On ne doutait ni du talent de Fanny Britt ni de la créativité de l’équipe qu’elle forme avec Claude Poissant à la mise en scène, Honey Pie (2003) et Bienveillance (2012) l’avaient déjà établi. Mais leur dernière création, Hurlevents, en fournit une preuve supplémentaire.
Deux colocataires étudiants en littérature, Émilie (Florence Longpré), en instance de départ pour l’étranger, et Édouard (Benoît Drouin-Germain) ont invité à souper leur consœur et amie Isa (Emmanuelle Lussier-Martinez), engagée dans une relation intime avec un de leur professeur. Une autre enseignante du département, Marie-Hélène (Catherine Trudeau), est également de la partie ainsi que la sœur d’Émilie, Catherine (Kim Despatis), surgie à l’improviste en compagnie de son amoureux mal dégrossi, Sam Falaise (Alex Bergeron). Voilà pour le prétexte. On ne va pas réellement mettre la table et s’y asseoir pour manger – de toute façon, là où Claude Poissant l’a mise, aucune chance que cela advienne. Par cette nuit de grand vent, chacun devra réévaluer sa propre histoire d’amour et réagir : Édouard déclarer sa flamme à son enseignante adulée, Isa défendre sa relation ou s’ouvrir les yeux, Catherine et Sam décider du chemin à prendre suite à ce qu’ils viennent de vivre. Quant à Émilie, son départ dissimule un secret.
Hurlevents est d’abord ancré très concrètement dans l’actualité des dénonciations d’inconduites sexuelles. L’auteure s’inspire précisément d’un épisode de vandalisme au département de littérature de l’UQAM. La pièce soulève des questions pertinentes et nuancées en se gardant de donner les réponses, chaque personnage défendant plutôt bien sa position. Les conventions sociales ont-elles leur place lorsqu’il est question de sentiment? Peut-on intervenir tout en respectant la liberté de choix des autres? Qui détient vraiment le pouvoir en amour? Dans la seconde partie de la pièce, l’histoire d’Émilie met en partie hors-jeu les relations de dominance homme-femme pour recentrer l’attention sur la nature profonde de l’amour-passion et nous entraîner vers ses précipices. Se venger permet-il de « réapprendre à respirer », comme l’auteure l’écrit si bien? Cette seconde partie renvoie plus ouvertement au roman d’Emily Brontë qui a inspiré Fanny Britt, Les Hauts de Hurlevent.
C’est d’abord la qualité du texte qui frappe dans cette production réussie d’un bout à l’autre. Les personnages sont définis et contrastés, les dialogues rythmés, souvent très drôles. Britt jongle savamment avec les différents niveaux de langue : celui de ces littéraires qui n’en sont pas moins des millénariaux revendiquant le droit d’incorporer full anglicismes et emprunts, celui du gars de région qui « parle avec sa face » et celui de l’intellectuelle « articulée ». C’est surtout très intelligemment construit. Si on ne connaît pas le roman d’Emily Brontë, l’auteure nous instruit d’entrée de jeu en deux coups de cuillère à pot, et tant qu’à faire de la pédagogie, autant l’assumer pleinement.
Tous les comédiens tirent leur épingle du jeu. Lussier-Martinez doit composer un personnage angoissé qui cherche néanmoins à donner le change. Alex Bergeron est d’abord carré et hilarant, ensuite étonnamment sensible. Le plus beau rôle revient cependant à Florence Longpré, tour à tour drôle, vulnérable, puis étrangement fantomatique. Malgré le sujet, on rit beaucoup, parfois grâce à Poissant, qui utilise notamment le son avec doigté et humour. Entre vous et moi, ça sent la supplémentaire à plein nez.
Texte : Fanny Britt. Mise en scène : Claude Poissant. Scénographie : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Linda Brunelle. Éclairages : Erwann Bernard. Son : Nicolas Basque. Dramaturgie : Alexia Bürger. Avec Alex Bergeron, Kim Despatis, Benoît Drouin-Germain, Florence Longpré, Emmanuelle-Lussier Martinez, Catherine Trudeau. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 24 février 2018.
On ne doutait ni du talent de Fanny Britt ni de la créativité de l’équipe qu’elle forme avec Claude Poissant à la mise en scène, Honey Pie (2003) et Bienveillance (2012) l’avaient déjà établi. Mais leur dernière création, Hurlevents, en fournit une preuve supplémentaire.
Deux colocataires étudiants en littérature, Émilie (Florence Longpré), en instance de départ pour l’étranger, et Édouard (Benoît Drouin-Germain) ont invité à souper leur consœur et amie Isa (Emmanuelle Lussier-Martinez), engagée dans une relation intime avec un de leur professeur. Une autre enseignante du département, Marie-Hélène (Catherine Trudeau), est également de la partie ainsi que la sœur d’Émilie, Catherine (Kim Despatis), surgie à l’improviste en compagnie de son amoureux mal dégrossi, Sam Falaise (Alex Bergeron). Voilà pour le prétexte. On ne va pas réellement mettre la table et s’y asseoir pour manger – de toute façon, là où Claude Poissant l’a mise, aucune chance que cela advienne. Par cette nuit de grand vent, chacun devra réévaluer sa propre histoire d’amour et réagir : Édouard déclarer sa flamme à son enseignante adulée, Isa défendre sa relation ou s’ouvrir les yeux, Catherine et Sam décider du chemin à prendre suite à ce qu’ils viennent de vivre. Quant à Émilie, son départ dissimule un secret.
Hurlevents est d’abord ancré très concrètement dans l’actualité des dénonciations d’inconduites sexuelles. L’auteure s’inspire précisément d’un épisode de vandalisme au département de littérature de l’UQAM. La pièce soulève des questions pertinentes et nuancées en se gardant de donner les réponses, chaque personnage défendant plutôt bien sa position. Les conventions sociales ont-elles leur place lorsqu’il est question de sentiment? Peut-on intervenir tout en respectant la liberté de choix des autres? Qui détient vraiment le pouvoir en amour? Dans la seconde partie de la pièce, l’histoire d’Émilie met en partie hors-jeu les relations de dominance homme-femme pour recentrer l’attention sur la nature profonde de l’amour-passion et nous entraîner vers ses précipices. Se venger permet-il de « réapprendre à respirer », comme l’auteure l’écrit si bien? Cette seconde partie renvoie plus ouvertement au roman d’Emily Brontë qui a inspiré Fanny Britt, Les Hauts de Hurlevent.
C’est d’abord la qualité du texte qui frappe dans cette production réussie d’un bout à l’autre. Les personnages sont définis et contrastés, les dialogues rythmés, souvent très drôles. Britt jongle savamment avec les différents niveaux de langue : celui de ces littéraires qui n’en sont pas moins des millénariaux revendiquant le droit d’incorporer full anglicismes et emprunts, celui du gars de région qui « parle avec sa face » et celui de l’intellectuelle « articulée ». C’est surtout très intelligemment construit. Si on ne connaît pas le roman d’Emily Brontë, l’auteure nous instruit d’entrée de jeu en deux coups de cuillère à pot, et tant qu’à faire de la pédagogie, autant l’assumer pleinement.
Tous les comédiens tirent leur épingle du jeu. Lussier-Martinez doit composer un personnage angoissé qui cherche néanmoins à donner le change. Alex Bergeron est d’abord carré et hilarant, ensuite étonnamment sensible. Le plus beau rôle revient cependant à Florence Longpré, tour à tour drôle, vulnérable, puis étrangement fantomatique. Malgré le sujet, on rit beaucoup, parfois grâce à Poissant, qui utilise notamment le son avec doigté et humour. Entre vous et moi, ça sent la supplémentaire à plein nez.
Hurlevents
Texte : Fanny Britt. Mise en scène : Claude Poissant. Scénographie : Patrice Charbonneau-Brunelle. Costumes : Linda Brunelle. Éclairages : Erwann Bernard. Son : Nicolas Basque. Dramaturgie : Alexia Bürger. Avec Alex Bergeron, Kim Despatis, Benoît Drouin-Germain, Florence Longpré, Emmanuelle-Lussier Martinez, Catherine Trudeau. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 24 février 2018.