Affirmer que le voyage se trouve au cœur de la démarche dramaturgique de Jean-Philippe Lehoux relève presque de l’euphémisme. Cette année seulement, l’auteur de Napoléon voyage a convié le public à trois odyssées. L’automne dernier, il explorait le Japon grâce à L’Écolière de Tokyo, pièce qui lui a valu le Prix Gratien-Gélinas en 2013. Il élaborait un périple intersidéral cet hiver dans Irène sur Mars et il termine sa saison théâtrale en invitant le jeune public à la rencontre de l’autre dans un quartier sombre et délabré d’une ville d’Europe de l’Est.
Petites Bûches, d’abord créé en Ontario par le Théâtre de la Vieille 17, emprunte hélas un parcours convenu, ce qui étonne de la part de celui qui a souvent su offrir, comme dans Comment je suis devenue touriste par exemple, des réflexions riches quant à la possibilité de voyager – et donc de penser – autrement.
Certes, dans Petites Bûches, le jeune Marco, qui a perdu de vue ses parents à l’aéroport et a décidé de les retrouver à l’hôtel – un projet plus aisément formulé qu’exécuté – apprendra que l’étranger, s’il est différent, n’est pas forcément menaçant. Il rencontrera un sans abri qui sème l’épouvante par son apparence déglinguée ainsi que deux fillettes de la rue, Rose et Sarah, au tempérament revêche auquel on s’attend de ce type de personnages et particulièrement rébarbatives face aux riches imbéciles heureux venus de l’Ouest pour faire du tourisme.
Qui fréquente un tant soit peu l’univers de la culture destinée aux enfants a tôt fait de constater que le thème de l’ouverture à l’autre et de l’inadéquation des préjugés y est pour le moins récurrent. Plus encore, le vieil homme seul, hirsute et – caractéristique facultative qui n’a pas été retenue ici – bourru, sur le compte duquel circulent toutes sortes d’histoires terrifiantes, mais qui cache un cœur d’or derrière son aspect rebutant est probablement en voie de devenir un stéréotype… si ce n’est pas déjà le cas.
Certains souffrent plus que d’autres
La pièce aurait gagné à être davantage nuancée. On présente à l’auditoire une galerie d’individus éprouvés par une vie difficile, mais inéluctablement bons si l’on prend le temps de les apprivoiser et, surtout, si l’on parvient à vaincre ses propres idées préconçues et ses défiances superfétatoires. Pourtant, si Rose a dû développer une telle carapace, c’est qu’elle a forcément dû faire face à d’autres problèmes que la faim et notamment à des êtres aux desseins peu louables. De cela, il ne sera nullement fait mention. Malheureusement, à trop vouloir combattre le réflexe de méfiance qu’on peut avoir envers autrui, Petites Bûches en devient une histoire plutôt inoffensive, voire édulcorée. Les plus jeunes pourront certainement y trouver leur compte, mais les spectateurs d’une dizaine d’années et plus resteront sans doute sur leur faim.
Le spectacle n’est pourtant pas sans qualités. Pensons à la scénographie efficace et imaginative, surtout en ce qui concerne le carrousel constitué de rebuts. Qui plus est, John Doucet arrive très bien à camper ce petit voyageur occidental, favorisé non seulement d’un point de vue matériel, mais aussi sur le plan humain, puisque ses parents s’investissent dans son éducation, le valorisent et lui font découvrir le monde.
C’est d’ailleurs là que réside le principal attrait de la production, en cette opposition entre le mode de vie des uns et des autres, selon le coin du globe où ils évoluent… bien que la pauvreté ne soit pas l’apanage de l’ailleurs. Le moment où Marco s’émerveille naïvement du fait que ses nouvelles amies dorment dans une voiture, ce à quoi Sarah répond ne pas se souvenir d’avoir déjà dormi dans un lit, s’avère particulièrement touchant. Sur ce, le petit touriste retournera à son univers de ouate et laissera ses copains aux misères de la rue. Après tout, ce n’est pas parce qu’on explore le monde qu’on le refait.
Texte : Jean-Philippe Lehoux. Mise en scène : Joël Beddows. Scénographie : Julie Giroux. Costumes : Marianne Thériault. Éclairages : Michael Brunet. Avec Roch Castonguay, John Doucet, Danielle Le Saux-Farmer et Chloé Tremblay. Présenté par le Théâtre de la Vieille 17 à la Maison Théâtre jusqu’au 28 mai 2017.
Affirmer que le voyage se trouve au cœur de la démarche dramaturgique de Jean-Philippe Lehoux relève presque de l’euphémisme. Cette année seulement, l’auteur de Napoléon voyage a convié le public à trois odyssées. L’automne dernier, il explorait le Japon grâce à L’Écolière de Tokyo, pièce qui lui a valu le Prix Gratien-Gélinas en 2013. Il élaborait un périple intersidéral cet hiver dans Irène sur Mars et il termine sa saison théâtrale en invitant le jeune public à la rencontre de l’autre dans un quartier sombre et délabré d’une ville d’Europe de l’Est.
Petites Bûches, d’abord créé en Ontario par le Théâtre de la Vieille 17, emprunte hélas un parcours convenu, ce qui étonne de la part de celui qui a souvent su offrir, comme dans Comment je suis devenue touriste par exemple, des réflexions riches quant à la possibilité de voyager – et donc de penser – autrement.
Certes, dans Petites Bûches, le jeune Marco, qui a perdu de vue ses parents à l’aéroport et a décidé de les retrouver à l’hôtel – un projet plus aisément formulé qu’exécuté – apprendra que l’étranger, s’il est différent, n’est pas forcément menaçant. Il rencontrera un sans abri qui sème l’épouvante par son apparence déglinguée ainsi que deux fillettes de la rue, Rose et Sarah, au tempérament revêche auquel on s’attend de ce type de personnages et particulièrement rébarbatives face aux riches imbéciles heureux venus de l’Ouest pour faire du tourisme.
Qui fréquente un tant soit peu l’univers de la culture destinée aux enfants a tôt fait de constater que le thème de l’ouverture à l’autre et de l’inadéquation des préjugés y est pour le moins récurrent. Plus encore, le vieil homme seul, hirsute et – caractéristique facultative qui n’a pas été retenue ici – bourru, sur le compte duquel circulent toutes sortes d’histoires terrifiantes, mais qui cache un cœur d’or derrière son aspect rebutant est probablement en voie de devenir un stéréotype… si ce n’est pas déjà le cas.
Certains souffrent plus que d’autres
La pièce aurait gagné à être davantage nuancée. On présente à l’auditoire une galerie d’individus éprouvés par une vie difficile, mais inéluctablement bons si l’on prend le temps de les apprivoiser et, surtout, si l’on parvient à vaincre ses propres idées préconçues et ses défiances superfétatoires. Pourtant, si Rose a dû développer une telle carapace, c’est qu’elle a forcément dû faire face à d’autres problèmes que la faim et notamment à des êtres aux desseins peu louables. De cela, il ne sera nullement fait mention. Malheureusement, à trop vouloir combattre le réflexe de méfiance qu’on peut avoir envers autrui, Petites Bûches en devient une histoire plutôt inoffensive, voire édulcorée. Les plus jeunes pourront certainement y trouver leur compte, mais les spectateurs d’une dizaine d’années et plus resteront sans doute sur leur faim.
Le spectacle n’est pourtant pas sans qualités. Pensons à la scénographie efficace et imaginative, surtout en ce qui concerne le carrousel constitué de rebuts. Qui plus est, John Doucet arrive très bien à camper ce petit voyageur occidental, favorisé non seulement d’un point de vue matériel, mais aussi sur le plan humain, puisque ses parents s’investissent dans son éducation, le valorisent et lui font découvrir le monde.
C’est d’ailleurs là que réside le principal attrait de la production, en cette opposition entre le mode de vie des uns et des autres, selon le coin du globe où ils évoluent… bien que la pauvreté ne soit pas l’apanage de l’ailleurs. Le moment où Marco s’émerveille naïvement du fait que ses nouvelles amies dorment dans une voiture, ce à quoi Sarah répond ne pas se souvenir d’avoir déjà dormi dans un lit, s’avère particulièrement touchant. Sur ce, le petit touriste retournera à son univers de ouate et laissera ses copains aux misères de la rue. Après tout, ce n’est pas parce qu’on explore le monde qu’on le refait.
Petite Bûches
Texte : Jean-Philippe Lehoux. Mise en scène : Joël Beddows. Scénographie : Julie Giroux. Costumes : Marianne Thériault. Éclairages : Michael Brunet. Avec Roch Castonguay, John Doucet, Danielle Le Saux-Farmer et Chloé Tremblay. Présenté par le Théâtre de la Vieille 17 à la Maison Théâtre jusqu’au 28 mai 2017.