Au bar Quartier de lune, Catherine nous emporte dans le sillage incandescent de son périple vers la prostitution. Dans une formule intimiste et interactive, entre confidence et invitation directe à goûter les joies du sexe, Envies est une dissection à nue d’une femme qui a passé la ligne entre la normalité et la turpitude. Métier honteux dans l’œil du moraliste, mais pourtant éternellement présent, tel un besoin social irrépressible. C’est la thèse que soutient l’auteure. Parce qu’il y a un jeu qui se joue à deux : un client et une prostituée.
Seule en scène, avec l’assurance des bêtes de cabaret, Catherine nous raconte l’histoire crue de son passage dans l’univers du sexe. Qu’elle présente comme un théâtre vivant : changer de nom selon les costumes, simuler, jouer un rôle, comme nous tous, témoins de sa virulence, se glisser dans des personnages qui s’abolissent dans la nudité, parce que seule la nudité est vraie, sans mensonge.
À travers un effeuillage de l’âme, elle nous entraîne dans l’incivilité. Il y a au départ le désir, l’envie de l’amour, le besoin urgent d’être aimée, de se sentir belle et attirante, l’urgence de séduire, de sentir les hommes craquer pour elle, son corps, son odeur, sa chair. Envie immense qui annihile les réflexes d’autodéfense et s’exprime avec générosité dans une incroyable naïveté. Et aussi la rage de faire éclater le carcan d’une famille aux attentes impossibles, et la nécessité de joindre les deux bouts. Et soudain l’offre inattendue d’une baise ou l’amoureux d’un moment propose de la payer. Et puis voici que juste pour une fois la ligne est franchie, la tentation d’un soir deviendra métier.
De la libido dans l’espace public
Étrange soirée où la jeune auteure (Samantha Clavet, tout aussi sexy, joue un rôle d’entremetteuse entre Catherine et le public) et la comédienne déstabilisent les spectateurs. Dès l’accueil en salle, deux filles bien en chair, pulpeuses, rappelant les caricaturales femelles de Crumb, nous titillent la prunelle. Ce soir il y aura cabaret. L’entreprise de séduction se met en branle, jouant de la croupe, du regard coquin et du rouge à lèvres, s’installant dans le public, jouant avec le désir, amenant même un spectateur sur scène, celui-là même qui la fera basculer vers la prostitution.
La narration sans morale ni psychologie, entrecoupée par les incursions de la comédienne dans le public comme autant de passages à l’acte, repose sur une histoire vraie, composée de faits qui se succèdent dans une logique implacable. « On entre dans la prostitution par accident, mais on y reste par choix. » Et c’est à ce parcours à la fois banal et troublant que l’auteure nous invite. Le texte, parfois cruel (une attaque nauséeuse contre les obèses crée un réel malaise), parfois touchant, fouille jusqu’aux entrailles le dégoût, le désir sexuel, la puissance de l’orgasme et surtout cet indéfinissable jeu de séduction-répulsion, de commerce des corps illuminé par de rares moments de grâce.
Toutefois, la configuration des lieux ne me semble pas idéale, cette rampe entre la scène et le public conditionne une mise en scène trop « théâtralisée ». Il faudrait peut-être tenter l’expérience d’une proximité de tous les instants, qui abolirait non seulement le 4e mur mais entièrement l’espace scénique. Pour se déplacer au cœur même du tourbillon des sens et de la raison.
Dans le présent débat public sur la « culture du viol », Envies rappelle que l’expression de la pulsion sexuelle, peu importe la forme qu’elle prend, ne peut être peinte en noir et blanc. Il n’y a jamais de dichotomie aussi simple que bons-méchants, victimes-prédateurs. À sa manière, le spectacle soulève cette question méritoire.
Texte : Samantha Clavet. Mise en scène : Patrick Saucier. Concepteurs : Dominique Giguère, Christiane Jean, Anissa Zabala et Jelena Djukic. Avec Catherine Simard et Samantha Clavet. Une production du Théâtre Escarpé. Présenté par Premier Acte, au bar Quartier de lune (1096 3e Avenue à Limoilou), jusqu’au 5 novembre 2016.
Au bar Quartier de lune, Catherine nous emporte dans le sillage incandescent de son périple vers la prostitution. Dans une formule intimiste et interactive, entre confidence et invitation directe à goûter les joies du sexe, Envies est une dissection à nue d’une femme qui a passé la ligne entre la normalité et la turpitude. Métier honteux dans l’œil du moraliste, mais pourtant éternellement présent, tel un besoin social irrépressible. C’est la thèse que soutient l’auteure. Parce qu’il y a un jeu qui se joue à deux : un client et une prostituée.
Seule en scène, avec l’assurance des bêtes de cabaret, Catherine nous raconte l’histoire crue de son passage dans l’univers du sexe. Qu’elle présente comme un théâtre vivant : changer de nom selon les costumes, simuler, jouer un rôle, comme nous tous, témoins de sa virulence, se glisser dans des personnages qui s’abolissent dans la nudité, parce que seule la nudité est vraie, sans mensonge.
À travers un effeuillage de l’âme, elle nous entraîne dans l’incivilité. Il y a au départ le désir, l’envie de l’amour, le besoin urgent d’être aimée, de se sentir belle et attirante, l’urgence de séduire, de sentir les hommes craquer pour elle, son corps, son odeur, sa chair. Envie immense qui annihile les réflexes d’autodéfense et s’exprime avec générosité dans une incroyable naïveté. Et aussi la rage de faire éclater le carcan d’une famille aux attentes impossibles, et la nécessité de joindre les deux bouts. Et soudain l’offre inattendue d’une baise ou l’amoureux d’un moment propose de la payer. Et puis voici que juste pour une fois la ligne est franchie, la tentation d’un soir deviendra métier.
De la libido dans l’espace public
Étrange soirée où la jeune auteure (Samantha Clavet, tout aussi sexy, joue un rôle d’entremetteuse entre Catherine et le public) et la comédienne déstabilisent les spectateurs. Dès l’accueil en salle, deux filles bien en chair, pulpeuses, rappelant les caricaturales femelles de Crumb, nous titillent la prunelle. Ce soir il y aura cabaret. L’entreprise de séduction se met en branle, jouant de la croupe, du regard coquin et du rouge à lèvres, s’installant dans le public, jouant avec le désir, amenant même un spectateur sur scène, celui-là même qui la fera basculer vers la prostitution.
La narration sans morale ni psychologie, entrecoupée par les incursions de la comédienne dans le public comme autant de passages à l’acte, repose sur une histoire vraie, composée de faits qui se succèdent dans une logique implacable. « On entre dans la prostitution par accident, mais on y reste par choix. » Et c’est à ce parcours à la fois banal et troublant que l’auteure nous invite. Le texte, parfois cruel (une attaque nauséeuse contre les obèses crée un réel malaise), parfois touchant, fouille jusqu’aux entrailles le dégoût, le désir sexuel, la puissance de l’orgasme et surtout cet indéfinissable jeu de séduction-répulsion, de commerce des corps illuminé par de rares moments de grâce.
Toutefois, la configuration des lieux ne me semble pas idéale, cette rampe entre la scène et le public conditionne une mise en scène trop « théâtralisée ». Il faudrait peut-être tenter l’expérience d’une proximité de tous les instants, qui abolirait non seulement le 4e mur mais entièrement l’espace scénique. Pour se déplacer au cœur même du tourbillon des sens et de la raison.
Dans le présent débat public sur la « culture du viol », Envies rappelle que l’expression de la pulsion sexuelle, peu importe la forme qu’elle prend, ne peut être peinte en noir et blanc. Il n’y a jamais de dichotomie aussi simple que bons-méchants, victimes-prédateurs. À sa manière, le spectacle soulève cette question méritoire.
Envies
Texte : Samantha Clavet. Mise en scène : Patrick Saucier. Concepteurs : Dominique Giguère, Christiane Jean, Anissa Zabala et Jelena Djukic. Avec Catherine Simard et Samantha Clavet. Une production du Théâtre Escarpé. Présenté par Premier Acte, au bar Quartier de lune (1096 3e Avenue à Limoilou), jusqu’au 5 novembre 2016.