Le chorégraphe français Rachid Ouramdane est de passage au FTA avec Tordre, une œuvre créée en 2014, une pièce qui nous fait entrer tout en délicatesse, c’est-à-dire sans aucune forme d’impudeur, avec une certaine gravité, mais non sans humour, dans la réalité de deux danseuses pas tout à fait «comme les autres», Annie Hanauer et Lora Juodkaite.
Reconnu pour sa danse documentaire interrogeant la colonisation, l’exclusion, les migrations ou les guerres, des pièces souvent portées par de grandes distributions, Ouramdane trouve avec Tordre une manière de prolonger sa poétique du témoignage dans un registre moins tragique, plus intimiste. Pas de doute, nous sommes ici plus près de ce qu’il a fait avec Loin…, le solo autobiographique qu’il a présenté au MAI en 2014.
Plutôt que d’imposer à ses interprètes un vocabulaire, un phrasé ou une esthétique, le chorégraphe semble avoir ici puisé à même le bagage, la technique et l’imaginaire de ses danseuses. On n’attend donc pas d’elles qu’elles exécutent une partition quelconque, mais bien qu’elles expriment leur aventure individuelle, qu’elles tracent sur scène leur trajectoire personnelle. Dans un espace blanc, immaculé, Annie Hanauer et Lora Juodkaite commencent par multiplier leurs entrées. Déjà s’installe la dérision envers les canons de la danse. Après tout, les conventions, aussi bien artistiques que sociales, sont là pour être tordues.
On comprendre vite que Lora Juodkaite tourne sur elle-même depuis l’enfance, chaque jour, si bien qu’elle a atteint une virtuosité, une maîtrise quasi spirituelle qui n’est pas sans évoquer celle des derviches tourneurs. Quant à Annie Hanauer, elle danse malgré, mais surtout avec une prothèse à un bras. D’une particularité, d’une singularité, certains diront d’une différence ou d’une fragilité, les danseuses ont indéniablement choisi de faire une force, un atout, un as dans la manche. Notez que les deux interprètes, fort douées, sont de fidèles collaboratrices du chorégraphe.
C’est dans leurs solos, poignants, exécutés dans un environnement où chaque ombre compte, qu’on a accès à leur âme, à leur feu sacré. Annie se dévoile sans un seul mot, juste en dansant avec force et fragilité sur Feelings, la célèbre chanson de Morris Albert, interprétée en spectacle, de manière fort émouvante, par Nina Simone. Puis Lora nous fait entrer dans sa transe en livrant tout en dansant avec une puissance inouïe, des bribes de son histoire, des impressions sur son état corporel et mental, mais aussi sur le refuge qu’a toujours représenté pour elle le fait de tourner sur elle-même.
Impossible de rester insensible devant autant de justesse. De l’exécution jusqu’à la confession, de la gravité jusqu’à la légèreté, de l’abstraction jusqu’à la simplicité, le chorégraphe et les danseuses trouvent toujours de le ton qui convient, la rigueur qui s’impose, l’insouciance qu’il faut.
Conception et chorégraphie : Rachid Ouramdane. Scénographie : Sylvain Giraudeau. Éclairages : Stéphane Graillot. Avec Annie Hanauer et Lora Juodkaite. Une production de CCN2 — Centre chorégraphique national de Grenoble, après une création originale de L’A./Rachid Ouramdane. Au Théâtre Rouge du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 7 juin 2017.
Le chorégraphe français Rachid Ouramdane est de passage au FTA avec Tordre, une œuvre créée en 2014, une pièce qui nous fait entrer tout en délicatesse, c’est-à-dire sans aucune forme d’impudeur, avec une certaine gravité, mais non sans humour, dans la réalité de deux danseuses pas tout à fait «comme les autres», Annie Hanauer et Lora Juodkaite.
Reconnu pour sa danse documentaire interrogeant la colonisation, l’exclusion, les migrations ou les guerres, des pièces souvent portées par de grandes distributions, Ouramdane trouve avec Tordre une manière de prolonger sa poétique du témoignage dans un registre moins tragique, plus intimiste. Pas de doute, nous sommes ici plus près de ce qu’il a fait avec Loin…, le solo autobiographique qu’il a présenté au MAI en 2014.
Plutôt que d’imposer à ses interprètes un vocabulaire, un phrasé ou une esthétique, le chorégraphe semble avoir ici puisé à même le bagage, la technique et l’imaginaire de ses danseuses. On n’attend donc pas d’elles qu’elles exécutent une partition quelconque, mais bien qu’elles expriment leur aventure individuelle, qu’elles tracent sur scène leur trajectoire personnelle. Dans un espace blanc, immaculé, Annie Hanauer et Lora Juodkaite commencent par multiplier leurs entrées. Déjà s’installe la dérision envers les canons de la danse. Après tout, les conventions, aussi bien artistiques que sociales, sont là pour être tordues.
On comprendre vite que Lora Juodkaite tourne sur elle-même depuis l’enfance, chaque jour, si bien qu’elle a atteint une virtuosité, une maîtrise quasi spirituelle qui n’est pas sans évoquer celle des derviches tourneurs. Quant à Annie Hanauer, elle danse malgré, mais surtout avec une prothèse à un bras. D’une particularité, d’une singularité, certains diront d’une différence ou d’une fragilité, les danseuses ont indéniablement choisi de faire une force, un atout, un as dans la manche. Notez que les deux interprètes, fort douées, sont de fidèles collaboratrices du chorégraphe.
C’est dans leurs solos, poignants, exécutés dans un environnement où chaque ombre compte, qu’on a accès à leur âme, à leur feu sacré. Annie se dévoile sans un seul mot, juste en dansant avec force et fragilité sur Feelings, la célèbre chanson de Morris Albert, interprétée en spectacle, de manière fort émouvante, par Nina Simone. Puis Lora nous fait entrer dans sa transe en livrant tout en dansant avec une puissance inouïe, des bribes de son histoire, des impressions sur son état corporel et mental, mais aussi sur le refuge qu’a toujours représenté pour elle le fait de tourner sur elle-même.
Impossible de rester insensible devant autant de justesse. De l’exécution jusqu’à la confession, de la gravité jusqu’à la légèreté, de l’abstraction jusqu’à la simplicité, le chorégraphe et les danseuses trouvent toujours de le ton qui convient, la rigueur qui s’impose, l’insouciance qu’il faut.
Tordre
Conception et chorégraphie : Rachid Ouramdane. Scénographie : Sylvain Giraudeau. Éclairages : Stéphane Graillot. Avec Annie Hanauer et Lora Juodkaite. Une production de CCN2 — Centre chorégraphique national de Grenoble, après une création originale de L’A./Rachid Ouramdane. Au Théâtre Rouge du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, à l’occasion du Festival TransAmériques, jusqu’au 7 juin 2017.