Inspirée par les discographies de Shirley Bassey et des Smiths, la metteure en scène Angela Konrad tente d’en faire la trame narrative d’un monologue et d’en extraire un propos philosophique sur le narcissisme et l’impossibilité d’aller vraiment à la quête de l’autre. Le spectacle qui en résulte, Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me, malgré l’investissement total du comédien Éric Bernier, n’a pas la fluidité intellectuelle ni la profondeur voulues, enchaînant les références philosophiques canoniques et les observations furtives du monde actuel de manière souvent artificielle.
Aller et revenir
Musique, parole, pensée, mouvement. Dans une dramaturgie assez circulaire, la pièce se construit dans un jeu d’allers-retours entre la musique de Shirley Bassey, les pensées intimes d’un homme incapable d’aimer et des évocations indirectes de la mythologie ou de concepts de philo ou de psycho. Ainsi, au détour d’une pensée au sujet de ses amoureux qui se succèdent et lui ressemblent, Éric Bernier évoque le récit mythologique de Narcisse observant son reflet dans l’étang. Dépeignant un monde d’images virtuelles léchées qui supplante désormais le réel, il cite indirectement Platon et son allégorie de la caverne. D’autres élucubrations du malheureux personnage ressuscitent le fantôme de Freud et ses notions d’autoérotisme et de narcissisme primaire.
Si le spectacle arrive à éviter l’effet d’académisme, faisant couler les références intellectuelles assez naturellement dans le flux de paroles et de pensées du protagoniste, elles ne nous paraissent pas pour autant approfondies par son discours, demeurant toujours au stade de l’évocation. Par ricochet, c’est le regard que cet homme meurtri pose sur notre monde, qu’il juge monstrueusement narcissique, qui nous apparaît un peu précipité, pas assez solidement argumenté, peu convaincant.
Un spectacle rock-pop
Konrad joue le même jeu avec les paroles des chansons de Shirley Bassey et des Smiths, qui s’insèrent dans ce réseau de sens en y ajoutant une touche de nihilisme et de désespoir. «Sometime when I feel afraid, I think of what a mess I’ve made. Of my life», chante Éric Bernier au diapason de la voix légendaire de Shirley.
Cette incursion de la pop dans le matériau textuel, si elle a ses limites, aura toutefois permis une forme théâtrale brute, mais efficace. Proche du concert rock avec ses éclairages francs et découpés, ou avec son microphone utilisé pour amplifier la voix à des moments clés, la mise en scène d’Angela Konrad fait aussi intelligemment usage du grand plateau de l’Usine C dans toute sa largeur, malgré une épuration scénique qui fait écho au vide existentiel du personnage.
Cela laisse aussi la place aux danseurs, un peu sous-utilisés, apparaissant çà et là pour représenter les amants éconduits ou les doubles du personnage. Leur présence, malgré un vocabulaire chorégraphique simplissime, offre un soutien bienvenu à la partition d’Éric Bernier, autrement un peu essoufflante pour le pauvre bougre. Demeurant assez proche de lui-même, ou plutôt dans un style de jeu très personnel, usant des nombreuses possibilités de sa voix caractéristique, le comédien se donne pleinement.
Texte et mise en scène: Angela Konrad. D’après: Alain Badiou, Alain Ehrenberg, Sigmund Freud, Christopher Lasch et Bernhard Stiegler. Avec Éric Bernier, Marilyn Daoust, Luc Bouchard Boissonneault, Sébastien Provencher, Nicolas Patry et Emmanuel Proulx. Chorégraphies: Marilyn Daoust. Éclairages: Cédric Delorme-Bouchard. Costumes: Linda Brunelle. Scénographie: Anick La Bissonnière. Maquillages: Angelo Barsetti. Son: Simon Gauthier. Vidéo: Julien Blais. Une coproduction de la Fabrik et d’Angela Konrad. À l’Usine C jusqu’au 21 octobre 2017.
Inspirée par les discographies de Shirley Bassey et des Smiths, la metteure en scène Angela Konrad tente d’en faire la trame narrative d’un monologue et d’en extraire un propos philosophique sur le narcissisme et l’impossibilité d’aller vraiment à la quête de l’autre. Le spectacle qui en résulte, Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me, malgré l’investissement total du comédien Éric Bernier, n’a pas la fluidité intellectuelle ni la profondeur voulues, enchaînant les références philosophiques canoniques et les observations furtives du monde actuel de manière souvent artificielle.
Aller et revenir
Musique, parole, pensée, mouvement. Dans une dramaturgie assez circulaire, la pièce se construit dans un jeu d’allers-retours entre la musique de Shirley Bassey, les pensées intimes d’un homme incapable d’aimer et des évocations indirectes de la mythologie ou de concepts de philo ou de psycho. Ainsi, au détour d’une pensée au sujet de ses amoureux qui se succèdent et lui ressemblent, Éric Bernier évoque le récit mythologique de Narcisse observant son reflet dans l’étang. Dépeignant un monde d’images virtuelles léchées qui supplante désormais le réel, il cite indirectement Platon et son allégorie de la caverne. D’autres élucubrations du malheureux personnage ressuscitent le fantôme de Freud et ses notions d’autoérotisme et de narcissisme primaire.
Si le spectacle arrive à éviter l’effet d’académisme, faisant couler les références intellectuelles assez naturellement dans le flux de paroles et de pensées du protagoniste, elles ne nous paraissent pas pour autant approfondies par son discours, demeurant toujours au stade de l’évocation. Par ricochet, c’est le regard que cet homme meurtri pose sur notre monde, qu’il juge monstrueusement narcissique, qui nous apparaît un peu précipité, pas assez solidement argumenté, peu convaincant.
Un spectacle rock-pop
Konrad joue le même jeu avec les paroles des chansons de Shirley Bassey et des Smiths, qui s’insèrent dans ce réseau de sens en y ajoutant une touche de nihilisme et de désespoir. «Sometime when I feel afraid, I think of what a mess I’ve made. Of my life», chante Éric Bernier au diapason de la voix légendaire de Shirley.
Cette incursion de la pop dans le matériau textuel, si elle a ses limites, aura toutefois permis une forme théâtrale brute, mais efficace. Proche du concert rock avec ses éclairages francs et découpés, ou avec son microphone utilisé pour amplifier la voix à des moments clés, la mise en scène d’Angela Konrad fait aussi intelligemment usage du grand plateau de l’Usine C dans toute sa largeur, malgré une épuration scénique qui fait écho au vide existentiel du personnage.
Cela laisse aussi la place aux danseurs, un peu sous-utilisés, apparaissant çà et là pour représenter les amants éconduits ou les doubles du personnage. Leur présence, malgré un vocabulaire chorégraphique simplissime, offre un soutien bienvenu à la partition d’Éric Bernier, autrement un peu essoufflante pour le pauvre bougre. Demeurant assez proche de lui-même, ou plutôt dans un style de jeu très personnel, usant des nombreuses possibilités de sa voix caractéristique, le comédien se donne pleinement.
Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me
Texte et mise en scène: Angela Konrad. D’après: Alain Badiou, Alain Ehrenberg, Sigmund Freud, Christopher Lasch et Bernhard Stiegler. Avec Éric Bernier, Marilyn Daoust, Luc Bouchard Boissonneault, Sébastien Provencher, Nicolas Patry et Emmanuel Proulx. Chorégraphies: Marilyn Daoust. Éclairages: Cédric Delorme-Bouchard. Costumes: Linda Brunelle. Scénographie: Anick La Bissonnière. Maquillages: Angelo Barsetti. Son: Simon Gauthier. Vidéo: Julien Blais. Une coproduction de la Fabrik et d’Angela Konrad. À l’Usine C jusqu’au 21 octobre 2017.