Après Les trois exils de Christian E. et Le long voyage de Pierre-Guy B., Philippe Soldevila et ses complices referment leur triptyque en rapatriant le troisième larron, Luc LeBlanc. Du désarroi de Christian, pendant ses trois exils vers le Québec, en passant par la rencontre parfois brutale avec Pierre-Guy, infatigable voyageur jusqu’au bout monde, voici que les deux comparses font sortir Luc de sa tanière acadienne, sur l’Île-aux-Puces, là où se trouve le théâtre permanent du Pays de la Sagouine.
La stratégie d’écriture, déjà éprouvée, trouve ici une densité renouvelée. Le va-et-vient soutenu entre les trois comédiens et les personnages qu’ils deviennent sur scène donne lieu à des échanges musclés où chacun s’expose sans fard. À la carrière fulgurante d’Essiambre s’oppose l’éternelle insatisfaction de Pierre-Guy, musicien fouineur et vindicatif, pourfendeur de l’étroitesse d’esprit des «nationalistes» à tout crin, soient-ils même acadiens. Du fond de sa campagne, issu d’une famille de bûcherons, Luc devient le porte-étendard d’une survivance emprisonnée dans une Sagouine caricaturale. Fidèle à ses racines, il est celui qui reste.
Immensément drôle dans son rôle de Citrouille et grâce à son incroyable légèreté, Luc est toujours disposé à surfer sur les rires de la foule. Il avoue sa faiblesse: il n’a d’autres ambitions que ces surcharges d’adrénaline que lui procure le public. Ainsi l’urgence d’accomplissement de Christian et l’autocritique sévère de Pierre-Guy s’opposent à la lenteur et à l’autosatisfaction de Luc. Le travail acharné, la vie de famille, les tournées, les questionnements sur le métier, les débats existentiels entre trois gars talentueux, et tous excessifs à leur manière, nous emportent au cœur d’une humanité touchante.
La mise en scène s’articule autour de l’écriture collective du texte. Soldevila transpose sur les planches – dans une dynamique qui méritera d’être resserrée – la complexité de la création qui va du quotidien au théâtre, soulignant et magnifiant tous les aléas de ce périlleux chemin. Le grand mérite réside justement ici dans le dénuement qui donne des moments de bravoure: la sortie de Pierre-Guy sur l’insignifiance d’être né quelque part, l’aveu de l’éprouvante et incontrôlable urgence d’agir de Christian, la crise de Luc dans un immense centre commercial d’Edmonton, hurlant sa détestation du voyage.
La finesse du montage réside dans l’enchaînement des différents états des comédiens-créateurs: entre le doute continu et leur habileté sur scène, entre la confrontation et la tendresse, les admirations secrètes et les reproches, tous ces petits riens qui scellent l’amitié. À travers un langage direct, porteur d’images puissantes, le spectacle nous convie à une expérience esthétique où se profilent des êtres plus grands que nature. À la géographie du voyage se greffe le voyage intérieur de la création. Le travail de Soldevila explore des identités forgées dans les migrations, déracinements et reboisements de soi. Sept ans plus tard, nous voici avec une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres, une sorte de saga vers une «hommerie» nouvelle, des hommes à la fois banals et surdimensionnés.
Texte et idée originale: Philippe Soldevila, Christian Essiambre, Pierre Guy Blanchard et Luc LeBlanc. Mise en scène et direction de la création: Philippe Soldevila. Éclairages: Marc Paulin. Musique: Pierre Guy Blanchard. Collaboration artistique: Christian Fontaine. Avec Pierre Guy Blanchard, Christian Essiambre et Luc LeBlanc. Une coproduction du Théâtre Sortie de Secours et du Théâtre l’Escaouette. Présenté à la Caserne Dalhousie, par le Périscope, jusqu’au 31 mars 2018. Le triptyque sera présenté en formule marathon le 24 mars 2018.
Après Les trois exils de Christian E. et Le long voyage de Pierre-Guy B., Philippe Soldevila et ses complices referment leur triptyque en rapatriant le troisième larron, Luc LeBlanc. Du désarroi de Christian, pendant ses trois exils vers le Québec, en passant par la rencontre parfois brutale avec Pierre-Guy, infatigable voyageur jusqu’au bout monde, voici que les deux comparses font sortir Luc de sa tanière acadienne, sur l’Île-aux-Puces, là où se trouve le théâtre permanent du Pays de la Sagouine.
La stratégie d’écriture, déjà éprouvée, trouve ici une densité renouvelée. Le va-et-vient soutenu entre les trois comédiens et les personnages qu’ils deviennent sur scène donne lieu à des échanges musclés où chacun s’expose sans fard. À la carrière fulgurante d’Essiambre s’oppose l’éternelle insatisfaction de Pierre-Guy, musicien fouineur et vindicatif, pourfendeur de l’étroitesse d’esprit des «nationalistes» à tout crin, soient-ils même acadiens. Du fond de sa campagne, issu d’une famille de bûcherons, Luc devient le porte-étendard d’une survivance emprisonnée dans une Sagouine caricaturale. Fidèle à ses racines, il est celui qui reste.
Immensément drôle dans son rôle de Citrouille et grâce à son incroyable légèreté, Luc est toujours disposé à surfer sur les rires de la foule. Il avoue sa faiblesse: il n’a d’autres ambitions que ces surcharges d’adrénaline que lui procure le public. Ainsi l’urgence d’accomplissement de Christian et l’autocritique sévère de Pierre-Guy s’opposent à la lenteur et à l’autosatisfaction de Luc. Le travail acharné, la vie de famille, les tournées, les questionnements sur le métier, les débats existentiels entre trois gars talentueux, et tous excessifs à leur manière, nous emportent au cœur d’une humanité touchante.
La mise en scène s’articule autour de l’écriture collective du texte. Soldevila transpose sur les planches – dans une dynamique qui méritera d’être resserrée – la complexité de la création qui va du quotidien au théâtre, soulignant et magnifiant tous les aléas de ce périlleux chemin. Le grand mérite réside justement ici dans le dénuement qui donne des moments de bravoure: la sortie de Pierre-Guy sur l’insignifiance d’être né quelque part, l’aveu de l’éprouvante et incontrôlable urgence d’agir de Christian, la crise de Luc dans un immense centre commercial d’Edmonton, hurlant sa détestation du voyage.
La finesse du montage réside dans l’enchaînement des différents états des comédiens-créateurs: entre le doute continu et leur habileté sur scène, entre la confrontation et la tendresse, les admirations secrètes et les reproches, tous ces petits riens qui scellent l’amitié. À travers un langage direct, porteur d’images puissantes, le spectacle nous convie à une expérience esthétique où se profilent des êtres plus grands que nature. À la géographie du voyage se greffe le voyage intérieur de la création. Le travail de Soldevila explore des identités forgées dans les migrations, déracinements et reboisements de soi. Sept ans plus tard, nous voici avec une galerie de personnages tous plus attachants les uns que les autres, une sorte de saga vers une «hommerie» nouvelle, des hommes à la fois banals et surdimensionnés.
L’incroyable légèreté de Luc L.
Texte et idée originale: Philippe Soldevila, Christian Essiambre, Pierre Guy Blanchard et Luc LeBlanc. Mise en scène et direction de la création: Philippe Soldevila. Éclairages: Marc Paulin. Musique: Pierre Guy Blanchard. Collaboration artistique: Christian Fontaine. Avec Pierre Guy Blanchard, Christian Essiambre et Luc LeBlanc. Une coproduction du Théâtre Sortie de Secours et du Théâtre l’Escaouette. Présenté à la Caserne Dalhousie, par le Périscope, jusqu’au 31 mars 2018. Le triptyque sera présenté en formule marathon le 24 mars 2018.