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Sandy Bessette : du cirque au berceau

© Maxim Paré Fortin

Comme les arts du cirque tendent à se diversifier, il en va naturellement de même de leur auditoire. Le Mobile, deuxième spectacle mis en scène en solo par Sandy Bessette, s’adresse à une tranche d’âges encore rarement visée de façon spécifique par une production circassienne : les nourrissons de 0 à 18 mois.

La chorégraphe et danseuse de formation a fondé en 2012, avec son partenaire de scène et de vie Simon Fournier, la compagnie la Marche du crabe. Celle-ci a entre autres produit Un orteil dans le vide, un spectacle sur le deuil alliant danse et roue allemande, Remous Remis, une création de théâtre acrobatique sans paroles explorant la relation frère-sœur, ainsi que De doigts et de pied, qui s’adresse, comme Le Mobile, aux très jeunes spectateurs. «J’ai voulu travailler sur l’expérience kinesthésique de l’enfant dans la représentation, explique la créatrice, en ajoutant aux mouvements dansés et à la musique qui est jouée en direct sur scène des sensations comme le vent sur sa peau, des textures à toucher, des odeurs à sentir.»

Sandy Bessette poursuit la même démarche avec Le Mobile, puisque les petits y sont stimulés de différentes façons. Comme le titre du spectacle le laisse deviner, une large part des prestations circassiennes se déroule au-dessus de l’auditoire, mais certains artistes se déplacent aussi sur l’aire de jeu en interprétant de la musique, en chantant et parfois même en touchant les bébés qui, s’ils en ont plein les sens, ne sont pas les seuls à être interpellés par la production. «Les jeunes spectateurs m’importent beaucoup, mais je voulais aussi penser aux parents, précise la metteuse en scène. Je me suis rendu compte que beaucoup de parents ne fréquentent pas les salles de spectacles parce qu’ils sont limités par leur vie de famille. Je voulais donc leur donner l’occasion de vivre une expérience artistique de qualité. Je ne voulais pas qu’ils regardent une animation destinée à leur enfant, mais plutôt qu’ils soient plongés avec lui dans une expérience, qu’ils sentent cette expérience dans leur propre corps. C’est pourquoi ils sont couchés au sol durant la représentation. Ils vivent ainsi physiquement une aventure artistique en parallèle avec leur enfant.»

Aux yeux de Sandy Bessette, il ne peut donc y avoir de compromis sur la qualité des éléments constituant le spectacle, qu’il s’agisse du chant, de la musique, des propos ou des acrobaties: «Comme parent, j’ai le désagrément de voir des propositions artistiques de piètre qualité.» Les ritournelles qui n’ont d’autre mérite que d’être accrocheuses ou les bouffonneries vides de sens… très peu pour elle. C’est pourquoi elle s’est entourée de spécialistes de différentes disciplines (telles la violoniste Erin Drumheller et la soprano Nadine Louis, aussi artistes de cirque) qu’elle a invités à prendre part au processus créatif. De son côté, la metteuse en scène, en intervenant régulièrement au cours de la création, s’est assurée que le résultat final soit en accord avec les théories sur le développement de l’enfant qu’elle a apprises à travers lectures et stages ainsi qu’en s’appuyant sur des observations qu’elle a faites sur le terrain au fil des années. Bien sûr, que la codirectrice de la Marche du crabe soit elle-même maman ne nuit certainement en rien à son expertise.

Le Mobile

Mise en scène: Sandy Bessette. Son: les interprètes-créateurs avec la collaboration de Charmaine Leblanc et Mélanie Cullin. Éclairages: Julie Basse. Scénographie et costumes: La marche du crabe avec la collaboration de Daniel Bennett, Benoit Archambault et Marie-Hélène Lampron. Avec Erin Drumheller, Simon Fournier, Nadine Louis, Theodore Spencer et Sandy Bessette (en alternance avec Julie Choquette). Une production de la Marche du crabe. À la Tohu, à l’occasion de Montréal Complètement Cirque, du 7 au 15 juillet 2018.