraphies acrobatiques teintées de danse (Vagi a d’abord entamé sa carrière artistique en tant que danseur), la présence sur scène, à quelques moments, d’un pianiste (qui colore alors de ses jolis airs une trame sonore majoritairement enregistrée… et malheureusement souvent tristounette), les éclairages évocateurs, sans compter les costumes fusionnant le vieillot au moderne. Il reste néanmoins qu’aucun de ces éléments, ni même leur ensemble, n’arrive à insuffler une magie qui se refuse hélas à opérer. La froideur des tableaux freine l’enchantement que pourraient susciter les éléments qui les composent.
Il faudra se rabattre sur les deux parenthèses clownesques pour apporter un peu de folie à une production d’une élégance surannée et peaufinée jusqu’au bout des gestes, certes, mais tout de même un peu trop sage. Les deux bouffons (dont l’un est aussi un équilibriste de talent), réhabilitent entre autres certains éléments iconiques du cirque traditionnel, voire de la prestidigitation, tel le monocycle sur un fil de fer ou encore la femme sciée dans une boîte de bois. Ici, c’est plutôt la tête de la saltimbanque qui semble séparée du reste de sa personne, si bien que son comparse s’amuse avec elle à trouver, en bougeant trois cloches de métal sur une table, sous laquelle de celles-ci se trouvera la goguenarde caboche.
Ces deux intermèdes semblent d’ailleurs trancher sur le ton général du spectacle. Celui-ci se révèle, sinon dramatique, du moins empreint d’une poésie intense et ténébreuse, assurant à la proposition de Recirquel une originalité appréciable. Car le monde du cirque, comme l’humanité, tire sans doute de sa diversité une grande part de sa beauté et de son intérêt.
Night Circus
Mise en scène et chorégraphies de Bence Vagi. Éclairages de Jozsef Peto. Costumes de Emese Kasza. Scénographie de Judit Csanadi. Musique de Peter Sarik et Gabor Terjek. Pianiste : Norbert Elek. Avec Judit Czigany, Sacha Bachmann, Bettina Bogdan, Laszlo Farkas, Richard Herczeg, Renato Illes, Leonetta Lakatos, Aron Pinter, Zsanett Veress, Csilla Wittmann et Gabord Zsiros. Présenté par Recirquel à la Tohu jusqu’au 22 octobre 2016.