Molière a écrit Les Fourberies de Scapin vers la fin de sa vie, en souhaitant revenir à la comédie pure et au divertissement. Devenue une des pièces les plus populaires du répertoire français, alors qu’elle avait été boudée à sa création, elle n’en reste pas moins une critique sociale, dénonçant l’autorité, la lourdeur de la justice, l’avarice des riches, tout en prônant la liberté et la force de l’amour. Dans cette nouvelle production, présentée au TNM, le metteur en scène Carl Béchard avait la volonté de revenir au texte et à la vision originelle de Molière, qui s’était inspiré de la commedia dell’arte.
Complice de deux fils de bonne famille qui ont décidé d’épouser librement celles qui font battre leurs cœurs, le valet Scapin, fourbe, mais ingénieux, va s’en donner à cœur joie en jouant un mauvais tour aux deux riches pères, qui ne veulent rien savoir de ces unions, tout en mettant en lumière leurs faiblesses et leurs travers. Patrice Coquereau et Benoît Brière livrent une brillante partition, nettement au-dessus du reste de la mêlée. Le premier donne une préciosité ridicule à Argante, tout en domptant ses effets comiques pour mieux montrer un personnage fat et crédule. À l’inverse, le second offre une truculence grasse à Géronte, qui en arrive à tomber dans des scènes burlesques dignes d’Olivier Guimond. Un peu de retenue aurait été souhaitable, mais c’est en même temps les traits de personnalité que Molière donnait habituellement aux personnages bourgeois de son théâtre. Le comédien en profite donc pour exagérer son côté comique naturel, qu’il exploite à la perfection, avec des gestes, des attitudes et des expressions faciales qui vont souvent jusqu’à la caricature.
Dans la peau de Scapin, qu’il rêvait de revêtir depuis plusieurs décennies, André Robitaille est solide, mais il lui manque néanmoins la légèreté, l’espièglerie et le machiavélisme propres au personnage. Même dans la fameuse scène des « coups de bâton », on sent qu’il est en retenue et qu’il ne va pas au bout de la vengeance que le personnage souhaite donner à la bourgeoisie. Épris d’amour et de liberté, les deux garçons de bonne famille sont assez lisses. Octave, sous les traits du très juste Sébastien René, apparaît romantique et pleutre, tout comme son acolyte Léandre, joué par Simon Beaulé-Bulman. Marie-Ève Beaulieu défend quant à elle parfaitement son rôle de Hyacinte, promise à Octave, en jouant une jeune femme énamourée et superficielle.
La puissance comique du texte reste étonnamment vivante et contemporaine, nul besoin d’en rajouter. C’est pourtant dans ce travers que tombe cette production. On comprend que la comédie italienne présuppose des mimiques excessives, de la danse, des morceaux de musique et un peu de cabotinage, mais les choix de Béchard pêchent souvent par excès ou par faute. On retiendra, par exemple, le burlesque grossier de certaines scènes, l’intrusion décalée d’une chanson de la Compagnie Créole ou encore le recours stéréotypé à des comédiens de la diversité culturelle pour jouer un manant ou une nourrice. Si le metteur en scène voulait réellement être audacieux, il aurait pu aller encore plus loin avec des choix plus anticonformistes. Toutefois, force est de constater que la virtuosité de Molière se suffit à elle-même, encore au 21e siècle, et c’est un constat déjà très satisfaisant.
Texte : Molière. Mise en scène : Carl Béchard. Scénographie : Geneviève Lizotte. Costumes : Marc Senécal. Éclairages : Erwann Bernard. Animation visuelle : Marcelle Hudon. Musique : Carl Bergeron. Chorégraphies : Bernard Bourgault. Avec Simon Beaulé-Bulman, Marie-Ève Beaulieu, Carol Bergeron, Benoît Brière, Patrice Coquereau, Lyndz Dantiste, David-Alexandre Desprès, Marcelle Hudon, Sébastien René, André Robitaille, Catherine Sénart et Tatiana Zinga Botao. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 17 février 2018.
Molière a écrit Les Fourberies de Scapin vers la fin de sa vie, en souhaitant revenir à la comédie pure et au divertissement. Devenue une des pièces les plus populaires du répertoire français, alors qu’elle avait été boudée à sa création, elle n’en reste pas moins une critique sociale, dénonçant l’autorité, la lourdeur de la justice, l’avarice des riches, tout en prônant la liberté et la force de l’amour. Dans cette nouvelle production, présentée au TNM, le metteur en scène Carl Béchard avait la volonté de revenir au texte et à la vision originelle de Molière, qui s’était inspiré de la commedia dell’arte.
Complice de deux fils de bonne famille qui ont décidé d’épouser librement celles qui font battre leurs cœurs, le valet Scapin, fourbe, mais ingénieux, va s’en donner à cœur joie en jouant un mauvais tour aux deux riches pères, qui ne veulent rien savoir de ces unions, tout en mettant en lumière leurs faiblesses et leurs travers. Patrice Coquereau et Benoît Brière livrent une brillante partition, nettement au-dessus du reste de la mêlée. Le premier donne une préciosité ridicule à Argante, tout en domptant ses effets comiques pour mieux montrer un personnage fat et crédule. À l’inverse, le second offre une truculence grasse à Géronte, qui en arrive à tomber dans des scènes burlesques dignes d’Olivier Guimond. Un peu de retenue aurait été souhaitable, mais c’est en même temps les traits de personnalité que Molière donnait habituellement aux personnages bourgeois de son théâtre. Le comédien en profite donc pour exagérer son côté comique naturel, qu’il exploite à la perfection, avec des gestes, des attitudes et des expressions faciales qui vont souvent jusqu’à la caricature.
Dans la peau de Scapin, qu’il rêvait de revêtir depuis plusieurs décennies, André Robitaille est solide, mais il lui manque néanmoins la légèreté, l’espièglerie et le machiavélisme propres au personnage. Même dans la fameuse scène des « coups de bâton », on sent qu’il est en retenue et qu’il ne va pas au bout de la vengeance que le personnage souhaite donner à la bourgeoisie. Épris d’amour et de liberté, les deux garçons de bonne famille sont assez lisses. Octave, sous les traits du très juste Sébastien René, apparaît romantique et pleutre, tout comme son acolyte Léandre, joué par Simon Beaulé-Bulman. Marie-Ève Beaulieu défend quant à elle parfaitement son rôle de Hyacinte, promise à Octave, en jouant une jeune femme énamourée et superficielle.
La puissance comique du texte reste étonnamment vivante et contemporaine, nul besoin d’en rajouter. C’est pourtant dans ce travers que tombe cette production. On comprend que la comédie italienne présuppose des mimiques excessives, de la danse, des morceaux de musique et un peu de cabotinage, mais les choix de Béchard pêchent souvent par excès ou par faute. On retiendra, par exemple, le burlesque grossier de certaines scènes, l’intrusion décalée d’une chanson de la Compagnie Créole ou encore le recours stéréotypé à des comédiens de la diversité culturelle pour jouer un manant ou une nourrice. Si le metteur en scène voulait réellement être audacieux, il aurait pu aller encore plus loin avec des choix plus anticonformistes. Toutefois, force est de constater que la virtuosité de Molière se suffit à elle-même, encore au 21e siècle, et c’est un constat déjà très satisfaisant.
Les Fourberies de Scapin
Texte : Molière. Mise en scène : Carl Béchard. Scénographie : Geneviève Lizotte. Costumes : Marc Senécal. Éclairages : Erwann Bernard. Animation visuelle : Marcelle Hudon. Musique : Carl Bergeron. Chorégraphies : Bernard Bourgault. Avec Simon Beaulé-Bulman, Marie-Ève Beaulieu, Carol Bergeron, Benoît Brière, Patrice Coquereau, Lyndz Dantiste, David-Alexandre Desprès, Marcelle Hudon, Sébastien René, André Robitaille, Catherine Sénart et Tatiana Zinga Botao. Au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 17 février 2018.