Geneviève Pettersen se charge elle-même d’adapter pour la scène son roman publié en 2014. Il faut s’en réjouir, car le pari est tenu. Ceux qui avaient aimé le livre – j’en suis – retrouvent avec bonheur Catherine, l’héroïne adolescente, dans une Chicoutimi de tous les péchés au milieu des années 1990.
Avec en toile de fond le divorce acrimonieux de ses parents, la téméraire jeune fille se lance dans une trajectoire chaotique exemplaire de l’adolescence: nécessaire inclusion à une gang, soif d’absolu, rejet de l’hypocrisie des adultes, émulation des icônes (David Bowie, Kurt Cobain, Christiane F.), recherche de sensations fortes et, bien entendu, découverte et exploration de sa sexualité, la pratique de l’onanisme au féminin étant ici rebaptisée «se douner». Presque tous les motifs et les épisodes marquants du livre sont dans la pièce, de l’anniversaire d’ouverture au Noël sur la «mess», de la bataille au centre d’achat à la tragédie finale.
Les metteurs en scène Patrice Dubois et Alix Dufresne ont eu l’audace de confier à onze adolescentes (de 14 à 18 ans) – non actrices, est-il besoin de le préciser –, le rôle de Catherine. C’est véritablement cela qui fait tout l’intérêt de ce spectacle. Les comédiennes se présentent d’ailleurs d’entrée de jeu sous leur véritable nom, solidaires, faisant face aux spectateurs. Elles vont se relayer pour jouer Catherine en se passant une couronne ou un microphone, tout en s’acquittant des rôles secondaires: ceux des garçons et des adultes. Tout du long, elles vont rester en scène. La pièce se déroule donc au vu et au su de la collectivité, pour ainsi dire. Ce choix rend avec clarté un sentiment typique de l’adolescence, celui d’évoluer en observation permanente.
Ces actrices en herbe sont habitées et, essentiellement, épatantes. Si certaines ont parfois de petits moments de faiblesse, ils sont largement éclipsés par d’autres, très intenses. Chose certaine, elles rendent avec une authenticité saisissante le langage passablement trash de Catherine et de son cercle. Même pour un spectateur ouvert et averti, cette parole écorche les oreilles: vulgarités, blasphèmes, c’est soutenu et frontal! Mais ces adolescentes font-elles autre chose que répéter ce qu’elles ont entendu à la maison? Le discours du père lorsqu’il chasse sa femme et sa fille est ignoble à tous les égards, sur le fond et la forme.
Même si l’auteure a décloisonné son récit initial pour y inclure la réalité contemporaine de ses jeunes interprètes montréalaises, télescopant deux époques, cette nouvelle perspective reste somme toute secondaire. Ce qui frappe et qui émeut, c’est la peur de ces adolescentes de devenir comme leur mère, d’être rejetées par le groupe, ou encore la certitude qu’elles ont que «personne ne va leur voler la lune». Il se passe quelque chose d’électrisant au Théâtre de Quat’Sous ces jours-ci: ça s’appelle la jeunesse.
Texte: Geneviève Pettersen, d’après son roman publié au Quartanier. Mise en scène: Patrice Dubois et Alix Dufresne. Scénographie et accessoires: Pierre-Étienne Locas. Costumes: Elen Ewing. Musique: Frannie Holder. Éclairages: Martin Sirois. Avec Lori’anne Bemba, Zeneb Blanchet, Charlie Cliche, Evelyne Laferrière, Alexie Legendre, Éléonore Loiselle, Élizabeth Mageren, Kiamika Mouscardy-Plamondon, Éléonore Nault, Jade Tessier et Amaryllis Tremblay. Une production du Théâtre PÀP. Au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 30 mars 2018.
Geneviève Pettersen se charge elle-même d’adapter pour la scène son roman publié en 2014. Il faut s’en réjouir, car le pari est tenu. Ceux qui avaient aimé le livre – j’en suis – retrouvent avec bonheur Catherine, l’héroïne adolescente, dans une Chicoutimi de tous les péchés au milieu des années 1990.
Avec en toile de fond le divorce acrimonieux de ses parents, la téméraire jeune fille se lance dans une trajectoire chaotique exemplaire de l’adolescence: nécessaire inclusion à une gang, soif d’absolu, rejet de l’hypocrisie des adultes, émulation des icônes (David Bowie, Kurt Cobain, Christiane F.), recherche de sensations fortes et, bien entendu, découverte et exploration de sa sexualité, la pratique de l’onanisme au féminin étant ici rebaptisée «se douner». Presque tous les motifs et les épisodes marquants du livre sont dans la pièce, de l’anniversaire d’ouverture au Noël sur la «mess», de la bataille au centre d’achat à la tragédie finale.
Les metteurs en scène Patrice Dubois et Alix Dufresne ont eu l’audace de confier à onze adolescentes (de 14 à 18 ans) – non actrices, est-il besoin de le préciser –, le rôle de Catherine. C’est véritablement cela qui fait tout l’intérêt de ce spectacle. Les comédiennes se présentent d’ailleurs d’entrée de jeu sous leur véritable nom, solidaires, faisant face aux spectateurs. Elles vont se relayer pour jouer Catherine en se passant une couronne ou un microphone, tout en s’acquittant des rôles secondaires: ceux des garçons et des adultes. Tout du long, elles vont rester en scène. La pièce se déroule donc au vu et au su de la collectivité, pour ainsi dire. Ce choix rend avec clarté un sentiment typique de l’adolescence, celui d’évoluer en observation permanente.
Ces actrices en herbe sont habitées et, essentiellement, épatantes. Si certaines ont parfois de petits moments de faiblesse, ils sont largement éclipsés par d’autres, très intenses. Chose certaine, elles rendent avec une authenticité saisissante le langage passablement trash de Catherine et de son cercle. Même pour un spectateur ouvert et averti, cette parole écorche les oreilles: vulgarités, blasphèmes, c’est soutenu et frontal! Mais ces adolescentes font-elles autre chose que répéter ce qu’elles ont entendu à la maison? Le discours du père lorsqu’il chasse sa femme et sa fille est ignoble à tous les égards, sur le fond et la forme.
Même si l’auteure a décloisonné son récit initial pour y inclure la réalité contemporaine de ses jeunes interprètes montréalaises, télescopant deux époques, cette nouvelle perspective reste somme toute secondaire. Ce qui frappe et qui émeut, c’est la peur de ces adolescentes de devenir comme leur mère, d’être rejetées par le groupe, ou encore la certitude qu’elles ont que «personne ne va leur voler la lune». Il se passe quelque chose d’électrisant au Théâtre de Quat’Sous ces jours-ci: ça s’appelle la jeunesse.
La déesse des mouches à feu
Texte: Geneviève Pettersen, d’après son roman publié au Quartanier. Mise en scène: Patrice Dubois et Alix Dufresne. Scénographie et accessoires: Pierre-Étienne Locas. Costumes: Elen Ewing. Musique: Frannie Holder. Éclairages: Martin Sirois. Avec Lori’anne Bemba, Zeneb Blanchet, Charlie Cliche, Evelyne Laferrière, Alexie Legendre, Éléonore Loiselle, Élizabeth Mageren, Kiamika Mouscardy-Plamondon, Éléonore Nault, Jade Tessier et Amaryllis Tremblay. Une production du Théâtre PÀP. Au Théâtre de Quat’Sous jusqu’au 30 mars 2018.