Il est aisé de saisir pourquoi Dernier coup de ciseaux a remporté, en 2014, le Molière de la meilleure pièce comique et pourquoi le spectacle n’a pas quitté la scène, en France, depuis quatre ans. La version originale américaine détient quant à elle le record Guinness de longévité. La formule est simple, mais pourtant innovante et surtout… gagnante : proposer un «meurtre et mystère» théâtral plein d’humour, où le public prend part aux investigations.
La représentation n’est pas encore commencée que la salle glousse déjà de plaisir. C’est qu’il règne une ambiance des plus festives, nourrie de danse, de musique et de bouffonneries, dans le salon de coiffure où aura lieu l’hilarante enquête interactive. Cette production française, de passage à Montréal, n’est pas la première à abolir le quatrième mur et à permettre à l’auditoire d’intervenir sur l’action se déroulant sur scène. Pensons par exemple à Mars et Vénus, créé par Sylvain Larocque et Stéphane E. Roy en 2005.
Quoi qu’il en soit, ici la magie opère tout particulièrement. Peut-être parce qu’au-delà de voter nonchalamment les spectateurs sont appelés à réfléchir. En tant que témoins, ceux-ci devront intervenir dans la reconstitution des faits ayant précédé la découverte du cadavre de la célèbre pianiste résidant au-dessus du salon de coiffure. Après l’entracte, ils pourront même poser des questions directement aux personnages afin d’essayer de résoudre l’énigme.
Les admirateurs d’Agatha Christie et consorts seront au comble de la satisfaction puisqu’il faut être attentif aux moindres détails afin de prendre part à l’enquête, telle une Miss Marple attirant l’attention des autorités sur un élément louche ou sur un autre. Hormis le capitaine de police volcanique et son sous-fifre ahuri, tous sont suspects jusqu’à preuve du contraire, qu’il s’agisse de la vieille dame riche, infidèle et cleptomane, de l’aguichante shampouineuse, de son sombre et méprisant amant producteur de télévision ou encore du coloré et coquin coiffeur gai.
Un humour irrésistible
Ce n’est pas seulement son efficace interactivité qui fait de Dernier coup de ciseaux un événement aussi jouissif. Le jeu des comédiens, juste assez caricatural pour les circonstances et empreint d’une bonne part d’improvisation, saurait dérider les plus acariâtres. Le détective Solivérès recourt certes bien souvent à la solution facile que constituent les cris et les insultes-boutades — qui servent la double finalité de mettre un terme à une situation embarrassante avec un membre du public et de susciter le rire auprès des autres —, mais on ne saurait résister à la drôlerie des fausses colères de ce policier (et maître de cérémonie) dont le continuel sourire en coin illustre sa complicité avec l’auditoire.
Bien sûr, le texte est truffé de failles et d’interstices, laissant le spectateur aux prises, au sortir de la salle, avec des questionnements auxquels aucune réponse n’aura été apportée. Néanmoins, ces pistes inexplorées sont le prix à payer pour que la culpabilité de l’assassinat puisse être portée par un personnage différent d’une représentation à l’autre, en fonction des détails relevés, des questions posées et des soupçons accumulés.
Ainsi, vers la fin du spectacle, on demandera un vote à main levée quant à savoir lequel parmi trois suspects semble le plus à même d’avoir commis le crime. Ce personnage sera alors interrogé de près par le capitaine et finira par avouer son forfait. Le procédé est habile, mais l’appétit des plus curieux restera certainement inassouvi pour ne pas avoir été témoin des trois fins possibles de la production. Évidemment, tant que le Théâtre des Mathurins est en ville, on peut toujours assister à une autre représentation.
Texte : Paul Pörter, Marilyn Abrams et Bruce Jordan. Traduction et adaptation : Sébastien Azzopardi et Sacha Danino. Mise en scène : Sébastien Azzopardi. Avec Domitille Bioret, Gaëlle Gauthier, Thierry Lanckriet, Yan Mercoeur, Jean-Marie Rollin et Olivier Solivérès. Une production du Théâtre des Mathurins. Au Gesù, à l’occasion du 375e anniversaire de Montréal, jusqu’au 22 juillet 2017.
Il est aisé de saisir pourquoi Dernier coup de ciseaux a remporté, en 2014, le Molière de la meilleure pièce comique et pourquoi le spectacle n’a pas quitté la scène, en France, depuis quatre ans. La version originale américaine détient quant à elle le record Guinness de longévité. La formule est simple, mais pourtant innovante et surtout… gagnante : proposer un «meurtre et mystère» théâtral plein d’humour, où le public prend part aux investigations.
La représentation n’est pas encore commencée que la salle glousse déjà de plaisir. C’est qu’il règne une ambiance des plus festives, nourrie de danse, de musique et de bouffonneries, dans le salon de coiffure où aura lieu l’hilarante enquête interactive. Cette production française, de passage à Montréal, n’est pas la première à abolir le quatrième mur et à permettre à l’auditoire d’intervenir sur l’action se déroulant sur scène. Pensons par exemple à Mars et Vénus, créé par Sylvain Larocque et Stéphane E. Roy en 2005.
Quoi qu’il en soit, ici la magie opère tout particulièrement. Peut-être parce qu’au-delà de voter nonchalamment les spectateurs sont appelés à réfléchir. En tant que témoins, ceux-ci devront intervenir dans la reconstitution des faits ayant précédé la découverte du cadavre de la célèbre pianiste résidant au-dessus du salon de coiffure. Après l’entracte, ils pourront même poser des questions directement aux personnages afin d’essayer de résoudre l’énigme.
Les admirateurs d’Agatha Christie et consorts seront au comble de la satisfaction puisqu’il faut être attentif aux moindres détails afin de prendre part à l’enquête, telle une Miss Marple attirant l’attention des autorités sur un élément louche ou sur un autre. Hormis le capitaine de police volcanique et son sous-fifre ahuri, tous sont suspects jusqu’à preuve du contraire, qu’il s’agisse de la vieille dame riche, infidèle et cleptomane, de l’aguichante shampouineuse, de son sombre et méprisant amant producteur de télévision ou encore du coloré et coquin coiffeur gai.
Un humour irrésistible
Ce n’est pas seulement son efficace interactivité qui fait de Dernier coup de ciseaux un événement aussi jouissif. Le jeu des comédiens, juste assez caricatural pour les circonstances et empreint d’une bonne part d’improvisation, saurait dérider les plus acariâtres. Le détective Solivérès recourt certes bien souvent à la solution facile que constituent les cris et les insultes-boutades — qui servent la double finalité de mettre un terme à une situation embarrassante avec un membre du public et de susciter le rire auprès des autres —, mais on ne saurait résister à la drôlerie des fausses colères de ce policier (et maître de cérémonie) dont le continuel sourire en coin illustre sa complicité avec l’auditoire.
Bien sûr, le texte est truffé de failles et d’interstices, laissant le spectateur aux prises, au sortir de la salle, avec des questionnements auxquels aucune réponse n’aura été apportée. Néanmoins, ces pistes inexplorées sont le prix à payer pour que la culpabilité de l’assassinat puisse être portée par un personnage différent d’une représentation à l’autre, en fonction des détails relevés, des questions posées et des soupçons accumulés.
Ainsi, vers la fin du spectacle, on demandera un vote à main levée quant à savoir lequel parmi trois suspects semble le plus à même d’avoir commis le crime. Ce personnage sera alors interrogé de près par le capitaine et finira par avouer son forfait. Le procédé est habile, mais l’appétit des plus curieux restera certainement inassouvi pour ne pas avoir été témoin des trois fins possibles de la production. Évidemment, tant que le Théâtre des Mathurins est en ville, on peut toujours assister à une autre représentation.
Dernier coup de ciseaux
Texte : Paul Pörter, Marilyn Abrams et Bruce Jordan. Traduction et adaptation : Sébastien Azzopardi et Sacha Danino. Mise en scène : Sébastien Azzopardi. Avec Domitille Bioret, Gaëlle Gauthier, Thierry Lanckriet, Yan Mercoeur, Jean-Marie Rollin et Olivier Solivérès. Une production du Théâtre des Mathurins. Au Gesù, à l’occasion du 375e anniversaire de Montréal, jusqu’au 22 juillet 2017.