Un homme prépare un gâteau: il attend de la grande visite. C’est que trois de ses amis et lui-même ont décidé de parrainer une famille de réfugiés syriens, qui doit arriver sous peu. Si leur bonne volonté est réelle, elle n’en est pas moins teintée de maladresse; les idées préconçues affleurent sous le tissu des bonnes intentions, et les luttes de pouvoir finissent par prendre le dessus au sein même de leur petit groupe, les uns et les autres se disputant la chaise la plus confortable ou le plus beau ballon, se donnant des leçons de savoir-vivre ou se livrant à une surenchère pâtissière.
Éclatée, mais tout de même cohérente, cette production de la compagnie Joe Jack et John se rapproche, comme d’habitude, plus de la performance que du théâtre, avec des textes écrits collectivement par un travail d’improvisation et des comédiens qui jouent leur propre rôle. Ainsi Ally (Ally Ntumba), originaire de Kinshasa, explique qu’il sera toujours vu comme un étranger, tandis qu’Emma (Emma-Kate Guimond), native anglophone, nous fait part de la quasi-impossibilité de s’exprimer en français, qu’elle maîtrise pourtant parfaitement, alors qu’on s’adresse à elle en anglais dès qu’elle ouvre la bouche. Dans les deux cas, le «Bienvenue chez nous!» qui est la phrase maîtresse de ce spectacle résonne drôlement.
Malgré des longueurs dans les scènes et un certain manque de subtilité dans la façon de faire passer les messages, le spectacle fait globalement mouche et illustre sans complaisance la façon dont nous, les Occidentaux, accueillons les réfugiés avec une bienveillance teintée de conditions: dire merci, se fondre dans la masse, et surtout, ne pas critiquer sa société d’accueil. La personne la mieux intentionnée s’attend au minimum à recevoir une gratitude émerveillée en échange de sa charité, même si ce qu’elle donne est un vieil anorak démodé acheté pour quelques dollars chez Renaissance. Pourtant, comme le rappelle une remarque bien sentie d’Ally: «Ce n’est pas parce qu’ils ont tout perdu qu’ils n’ont plus de goût.» À plusieurs reprises, Marc (Marc Barakat), l’hôte, rappellera à l’ordre ses invités dissipés en leur assénant un irréfragable «C’est chez moi ici». Un principe qui de la maison peut être étendu au pays: c’est chez nous ici, alors tenez-vous tranquilles…
Comme toujours, la mise en scène de Catherine Bourgeois comporte plusieurs trouvailles ingénieuses et parvient à faire beaucoup avec peu. La scène où Emma danse avec une grappe de ballons bleus, semblant se noyer dedans, évoque à la fois les réfugiés qui se noient aux abords des côtes de l’Europe, et nous qui nous noyons dans le consumérisme alors que d’autres n’ont rien. Ce qui est très appréciable, c’est l’omniprésence de l’humour, avec des comédiens qui n’hésitent pas à se moquer d’eux-mêmes et à nous faire rire de bon cœur avec eux. Le spectacle finit par nous habiter pendant plusieurs jours, et certains de ses éléments, qui semblaient au départ anodins, trouvent un sens une fois digérés.
Texte: collectif, en collaboration avec Pénélope Bourque. Mise en scène: Catherine Bourgeois. Son: Éric Forget. Éclairages: Audrey-Anne Bouchard. Costumes: Amy Keith. Conseils à la dramaturgie: Sara Fauteux. Avec Marc Barakat, Dany Boudreault, Emma-Kate Guimond et Ally Ntumba. Une production de Joe Jack et John. À l’Espace libre jusqu’au 10 février 2018. À la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal le 2 juin 2018.
Un homme prépare un gâteau: il attend de la grande visite. C’est que trois de ses amis et lui-même ont décidé de parrainer une famille de réfugiés syriens, qui doit arriver sous peu. Si leur bonne volonté est réelle, elle n’en est pas moins teintée de maladresse; les idées préconçues affleurent sous le tissu des bonnes intentions, et les luttes de pouvoir finissent par prendre le dessus au sein même de leur petit groupe, les uns et les autres se disputant la chaise la plus confortable ou le plus beau ballon, se donnant des leçons de savoir-vivre ou se livrant à une surenchère pâtissière.
Éclatée, mais tout de même cohérente, cette production de la compagnie Joe Jack et John se rapproche, comme d’habitude, plus de la performance que du théâtre, avec des textes écrits collectivement par un travail d’improvisation et des comédiens qui jouent leur propre rôle. Ainsi Ally (Ally Ntumba), originaire de Kinshasa, explique qu’il sera toujours vu comme un étranger, tandis qu’Emma (Emma-Kate Guimond), native anglophone, nous fait part de la quasi-impossibilité de s’exprimer en français, qu’elle maîtrise pourtant parfaitement, alors qu’on s’adresse à elle en anglais dès qu’elle ouvre la bouche. Dans les deux cas, le «Bienvenue chez nous!» qui est la phrase maîtresse de ce spectacle résonne drôlement.
Malgré des longueurs dans les scènes et un certain manque de subtilité dans la façon de faire passer les messages, le spectacle fait globalement mouche et illustre sans complaisance la façon dont nous, les Occidentaux, accueillons les réfugiés avec une bienveillance teintée de conditions: dire merci, se fondre dans la masse, et surtout, ne pas critiquer sa société d’accueil. La personne la mieux intentionnée s’attend au minimum à recevoir une gratitude émerveillée en échange de sa charité, même si ce qu’elle donne est un vieil anorak démodé acheté pour quelques dollars chez Renaissance. Pourtant, comme le rappelle une remarque bien sentie d’Ally: «Ce n’est pas parce qu’ils ont tout perdu qu’ils n’ont plus de goût.» À plusieurs reprises, Marc (Marc Barakat), l’hôte, rappellera à l’ordre ses invités dissipés en leur assénant un irréfragable «C’est chez moi ici». Un principe qui de la maison peut être étendu au pays: c’est chez nous ici, alors tenez-vous tranquilles…
Comme toujours, la mise en scène de Catherine Bourgeois comporte plusieurs trouvailles ingénieuses et parvient à faire beaucoup avec peu. La scène où Emma danse avec une grappe de ballons bleus, semblant se noyer dedans, évoque à la fois les réfugiés qui se noient aux abords des côtes de l’Europe, et nous qui nous noyons dans le consumérisme alors que d’autres n’ont rien. Ce qui est très appréciable, c’est l’omniprésence de l’humour, avec des comédiens qui n’hésitent pas à se moquer d’eux-mêmes et à nous faire rire de bon cœur avec eux. Le spectacle finit par nous habiter pendant plusieurs jours, et certains de ses éléments, qui semblaient au départ anodins, trouvent un sens une fois digérés.
Dis merci
Texte: collectif, en collaboration avec Pénélope Bourque. Mise en scène: Catherine Bourgeois. Son: Éric Forget. Éclairages: Audrey-Anne Bouchard. Costumes: Amy Keith. Conseils à la dramaturgie: Sara Fauteux. Avec Marc Barakat, Dany Boudreault, Emma-Kate Guimond et Ally Ntumba. Une production de Joe Jack et John. À l’Espace libre jusqu’au 10 février 2018. À la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal le 2 juin 2018.