Créée en 2016, cette production de Catherine Dorion et Mathieu Campagna est un pur objet de révolte. L’entrée du public est canalisée dans des couloirs sombres, pour opérer une rupture dans les comportements usuels et sortir de notre léthargie de spectateur-voyeur. Le public doit alimenter la machinerie conviviale que les deux créateurs ont conçue: d’abord lire une phrase qui sera enregistrée, ensuite ajouter des notes à un dazibao qui longe l’arrière-scène, enfin entonner une chanson à boire dans une exaltation jouissive.
Après ce rituel plutôt sympathique, le public s’installe en salle dans un dispositif «quadraphonique», avec coussins, hamacs, tapis et quelques fauteuils montés sur des gradins. Nous sommes ensuite prévenus que le spectacle se déroulera dans l’obscurité, les claustrophobes sont priés de quitter la salle sur-le-champ. Après avoir consenti à remettre nos cellulaires, nous plongeons dans la noirceur totale, comme au fond d’une mine abandonnée. Bienvenue au royaume de l’ouïe.
Fuck toute, est une dénonciation furieuse, une rage contre ce que nous sommes devenus comme société: surconsommation, destruction de la nature au nom du capitalisme et de l’économie hégémonique (en écho à J’aime Hydro qui joue en même temps à la Bordée), abolition de l’individu et de la singularité vers une masse bêlante d’humains décérébrés, acquisition de comportements normés que seule la rébellion peut effriter. Extraits de blogues, phrases enregistrées par le public, vibrant appel de Dorion contre la normalité utilitariste, tout ici nous interpelle émotivement, nous amenant progressivement à adopter à notre tour une attitude de révolte et de refus de l’unidimensionnel que Marcuse a si bien défini.
Cet objet poétique à la fois émotif et rationnel est porté par une bande sonore exceptionnelle de Mathieu Campagna, qui se déploie telle une sculpture à l’intérieur de notre crâne. Voix multiples, celles des participants ponctuels de cette soirée, composition audio de manifestations où la violence policière est amplifiée par les appels à la raison des manifestants matraqués, séquence planante pour le repos de l’esprit… L’aveuglement visuel décuple la puissance de cette structure sonore en chevauchement avec le très bon texte de Catherine Dorion. L’absence de visuel nous incite à inventer nos propres images, à nous laisser porter par le flot continu et entrecroisé de dénonciation et de désir.
Fuck toute est un vibrant plaidoyer pour une société recentrée sur son humanité, pour un réenchantement du monde par une conscience renouvelée de nos racines, de nos désirs primitifs libérés dans un jouir permissif jusqu’à l’épuisement. Aux excès systémiques d’une normalité mortifère, Dorion et Campagna répondent par les excès d’une fête permanente. Et surtout, on reviendra sur la question: «Vous n’avez que trois jours à vivre, qu’en faites-vous?» Hier soir, les cinquante réponses des assistants à ce rituel de convivialité allaient toutes dans le même sens: rassembler amis et famille dans un endroit familier, autour d’un festin.
À l’éparpillement des égos de cette ère du vide, Fuck toute répond par l’invention d’un conglomérat de bandes axé sur l’humain avant toute chose. Cette soirée poétique est un manifeste sans concession contre la déshumanisation et la destruction du monde. Allez vite partager leur shooter! Ça se déguste comme un plaisir illicite.
Textes: blogue Fuck le monde (Simon-Pierre Beaudet), Catherine Dorion, Comité invisible, blogue Flegmatique (Anne Archet), Mathieu Campagna et Bureau Beige. Adaptation et mise en scène: Catherine Dorion et Mathieu Campagna. Avec Catherine Dorion, Mathieu Campagna et Mathieu Grégoire. À Premier Acte jusqu’au 9 décembre 2017.
Créée en 2016, cette production de Catherine Dorion et Mathieu Campagna est un pur objet de révolte. L’entrée du public est canalisée dans des couloirs sombres, pour opérer une rupture dans les comportements usuels et sortir de notre léthargie de spectateur-voyeur. Le public doit alimenter la machinerie conviviale que les deux créateurs ont conçue: d’abord lire une phrase qui sera enregistrée, ensuite ajouter des notes à un dazibao qui longe l’arrière-scène, enfin entonner une chanson à boire dans une exaltation jouissive.
Après ce rituel plutôt sympathique, le public s’installe en salle dans un dispositif «quadraphonique», avec coussins, hamacs, tapis et quelques fauteuils montés sur des gradins. Nous sommes ensuite prévenus que le spectacle se déroulera dans l’obscurité, les claustrophobes sont priés de quitter la salle sur-le-champ. Après avoir consenti à remettre nos cellulaires, nous plongeons dans la noirceur totale, comme au fond d’une mine abandonnée. Bienvenue au royaume de l’ouïe.
Fuck toute, est une dénonciation furieuse, une rage contre ce que nous sommes devenus comme société: surconsommation, destruction de la nature au nom du capitalisme et de l’économie hégémonique (en écho à J’aime Hydro qui joue en même temps à la Bordée), abolition de l’individu et de la singularité vers une masse bêlante d’humains décérébrés, acquisition de comportements normés que seule la rébellion peut effriter. Extraits de blogues, phrases enregistrées par le public, vibrant appel de Dorion contre la normalité utilitariste, tout ici nous interpelle émotivement, nous amenant progressivement à adopter à notre tour une attitude de révolte et de refus de l’unidimensionnel que Marcuse a si bien défini.
Cet objet poétique à la fois émotif et rationnel est porté par une bande sonore exceptionnelle de Mathieu Campagna, qui se déploie telle une sculpture à l’intérieur de notre crâne. Voix multiples, celles des participants ponctuels de cette soirée, composition audio de manifestations où la violence policière est amplifiée par les appels à la raison des manifestants matraqués, séquence planante pour le repos de l’esprit… L’aveuglement visuel décuple la puissance de cette structure sonore en chevauchement avec le très bon texte de Catherine Dorion. L’absence de visuel nous incite à inventer nos propres images, à nous laisser porter par le flot continu et entrecroisé de dénonciation et de désir.
Fuck toute est un vibrant plaidoyer pour une société recentrée sur son humanité, pour un réenchantement du monde par une conscience renouvelée de nos racines, de nos désirs primitifs libérés dans un jouir permissif jusqu’à l’épuisement. Aux excès systémiques d’une normalité mortifère, Dorion et Campagna répondent par les excès d’une fête permanente. Et surtout, on reviendra sur la question: «Vous n’avez que trois jours à vivre, qu’en faites-vous?» Hier soir, les cinquante réponses des assistants à ce rituel de convivialité allaient toutes dans le même sens: rassembler amis et famille dans un endroit familier, autour d’un festin.
À l’éparpillement des égos de cette ère du vide, Fuck toute répond par l’invention d’un conglomérat de bandes axé sur l’humain avant toute chose. Cette soirée poétique est un manifeste sans concession contre la déshumanisation et la destruction du monde. Allez vite partager leur shooter! Ça se déguste comme un plaisir illicite.
Fuck toute
Textes: blogue Fuck le monde (Simon-Pierre Beaudet), Catherine Dorion, Comité invisible, blogue Flegmatique (Anne Archet), Mathieu Campagna et Bureau Beige. Adaptation et mise en scène: Catherine Dorion et Mathieu Campagna. Avec Catherine Dorion, Mathieu Campagna et Mathieu Grégoire. À Premier Acte jusqu’au 9 décembre 2017.