Belle initiative, de la part de jeunes artistes l’ayant relativement peu ou pas connu, de rendre hommage à Marc Favreau (1929-2005) et à son génial Sol, clown philosophe sans abri qui a propulsé l’auteur et interprète sur les scènes du monde francophone pendant des années. Sa verve puissante, poétique et iconoclaste, où s’amalgament calembours et invention de mots, et dont la critique sociale ressort à travers une drôlerie irrésistible, constitue évidemment la force première de ce spectacle.
Dès l’ouverture, par une fausse entrée en costume de Sol, où il esquisse à peine une imitation du célèbre personnage, le metteur en scène et comédien, Nicolas Gendron, nous fait comprendre que son équipe n’a pas choisi cette voie caricaturale pour redonner vie à l’univers de Favreau. Ce sera au contraire avec une certaine délicatesse et beaucoup de tendresse qu’on l’approchera. Du reste, ce tendre regard sur les choses et les êtres, révélant un véritable poète, affleure au fil des mots de ce virtuose du verbe.
Dans un décor simple de draps tendus sur des cordes à linge, une guirlande d’ampoules, un escabeau, une brouette, quelques accessoires évocateurs, les comédiens rivalisent d’imagination pour donner corps à ces textes riches, foisonnants, où s’accumulent les couches de sens. Faisant appel à quatre auteurs ayant écrit, avec les mots de Favreau, des numéros inspirés de monologues plus longs, les créateurs du spectacle ont construit un récit, de la naissance à la mort, dont le fil n’est cependant pas toujours facile à suivre.
Favreau, qui n’était pas «Sol au monde» (titre du texte d’introduction signé par le metteur en scène), a commis des perles où s’exprime, par exemple, son amour des enfants: «l’enfer, ce serait un monde sans enfants» dit-il dans Faut faire l’enfant, après avoir joué sur la confusion entre «faire des enfants» et «faire l’enfant». Il s’est attardé aussi à l’éducation, au choix d’une carrière, l’université devenant «l’adversité», au travail et à la nature, dans Les oisifs, ces drôles d’oiseaux. Sol a parlé de la guerre, de l’amour, de la médecine, de la justice, de la pollution, de la vieillesse et j’en passe.
Les tableaux se succèdent mais ne se ressemblent pas: monologues repris en chœur, chorégraphiés, dont des parties mises en chansons, scènes collectives. Celle du tournage d’un film, dans Cinémalomanie, notamment, se révèle particulièrement théâtrale. Un extrait vidéo mettant en vedette le grand Marcel Sabourin, donnant un discours électoral, «mes chers électrons…», d’une bêtise évoquant la plus criante actualité, nous fait mesurer la force de cette écriture. Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas durant l’heure et demie de la représentation.
De l’ensemble, l’aspect comique, si indissociable du personnage de Sol, semble avoir été un peu évacué. Marc Favreau était un interprète de grand talent, dont le personnage collait à la peau, chaque mot, chaque phrase mis en valeur. Malgré des passages divertissants, bien menés, l’incarnation des comédiens, ici, ne permet pas de saisir tout le comique des inventions langagières. Du coup, l’aspect de la critique sociale ressort davantage, tout comme la tendresse. Les quelques extraits chantés sont réussis, les interprètes ayant tous de belles voix. Demeure une rencontre agréable avec un fantôme à deux têtes bien vivant, qui mérite d’être (re)découvert.
Textes: Marc Favreau. Auteurs invités: Marie-Lise Chouinard, Annie Cloutier, David Leblanc, Anne-Marie Olivier. Mise en scène et adaptation: Nicolas Gendron. Éclairages: Leticia Hamaoui. Scénographie: Joëlle Harbec. Costumes: Marilyne Roy. Musique et chanson: Maxime Auguste. Avec Maxime Beauregard-Martin, Isabeau Blanche, Gabriel Dagenais, Nicolas Gendron et Olivia Palacci. Une production d’ExLibris. À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 11 mars 2017. Au Théâtre Mirella et Lino Saputo le 29 avril 2018.
Belle initiative, de la part de jeunes artistes l’ayant relativement peu ou pas connu, de rendre hommage à Marc Favreau (1929-2005) et à son génial Sol, clown philosophe sans abri qui a propulsé l’auteur et interprète sur les scènes du monde francophone pendant des années. Sa verve puissante, poétique et iconoclaste, où s’amalgament calembours et invention de mots, et dont la critique sociale ressort à travers une drôlerie irrésistible, constitue évidemment la force première de ce spectacle.
Dès l’ouverture, par une fausse entrée en costume de Sol, où il esquisse à peine une imitation du célèbre personnage, le metteur en scène et comédien, Nicolas Gendron, nous fait comprendre que son équipe n’a pas choisi cette voie caricaturale pour redonner vie à l’univers de Favreau. Ce sera au contraire avec une certaine délicatesse et beaucoup de tendresse qu’on l’approchera. Du reste, ce tendre regard sur les choses et les êtres, révélant un véritable poète, affleure au fil des mots de ce virtuose du verbe.
Dans un décor simple de draps tendus sur des cordes à linge, une guirlande d’ampoules, un escabeau, une brouette, quelques accessoires évocateurs, les comédiens rivalisent d’imagination pour donner corps à ces textes riches, foisonnants, où s’accumulent les couches de sens. Faisant appel à quatre auteurs ayant écrit, avec les mots de Favreau, des numéros inspirés de monologues plus longs, les créateurs du spectacle ont construit un récit, de la naissance à la mort, dont le fil n’est cependant pas toujours facile à suivre.
Favreau, qui n’était pas «Sol au monde» (titre du texte d’introduction signé par le metteur en scène), a commis des perles où s’exprime, par exemple, son amour des enfants: «l’enfer, ce serait un monde sans enfants» dit-il dans Faut faire l’enfant, après avoir joué sur la confusion entre «faire des enfants» et «faire l’enfant». Il s’est attardé aussi à l’éducation, au choix d’une carrière, l’université devenant «l’adversité», au travail et à la nature, dans Les oisifs, ces drôles d’oiseaux. Sol a parlé de la guerre, de l’amour, de la médecine, de la justice, de la pollution, de la vieillesse et j’en passe.
Les tableaux se succèdent mais ne se ressemblent pas: monologues repris en chœur, chorégraphiés, dont des parties mises en chansons, scènes collectives. Celle du tournage d’un film, dans Cinémalomanie, notamment, se révèle particulièrement théâtrale. Un extrait vidéo mettant en vedette le grand Marcel Sabourin, donnant un discours électoral, «mes chers électrons…», d’une bêtise évoquant la plus criante actualité, nous fait mesurer la force de cette écriture. Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas durant l’heure et demie de la représentation.
De l’ensemble, l’aspect comique, si indissociable du personnage de Sol, semble avoir été un peu évacué. Marc Favreau était un interprète de grand talent, dont le personnage collait à la peau, chaque mot, chaque phrase mis en valeur. Malgré des passages divertissants, bien menés, l’incarnation des comédiens, ici, ne permet pas de saisir tout le comique des inventions langagières. Du coup, l’aspect de la critique sociale ressort davantage, tout comme la tendresse. Les quelques extraits chantés sont réussis, les interprètes ayant tous de belles voix. Demeure une rencontre agréable avec un fantôme à deux têtes bien vivant, qui mérite d’être (re)découvert.
L’enfance de l’art (doigts d’auteur de Marc Favreau)
Textes: Marc Favreau. Auteurs invités: Marie-Lise Chouinard, Annie Cloutier, David Leblanc, Anne-Marie Olivier. Mise en scène et adaptation: Nicolas Gendron. Éclairages: Leticia Hamaoui. Scénographie: Joëlle Harbec. Costumes: Marilyne Roy. Musique et chanson: Maxime Auguste. Avec Maxime Beauregard-Martin, Isabeau Blanche, Gabriel Dagenais, Nicolas Gendron et Olivia Palacci. Une production d’ExLibris. À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 11 mars 2017. Au Théâtre Mirella et Lino Saputo le 29 avril 2018.