On a vu nombre de pièces traitant de tuerie ou de radicalisation ces dernières années. L’originalité des Pentures, un tout jeune collectif, est d’avoir su décliner le sujet en trois voix singulières, embrigadées par des idées différentes, mais portées par la même urgence de transcrire leurs bouleversements intérieurs en actions concrètes.
Saluons le texte d’abord, habilement ficelé, qui nous permet de plonger dans la tête de trois jeunes adultes sans avoir l’impression d’assister à une improvisation dans la catégorie «À la manière de Watatatow». On reconnaît plusieurs des pensées qui nous traversaient le crâne, adolescents, sans toutefois tomber dans les clichés. Le tout incarné avec une grande justesse, par des auteurs-acteurs qui ont visiblement testé chaque mot, pesé chaque expression, avec le souci de nous faire vivre, vraiment, les destins croisés de Marco, Nadia et Christophe. Le texte avait déjà sa rythmique, que la mise en scène de Pascale Renaud-Hébert appuie tout naturellement, si bien que la représentation passe en un éclair.
L’histoire s’ouvre sur la fête d’anniversaire d’un «gosse de riche», séducteur sans scrupules. Qu’il s’appelle Ahmad ni change pas grand-chose, au début du moins. Mais le personnage honni par les trois protagonistes, pour des raisons très différentes, finira par personnifier les valeurs qu’ils exècrent. Un cours de philo, brièvement et brillamment expédié en quelques réflexions à voix haute, mettra une question sur leur mal-être: qu’est-ce qui vous manque? Tout et rien à la fois, une foule de réflexions et de blessures prises dans un nœud gordien.
Marco en veut aux riches, aux fraudeurs, au 1% qui profite des richesses mondiales, et taguera sa montée anarchiste à coups de symboles «Révolu Chien» sur les murs de la ville. Rejetée par un amant, Nadia se demande pourquoi personne ne voit qu’elle est différente, luminescente, et se questionne sur ce père arabe qui les a abandonnées, sa mère et elle, avant sa naissance. Ses questionnements muteront en quête de vérité sur les forums djihadistes. Christophe, lui, noie sa peine d’amour avec de nouveaux amis, à coups de rondes de surveillance et de séances d’entraînement. On reconnaîtra au passage des gestes qui ont fait les manchettes (une banderole haineuse à l’arrivée des réfugiés syriens, l’agression d’un homme portant un turban), mais habilement intégrés au discours et à la montée dramatique.
Il y a une certaine parenté entre révolution et radicalisation. Les illusions, l’extrémisme, se greffent aux idéaux, à ce qui n’était qu’au départ une quête de sens, une recherche d’appartenance. Dans la pièce, on comprend – on ressent, plutôt – très bien leur faim dévorante de justice sociale, à échelle locale et mondiale, personnelle et planétaire. Leur impulsion est belle avant qu’ils se placent en position de commettre l’irréparable. L’un freine, l’autre non, les rôles auraient pu être inversés, et c’est la force de la démonstration. Le jeu choral efficace, qui tire profit de la cohésion et des dissonances, est appuyé de projections et de quelques effets sonores bien dosés. Les auteurs signalent dans le programme leur volonté de faire voyager la pièce dans les écoles. Elle y résonnerait, assurément, avec force.
Texte et interprétation: Félix Delage-Laurin, Blanche Gionet-Lavigne et Vincent Massé-Gagné. Mise en scène et script-édition: Pascale Renaud-Hébert. Vidéo: Émile Beauchemin. Éclairages: Mathieu C. Bernard. Musique: Simon P. Castonguay. Scénographie: Marianne Lebel. Une production des Pentures. À Premier Acte jusqu’au 31 mars 2018.
On a vu nombre de pièces traitant de tuerie ou de radicalisation ces dernières années. L’originalité des Pentures, un tout jeune collectif, est d’avoir su décliner le sujet en trois voix singulières, embrigadées par des idées différentes, mais portées par la même urgence de transcrire leurs bouleversements intérieurs en actions concrètes.
Saluons le texte d’abord, habilement ficelé, qui nous permet de plonger dans la tête de trois jeunes adultes sans avoir l’impression d’assister à une improvisation dans la catégorie «À la manière de Watatatow». On reconnaît plusieurs des pensées qui nous traversaient le crâne, adolescents, sans toutefois tomber dans les clichés. Le tout incarné avec une grande justesse, par des auteurs-acteurs qui ont visiblement testé chaque mot, pesé chaque expression, avec le souci de nous faire vivre, vraiment, les destins croisés de Marco, Nadia et Christophe. Le texte avait déjà sa rythmique, que la mise en scène de Pascale Renaud-Hébert appuie tout naturellement, si bien que la représentation passe en un éclair.
L’histoire s’ouvre sur la fête d’anniversaire d’un «gosse de riche», séducteur sans scrupules. Qu’il s’appelle Ahmad ni change pas grand-chose, au début du moins. Mais le personnage honni par les trois protagonistes, pour des raisons très différentes, finira par personnifier les valeurs qu’ils exècrent. Un cours de philo, brièvement et brillamment expédié en quelques réflexions à voix haute, mettra une question sur leur mal-être: qu’est-ce qui vous manque? Tout et rien à la fois, une foule de réflexions et de blessures prises dans un nœud gordien.
Marco en veut aux riches, aux fraudeurs, au 1% qui profite des richesses mondiales, et taguera sa montée anarchiste à coups de symboles «Révolu Chien» sur les murs de la ville. Rejetée par un amant, Nadia se demande pourquoi personne ne voit qu’elle est différente, luminescente, et se questionne sur ce père arabe qui les a abandonnées, sa mère et elle, avant sa naissance. Ses questionnements muteront en quête de vérité sur les forums djihadistes. Christophe, lui, noie sa peine d’amour avec de nouveaux amis, à coups de rondes de surveillance et de séances d’entraînement. On reconnaîtra au passage des gestes qui ont fait les manchettes (une banderole haineuse à l’arrivée des réfugiés syriens, l’agression d’un homme portant un turban), mais habilement intégrés au discours et à la montée dramatique.
Il y a une certaine parenté entre révolution et radicalisation. Les illusions, l’extrémisme, se greffent aux idéaux, à ce qui n’était qu’au départ une quête de sens, une recherche d’appartenance. Dans la pièce, on comprend – on ressent, plutôt – très bien leur faim dévorante de justice sociale, à échelle locale et mondiale, personnelle et planétaire. Leur impulsion est belle avant qu’ils se placent en position de commettre l’irréparable. L’un freine, l’autre non, les rôles auraient pu être inversés, et c’est la force de la démonstration. Le jeu choral efficace, qui tire profit de la cohésion et des dissonances, est appuyé de projections et de quelques effets sonores bien dosés. Les auteurs signalent dans le programme leur volonté de faire voyager la pièce dans les écoles. Elle y résonnerait, assurément, avec force.
Embrigadés
Texte et interprétation: Félix Delage-Laurin, Blanche Gionet-Lavigne et Vincent Massé-Gagné. Mise en scène et script-édition: Pascale Renaud-Hébert. Vidéo: Émile Beauchemin. Éclairages: Mathieu C. Bernard. Musique: Simon P. Castonguay. Scénographie: Marianne Lebel. Une production des Pentures. À Premier Acte jusqu’au 31 mars 2018.