Il y a quelques semaines, j’ai écrit un coup de gueule dans la revue Jeu où je fantasmais de voir s’établir dans le milieu théâtral un véritable rapport de force, à la manière syndicale, pour exiger un réinvestissement massif dans notre pratique.
Il faut dire que j’avais été encouragé dans cette voie par la récente sortie publique de Michel Marc Bouchard («Faire de son pays le plus sophistiqué au monde», Le Devoir, 22 juin 2016), de la dernière conférence-débat du CQT (L’imaginaire théâtral québécois), par le NoShow (FTA 2014) ainsi que par le constat d’échec des États généraux du théâtre de 2007. Mon coup de gueule fit bondir René-Daniel Dubois qui effectua une sortie en règle contre ce que j’avançais. Depuis, il s’est lancé dans la rédaction d’un blogue où il relate en détail ses nombreux combats pour faire avancer la condition de la pratique au Québec.
Il avance ainsi que: «Si ce n’était qu’une question de sous, il y a sans doute fort longtemps que la question serait réglée» prétextant que la véritable source du mal c’est qu’en fait: «peu importe combien de personnes sont folles d’art, au Québec, la société où nous vivons HAÏT l’art.» M. Dubois le dit lui-même, peu importe si le public est au rendez-vous, c’est à cause du pouvoir politique que le financement est insuffisant. Je suis bien d’accord avec lui, car il est vrai que la société n’est pas simplement l’addition de tous les individus au sein d’une même communauté. Il y a bel et bien des forces politiques et économiques qui y opèrent. Alors, comment faire pour être représenté au sein de ces forces?
Ce qui est particulièrement intéressant dans le récit de l’auteur sur son blogue c’est justement l’implication politique qu’il a menée au cours de ses nombreuses années à titre de membre du conseil d’administration du CQT, du CEAD et de l’AQAD. Il y a quelque chose de fondamentalement touchant dans la posture d’un héros blessé qui revient sur les batailles dont il est sorti amer. Ça fait autorité et les gens qui n’y étaient pas se disent: «Ah ben coudonc, c’est vrai, mon dieu qu’on invente pu rien de nos jours, maudit que le monde post-toutte; c’est plate».
Il est vrai que ça prend un courage indéniable pour aller prédire l’exode des artistes québécois à des hauts fonctionnaires venus annoncer des coupes considérables. C’est tout aussi frappant que de comparer, en pleine commission parlementaire, la société à une femme qui crie au milieu d’un restaurant, et qu’on finit par bourrer de calmants pour régler le problème.
Je ne veux en rien diminuer l’effet de ces discours sur les humains présents dans ces salles de réunions, mais pourquoi est-ce que ces éloquentes paroles n’ont pas produit les effets escomptés? Qu’est-ce que cet héroïsme, dont René-Daniel et bien d’autres – il faut le dire – ont fait preuve, a apporté à la cause, sinon un sentiment de défi insurmontable pour les générations suivantes devant les échecs répétés?
Négocier avec le pouvoir politique sans rapport de force, ça n’aboutit pas en réinvestissements significatifs. En revanche, il est évident que ça produit des conclusions apocalyptiques sur l’état de la culture.
Quand M. Dubois oppose à mon texte, un genre de: «On haït la culture icitte, je le sais, chus passé par là, tu te trompes le jeune», ce qu’il fait réellement c’est m’empêcher d’interroger mon milieu quant à l’établissement d’un rapport de force en vue d’une négociation. De toute évidence, le théâtre et les arts au Québec n’ont jamais eu ce genre de levier. Se sont-ils déjà même organisés pour l’avoir? Pourrait-il vraiment advenir? Et, s’il advenait, pourrait-il agir à titre de régulateur afin d’empêcher que des théâtres institutionnels chargent 7 000$, en plus de prendre un pourcentage sur les billets, à une jeune compagnie pour la location de sa petite salle? Et, surtout, qui peut assumer ce leadership? Le CQT, les Théâtres Associés Inc., l’UDA ou bien une autre structure relevant de l’activisme syndical? Je n’en ai aucune idée, mais il me semble que dans le contexte actuel (rumeurs de nouvelle politique culturelle, refonte des programmes à tous les paliers, réinvestissement du Conseil des arts du Canada) il demeure urgent d’interroger son milieu quant à la redistribution des sommes, même maigres, accordées par le pouvoir public, et, de l’interroger quant à son pouvoir d’organisation pour changer la situation.
Donc, puisqu’il y a eu du bruit entre mon texte et ses destinateurs, je me permets de poser la question une autre fois: comment fait-on, en art, pour établir un véritable rapport de force avec le pouvoir politique, et, ainsi, s’assurer de voir notre théâtre?
Il y a quelques semaines, j’ai écrit un coup de gueule dans la revue Jeu où je fantasmais de voir s’établir dans le milieu théâtral un véritable rapport de force, à la manière syndicale, pour exiger un réinvestissement massif dans notre pratique.
Il faut dire que j’avais été encouragé dans cette voie par la récente sortie publique de Michel Marc Bouchard («Faire de son pays le plus sophistiqué au monde», Le Devoir, 22 juin 2016), de la dernière conférence-débat du CQT (L’imaginaire théâtral québécois), par le NoShow (FTA 2014) ainsi que par le constat d’échec des États généraux du théâtre de 2007. Mon coup de gueule fit bondir René-Daniel Dubois qui effectua une sortie en règle contre ce que j’avançais. Depuis, il s’est lancé dans la rédaction d’un blogue où il relate en détail ses nombreux combats pour faire avancer la condition de la pratique au Québec.
Il avance ainsi que: «Si ce n’était qu’une question de sous, il y a sans doute fort longtemps que la question serait réglée» prétextant que la véritable source du mal c’est qu’en fait: «peu importe combien de personnes sont folles d’art, au Québec, la société où nous vivons HAÏT l’art.» M. Dubois le dit lui-même, peu importe si le public est au rendez-vous, c’est à cause du pouvoir politique que le financement est insuffisant. Je suis bien d’accord avec lui, car il est vrai que la société n’est pas simplement l’addition de tous les individus au sein d’une même communauté. Il y a bel et bien des forces politiques et économiques qui y opèrent. Alors, comment faire pour être représenté au sein de ces forces?
Ce qui est particulièrement intéressant dans le récit de l’auteur sur son blogue c’est justement l’implication politique qu’il a menée au cours de ses nombreuses années à titre de membre du conseil d’administration du CQT, du CEAD et de l’AQAD. Il y a quelque chose de fondamentalement touchant dans la posture d’un héros blessé qui revient sur les batailles dont il est sorti amer. Ça fait autorité et les gens qui n’y étaient pas se disent: «Ah ben coudonc, c’est vrai, mon dieu qu’on invente pu rien de nos jours, maudit que le monde post-toutte; c’est plate».
Il est vrai que ça prend un courage indéniable pour aller prédire l’exode des artistes québécois à des hauts fonctionnaires venus annoncer des coupes considérables. C’est tout aussi frappant que de comparer, en pleine commission parlementaire, la société à une femme qui crie au milieu d’un restaurant, et qu’on finit par bourrer de calmants pour régler le problème.
Je ne veux en rien diminuer l’effet de ces discours sur les humains présents dans ces salles de réunions, mais pourquoi est-ce que ces éloquentes paroles n’ont pas produit les effets escomptés? Qu’est-ce que cet héroïsme, dont René-Daniel et bien d’autres – il faut le dire – ont fait preuve, a apporté à la cause, sinon un sentiment de défi insurmontable pour les générations suivantes devant les échecs répétés?
Négocier avec le pouvoir politique sans rapport de force, ça n’aboutit pas en réinvestissements significatifs. En revanche, il est évident que ça produit des conclusions apocalyptiques sur l’état de la culture.
Quand M. Dubois oppose à mon texte, un genre de: «On haït la culture icitte, je le sais, chus passé par là, tu te trompes le jeune», ce qu’il fait réellement c’est m’empêcher d’interroger mon milieu quant à l’établissement d’un rapport de force en vue d’une négociation. De toute évidence, le théâtre et les arts au Québec n’ont jamais eu ce genre de levier. Se sont-ils déjà même organisés pour l’avoir? Pourrait-il vraiment advenir? Et, s’il advenait, pourrait-il agir à titre de régulateur afin d’empêcher que des théâtres institutionnels chargent 7 000$, en plus de prendre un pourcentage sur les billets, à une jeune compagnie pour la location de sa petite salle? Et, surtout, qui peut assumer ce leadership? Le CQT, les Théâtres Associés Inc., l’UDA ou bien une autre structure relevant de l’activisme syndical? Je n’en ai aucune idée, mais il me semble que dans le contexte actuel (rumeurs de nouvelle politique culturelle, refonte des programmes à tous les paliers, réinvestissement du Conseil des arts du Canada) il demeure urgent d’interroger son milieu quant à la redistribution des sommes, même maigres, accordées par le pouvoir public, et, de l’interroger quant à son pouvoir d’organisation pour changer la situation.
Donc, puisqu’il y a eu du bruit entre mon texte et ses destinateurs, je me permets de poser la question une autre fois: comment fait-on, en art, pour établir un véritable rapport de force avec le pouvoir politique, et, ainsi, s’assurer de voir notre théâtre?