Défi de taille pour le metteur en scène Olivier Morin, qui en signe aussi l’adaptation, le conte philosophique aux accents fantastiques Peer Gynt, écrit par Henrik Ibsen en 1866, compte quelques dizaines de personnages et des pérégrinations autour du monde, qui, à défaut de grands moyens, exigent à tout le moins quelques trouvailles d’imagination. S’inscrivant dans le nouveau cycle scandinave du Théâtre de l’Opsis, cette production ne passera pas à l’histoire.
D’entrée de jeu, la querelle entre le jeune héros menteur et fantasque, et sa mère, autoritaire et désespérée, donne le ton de la représentation : on ne sera pas, ici, dans la subtilité, la caricature prenant d’emblée possession de la scène avec ses gros sabots. Vociférant et courant derrière son fils avec une hache, la paysanne (jouée par Caroline Lavigne) en met beaucoup, beaucoup trop pour qu’on adhère une seconde à la réalité de cet être grotesque. Le fils (incarné par Guillaume Tremblay), narrant en l’inventant à mesure son périple à dos de renne sauvage, se maintient heureusement dans une certaine retenue, sans laquelle la pièce n’aurait pas tenu la route bien longtemps.
Après avoir obtenu une promesse d’amour de la jeune et naïve Solveig, l’anti-héros, campagnard prétentieux, volage, prêt à toutes les aventures, séduit Ingrid, une jeune mariée (Émilie Bibeau), durant sa nuit nuptiale, et la jette au matin après l’avoir déflorée. Puis, il se mesure avec les trolls du royaume de Dovre, après avoir fait la cour à la fille du roi, qui entre dans une grande colère en constatant que Peer Gynt ne souhaite en rien se soumettre à son pouvoir. Cette scène de la fête chez les trolls, cacophonique à souhait, constitue l’un des bons passages de la pièce. Tout comme les échanges entre Peer et Solveig, teintés de tendresse.
Quand le texte ne suffit pas
L’adaptation de l’œuvre, dans un langage québécois populaire aux résonances bien d’aujourd’hui, fonctionne assez bien. Des parallèles se font tout naturellement entre la culture paysanne norvégienne et les légendes et traditions québécoises d’antan. L’humour y affleure, notamment dans des répliques ironiques, Peer Gynt répétant à Solveig, ébahi devant sa beauté : « T’es tellement blonde! », ou à l’intérieur de comptines sarcastiques, comme celle chantée par trois jeunes filles : « Faute de gars, on s’tape des trolls! » Toutes sortes de références et de clins d’yeux parsèment le texte, et font sourire. Cependant, le jeu grossier la plupart du temps semble avoir pour effet d’annihiler les velléités de faire rire…
La bande sonore, riche, concoctée par Navet Confit, mariant voix préenregistrées, musique champêtre et bucolique, chants d’oiseaux, et les jeux d’éclairages chauds, jouant de la pénombre et des effets de glace sèche, ne suffisent pas à faire naître la magie. Le dernier tiers de la représentation, où Peer Gynt, devenu esclavagiste, se voit comme empereur du monde et divin prophète, avant de passer en Égypte, distille l’ennui, après près de deux heures de spectacle.
Le peu de trouvailles scéniques, malgré un travail honnête de la part des interprètes, ne permet pas de rendre percutant le message que martèle pourtant le texte : à savoir qu’il est inutile de s’illusionner, être soi-même en tout et en toute circonstance se révèle un exploit inatteignable pour le commun des mortels. Seuls les trolls, semble-t-il, y arrivent… juste assez.
Texte : Henrik Ibsen. Adaptation et mise en scène : Olivier Morin. Direction artistique : Luce Pelletier. Costumes : Julie Breton. Consultant décor : Olivier Landreville. Éclairages : Marie-Aube Saint-Amand Duplessis. Musique : Navet Confit. Maquillages : Justine Denoncourt. Assistance aux costumes : Estelle Charron et Jasmine Wannaz. Avec Christophe Baril, Émilie Bibeau, Kim Despatis, Sébastien Dodge, Steve Gagnon, Caroline Lavigne, Olivier Morin et Guillaume Tremblay. Une production du Théâtre de l’Opsis, présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 19 février 2017.
Défi de taille pour le metteur en scène Olivier Morin, qui en signe aussi l’adaptation, le conte philosophique aux accents fantastiques Peer Gynt, écrit par Henrik Ibsen en 1866, compte quelques dizaines de personnages et des pérégrinations autour du monde, qui, à défaut de grands moyens, exigent à tout le moins quelques trouvailles d’imagination. S’inscrivant dans le nouveau cycle scandinave du Théâtre de l’Opsis, cette production ne passera pas à l’histoire.
D’entrée de jeu, la querelle entre le jeune héros menteur et fantasque, et sa mère, autoritaire et désespérée, donne le ton de la représentation : on ne sera pas, ici, dans la subtilité, la caricature prenant d’emblée possession de la scène avec ses gros sabots. Vociférant et courant derrière son fils avec une hache, la paysanne (jouée par Caroline Lavigne) en met beaucoup, beaucoup trop pour qu’on adhère une seconde à la réalité de cet être grotesque. Le fils (incarné par Guillaume Tremblay), narrant en l’inventant à mesure son périple à dos de renne sauvage, se maintient heureusement dans une certaine retenue, sans laquelle la pièce n’aurait pas tenu la route bien longtemps.
Après avoir obtenu une promesse d’amour de la jeune et naïve Solveig, l’anti-héros, campagnard prétentieux, volage, prêt à toutes les aventures, séduit Ingrid, une jeune mariée (Émilie Bibeau), durant sa nuit nuptiale, et la jette au matin après l’avoir déflorée. Puis, il se mesure avec les trolls du royaume de Dovre, après avoir fait la cour à la fille du roi, qui entre dans une grande colère en constatant que Peer Gynt ne souhaite en rien se soumettre à son pouvoir. Cette scène de la fête chez les trolls, cacophonique à souhait, constitue l’un des bons passages de la pièce. Tout comme les échanges entre Peer et Solveig, teintés de tendresse.
Quand le texte ne suffit pas
L’adaptation de l’œuvre, dans un langage québécois populaire aux résonances bien d’aujourd’hui, fonctionne assez bien. Des parallèles se font tout naturellement entre la culture paysanne norvégienne et les légendes et traditions québécoises d’antan. L’humour y affleure, notamment dans des répliques ironiques, Peer Gynt répétant à Solveig, ébahi devant sa beauté : « T’es tellement blonde! », ou à l’intérieur de comptines sarcastiques, comme celle chantée par trois jeunes filles : « Faute de gars, on s’tape des trolls! » Toutes sortes de références et de clins d’yeux parsèment le texte, et font sourire. Cependant, le jeu grossier la plupart du temps semble avoir pour effet d’annihiler les velléités de faire rire…
La bande sonore, riche, concoctée par Navet Confit, mariant voix préenregistrées, musique champêtre et bucolique, chants d’oiseaux, et les jeux d’éclairages chauds, jouant de la pénombre et des effets de glace sèche, ne suffisent pas à faire naître la magie. Le dernier tiers de la représentation, où Peer Gynt, devenu esclavagiste, se voit comme empereur du monde et divin prophète, avant de passer en Égypte, distille l’ennui, après près de deux heures de spectacle.
Le peu de trouvailles scéniques, malgré un travail honnête de la part des interprètes, ne permet pas de rendre percutant le message que martèle pourtant le texte : à savoir qu’il est inutile de s’illusionner, être soi-même en tout et en toute circonstance se révèle un exploit inatteignable pour le commun des mortels. Seuls les trolls, semble-t-il, y arrivent… juste assez.
Peer Gynt
Texte : Henrik Ibsen. Adaptation et mise en scène : Olivier Morin. Direction artistique : Luce Pelletier. Costumes : Julie Breton. Consultant décor : Olivier Landreville. Éclairages : Marie-Aube Saint-Amand Duplessis. Musique : Navet Confit. Maquillages : Justine Denoncourt. Assistance aux costumes : Estelle Charron et Jasmine Wannaz. Avec Christophe Baril, Émilie Bibeau, Kim Despatis, Sébastien Dodge, Steve Gagnon, Caroline Lavigne, Olivier Morin et Guillaume Tremblay. Une production du Théâtre de l’Opsis, présentée au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 19 février 2017.