Nicolas Cantin travaille au théâtre, en danse et au cirque depuis vingt-cinq ans. À Montréal depuis dix-sept ans, il a signé cinq pièces, été interprète, donné des cours. Il présente Spoon au Festival TransAmériques.
Spoon met en scène deux enfants. Pourquoi ce choix?
Comme je suis en processus de création, plus rien n’existe que ces enfants. Elles me mettent tellement dans le présent que je suis devant la matière première, le jeu sans calcul, sans ironie, sans a priori, sans filtre. On ne se connaissait pas, mais le choix a été immédiat : Gaia a huit ans, Fiona, onze. Je leur propose des jeux sur un canevas, mais dans cette structure elles sont libres et vivent l’expérience selon leur état du moment. J’ai testé la pièce avec quelques spectateurs, mais c’est l’inconnu : chaque soir, en scène, ce sera différent.
Est-ce différent de jouer au théâtre et, disons, dans un parc?
Dans une salle, le regard est à la fois déplacé et d’une autre nature. Ce que les enfants regardent est simple et banal, mais l’objet en est rechargé. Les spectateurs participent à mon travail, qui consiste à transformer l’environnement par le regard. A-t-on besoin de spectacle? J’en doute. Ne faut-il pas réenchanter le quotidien? Spoon a une dramaturgie, mais je n’ai pas de propos. La visibilité m’importe si elle cristallise une charge, sinon je me méfie du théâtre, trop intellectuel. J’essaie d’ouvrir le plus possible, comme j’aime voir au musée des œuvres où on me laisse me projeter. C’est ce que j’attends de cette pièce, brute, épurée, simplifiée.
D’où vient ce goût pour le minimalisme?
Dans ma formation, il y a des stages, mais pas d’école de théâtre. Étant curieux, je ne m’enferme pas dans une forme : je cherche le fond commun à chaque pratique. J’aime le fragment, car le spectateur y est actif. Avec les enfants, je trouve une humanité innommable, archaïque, qui passe par la mobilité et par la rétention, comme en poésie. J’aime l’écriture sèche, sans boursouflures : je peux y faire ma place, et le spectateur aussi. Dans Spoon, je crée une chambre d’écho, un espace-temps où le spectateur lâche prise. Ces enfants jouent ensemble. Il ne se passe rien, mais tout entre en résonance.
Est-ce une sensorialité organique? Une sensibilité à l’intime?
La danse est pour moi un simple levier. On ne peut échapper à notre corps, mais je ne vise pas la catharsis, plutôt les limites, le pressentiment, le prémouvement, la préhistoire, l’archéologie sous le masque. Entre les choses, l’espace est riche et innommable. Si je me dérobe à nommer l’irrationnel, les enfants, elles, laissent couler cette liberté. Elles acceptent de se laisser regarder sans rien apprêter. Les enfants sont des générateurs d’amour. La dimension de l’être profond, inaliénable, doit se révéler au théâtre.
Quand je prends des photos de voyage, en Birmanie, en Chine, je cherche une relation d’amour qui me fait regarder l’autre et me donne accès à lui. Voir la vie passée dans un être humain me trouble. J’y vois l’empreinte du temps. J’aime ces frontières poreuses entre le spectacle et la vie. Le spectacle a-t-il commencé? Finit-il aux applaudissements? Peut-on inonder les spectacles d’énigme et de fabulation? Cet espace intime est une théâtralité en 3-D, dont fait partie la tête du spectateur.
Un spectacle de Nicolas Cantin. Complicité artistique : Katya Montaignac. Éclairages : Karine Gauthier. Avec Fiona Chevarier et Gaïa Won de Jong. Une coproduction de Nicolas Cantin, de Daniel Léveillé Danse, du Festival TransAmériques et de la Chapelle. À la Chapelle, à l’occasion du Festival TransAmériques, du 27 au 29 mai 2017.
Nicolas Cantin travaille au théâtre, en danse et au cirque depuis vingt-cinq ans. À Montréal depuis dix-sept ans, il a signé cinq pièces, été interprète, donné des cours. Il présente Spoon au Festival TransAmériques.
Spoon met en scène deux enfants. Pourquoi ce choix?
Comme je suis en processus de création, plus rien n’existe que ces enfants. Elles me mettent tellement dans le présent que je suis devant la matière première, le jeu sans calcul, sans ironie, sans a priori, sans filtre. On ne se connaissait pas, mais le choix a été immédiat : Gaia a huit ans, Fiona, onze. Je leur propose des jeux sur un canevas, mais dans cette structure elles sont libres et vivent l’expérience selon leur état du moment. J’ai testé la pièce avec quelques spectateurs, mais c’est l’inconnu : chaque soir, en scène, ce sera différent.
Est-ce différent de jouer au théâtre et, disons, dans un parc?
Dans une salle, le regard est à la fois déplacé et d’une autre nature. Ce que les enfants regardent est simple et banal, mais l’objet en est rechargé. Les spectateurs participent à mon travail, qui consiste à transformer l’environnement par le regard. A-t-on besoin de spectacle? J’en doute. Ne faut-il pas réenchanter le quotidien? Spoon a une dramaturgie, mais je n’ai pas de propos. La visibilité m’importe si elle cristallise une charge, sinon je me méfie du théâtre, trop intellectuel. J’essaie d’ouvrir le plus possible, comme j’aime voir au musée des œuvres où on me laisse me projeter. C’est ce que j’attends de cette pièce, brute, épurée, simplifiée.
D’où vient ce goût pour le minimalisme?
Dans ma formation, il y a des stages, mais pas d’école de théâtre. Étant curieux, je ne m’enferme pas dans une forme : je cherche le fond commun à chaque pratique. J’aime le fragment, car le spectateur y est actif. Avec les enfants, je trouve une humanité innommable, archaïque, qui passe par la mobilité et par la rétention, comme en poésie. J’aime l’écriture sèche, sans boursouflures : je peux y faire ma place, et le spectateur aussi. Dans Spoon, je crée une chambre d’écho, un espace-temps où le spectateur lâche prise. Ces enfants jouent ensemble. Il ne se passe rien, mais tout entre en résonance.
Est-ce une sensorialité organique? Une sensibilité à l’intime?
La danse est pour moi un simple levier. On ne peut échapper à notre corps, mais je ne vise pas la catharsis, plutôt les limites, le pressentiment, le prémouvement, la préhistoire, l’archéologie sous le masque. Entre les choses, l’espace est riche et innommable. Si je me dérobe à nommer l’irrationnel, les enfants, elles, laissent couler cette liberté. Elles acceptent de se laisser regarder sans rien apprêter. Les enfants sont des générateurs d’amour. La dimension de l’être profond, inaliénable, doit se révéler au théâtre.
Quand je prends des photos de voyage, en Birmanie, en Chine, je cherche une relation d’amour qui me fait regarder l’autre et me donne accès à lui. Voir la vie passée dans un être humain me trouble. J’y vois l’empreinte du temps. J’aime ces frontières poreuses entre le spectacle et la vie. Le spectacle a-t-il commencé? Finit-il aux applaudissements? Peut-on inonder les spectacles d’énigme et de fabulation? Cet espace intime est une théâtralité en 3-D, dont fait partie la tête du spectateur.
Spoon
Un spectacle de Nicolas Cantin. Complicité artistique : Katya Montaignac. Éclairages : Karine Gauthier. Avec Fiona Chevarier et Gaïa Won de Jong. Une coproduction de Nicolas Cantin, de Daniel Léveillé Danse, du Festival TransAmériques et de la Chapelle. À la Chapelle, à l’occasion du Festival TransAmériques, du 27 au 29 mai 2017.