Un carrefour pareil à tant d’autres dans une ville de la Rive-Nord, un soir d’été. Sur cette scène se succèdent les brefs tableaux de la pièce chorale de Marianne Dansereau: une jeune femme d’humeur massacrante attend un autobus qui ne passera pas, enquiquinée par un vieil homme en mal de conversation, tandis qu’au Petro-Canada d’en face, deux jeunes employés flemmards et une superviseure survoltée de zèle confrontent leur vision du travail, et que, toujours plongée dans le noir, une adolescente adresse à son hamster la complainte de son chagrin amoureux et de son mal-être. Ces banals moments de vie feront place à la fin, de façon précipitée, à des événements violents.
Sur scène, Lydia Képinski comble de ses compositions à la guitare les silences lourds entre des dialogues qui tombent souvent volontairement à plat et accompagne les monologues de la jeune fille au hamster (Zoé Girard-Asselin). Celle-ci est la seule à utiliser un micro, sans qu’on en voie la nécessité, sauf à la fin où sa prise de parole libératrice a un peu l’élan du spoken word. Avec cet environnement sonore en direct, le metteur en scène Jean-Simon Traversy apporte une densité à l’univers nocturne de la pièce, qui glisse du banc de l’abribus à la station-service et sa salle de bain vitrée, en passant par les coins sombres où se réfugie l’adolescente.
Il y a certes là une belle matière à exploiter: les éternelles attentes de l’autobus de banlieue, l’observation inquiète des autres, voire leur surveillance paranoïaque, le désœuvrement du veuf qui, n’ayant plus de tapis sur lequel passer l’aspirateur, le passe sur sa pelouse et qui, pour tromper l’ennui, étourdit de paroles la jeune femme revêche à l’arrêt d’autobus. On apprendra que, sous les apparences de celui qui n’a rien à faire, cet homme s’est donné une véritable mission de chien de garde, rare geste d’humanité dans cette apathique nuit banlieusarde. Igor Ovadis apporte de la couleur à une galerie de personnages sinon passablement ternes. Les autres comédiens, tous fraîchement émoulus, sont moins aguerris pour donner du caractère à leurs rôles plutôt minces.
Marianne Dansereau, qui a obtenu le prix Gratien-Gélinas en 2015 pour ce texte, a esquissé quelques figures singulières qui pourraient être attachantes dans leur pathétisme même, si elles ne restaient inconsistantes, pâles silhouettes auxquelles on ne parvient pas à s’intéresser. Il manque une épaisseur à ces personnages, et cette lacune ne peut être palliée par les actions crues ou choquantes que l’auteure leur prête, qu’il s’agisse d’un geste violent, d’une intimité insignifiante (le bouton crevé dont le pu gicle dans le miroir; on se demande à quoi bon) ou du récit d’un rêve érotique… On reste dans l’anecdotique, avec une dimension trash qui rappelle les Contes urbains. Le geste ultime et désespéré de l’adolescente, que l’on ne révélera pas, est maladroitement amené, et le dénouement, rapide et confus, paraît bâclé.
On comprend bien sûr que l’auteure veut illustrer précisément l’ennui propre à la jeunesse de banlieue, ainsi que le vide et l’immobilité des villes-dortoirs. Mais, en ne transcendant pas, ou trop peu, cette illustration, la pièce ne peut que distiller, elle aussi, un certain ennui.
Texte: Marianne Dansereau. Mise en scène: Jean-Simon Traversy. Musique: Lydia Képinski. Scénographie et accessoires: Clélia Brissaud. Costumes: Marie-Noëlle Klis. Éclairages: Renaud Pettigrew. Avec Pascale Drevillon, Guillaume Gauthier, Zoé Girard-Asselin, Tommy Joubert, Igor Ovadis et Zoé Tremblay, ainsi que la musicienne Lydia Képinski. Une production du Crachoir. À la Licorne jusqu’au 24 mars 2018.
Un carrefour pareil à tant d’autres dans une ville de la Rive-Nord, un soir d’été. Sur cette scène se succèdent les brefs tableaux de la pièce chorale de Marianne Dansereau: une jeune femme d’humeur massacrante attend un autobus qui ne passera pas, enquiquinée par un vieil homme en mal de conversation, tandis qu’au Petro-Canada d’en face, deux jeunes employés flemmards et une superviseure survoltée de zèle confrontent leur vision du travail, et que, toujours plongée dans le noir, une adolescente adresse à son hamster la complainte de son chagrin amoureux et de son mal-être. Ces banals moments de vie feront place à la fin, de façon précipitée, à des événements violents.
Sur scène, Lydia Képinski comble de ses compositions à la guitare les silences lourds entre des dialogues qui tombent souvent volontairement à plat et accompagne les monologues de la jeune fille au hamster (Zoé Girard-Asselin). Celle-ci est la seule à utiliser un micro, sans qu’on en voie la nécessité, sauf à la fin où sa prise de parole libératrice a un peu l’élan du spoken word. Avec cet environnement sonore en direct, le metteur en scène Jean-Simon Traversy apporte une densité à l’univers nocturne de la pièce, qui glisse du banc de l’abribus à la station-service et sa salle de bain vitrée, en passant par les coins sombres où se réfugie l’adolescente.
Il y a certes là une belle matière à exploiter: les éternelles attentes de l’autobus de banlieue, l’observation inquiète des autres, voire leur surveillance paranoïaque, le désœuvrement du veuf qui, n’ayant plus de tapis sur lequel passer l’aspirateur, le passe sur sa pelouse et qui, pour tromper l’ennui, étourdit de paroles la jeune femme revêche à l’arrêt d’autobus. On apprendra que, sous les apparences de celui qui n’a rien à faire, cet homme s’est donné une véritable mission de chien de garde, rare geste d’humanité dans cette apathique nuit banlieusarde. Igor Ovadis apporte de la couleur à une galerie de personnages sinon passablement ternes. Les autres comédiens, tous fraîchement émoulus, sont moins aguerris pour donner du caractère à leurs rôles plutôt minces.
Marianne Dansereau, qui a obtenu le prix Gratien-Gélinas en 2015 pour ce texte, a esquissé quelques figures singulières qui pourraient être attachantes dans leur pathétisme même, si elles ne restaient inconsistantes, pâles silhouettes auxquelles on ne parvient pas à s’intéresser. Il manque une épaisseur à ces personnages, et cette lacune ne peut être palliée par les actions crues ou choquantes que l’auteure leur prête, qu’il s’agisse d’un geste violent, d’une intimité insignifiante (le bouton crevé dont le pu gicle dans le miroir; on se demande à quoi bon) ou du récit d’un rêve érotique… On reste dans l’anecdotique, avec une dimension trash qui rappelle les Contes urbains. Le geste ultime et désespéré de l’adolescente, que l’on ne révélera pas, est maladroitement amené, et le dénouement, rapide et confus, paraît bâclé.
On comprend bien sûr que l’auteure veut illustrer précisément l’ennui propre à la jeunesse de banlieue, ainsi que le vide et l’immobilité des villes-dortoirs. Mais, en ne transcendant pas, ou trop peu, cette illustration, la pièce ne peut que distiller, elle aussi, un certain ennui.
Hamster
Texte: Marianne Dansereau. Mise en scène: Jean-Simon Traversy. Musique: Lydia Képinski. Scénographie et accessoires: Clélia Brissaud. Costumes: Marie-Noëlle Klis. Éclairages: Renaud Pettigrew. Avec Pascale Drevillon, Guillaume Gauthier, Zoé Girard-Asselin, Tommy Joubert, Igor Ovadis et Zoé Tremblay, ainsi que la musicienne Lydia Képinski. Une production du Crachoir. À la Licorne jusqu’au 24 mars 2018.