Reprendre un texte qui parle de féminisme, quarante ans après sa création, pouvait paraître hasardeux, tant les mœurs, le contexte social et la place de la femme dans la société semblent avoir changé au fil des décennies.
Or, la première surprise est de constater que le propos de la pièce Les fées ont soif de Denise Boucher, créée au Théâtre du Nouveau Monde en 1978, est toujours d’actualité.
Mettant en scène trois archétypes de la femme – la mère, la prostituée et la Vierge Marie -, le texte souligne la pression constante et étouffante de la domination masculine sur la gent féminine. Violence conjugale, abus sexuels, parole des femmes dénigrée sont encore des thèmes très présents de nos jours.
Portée par la mise en scène sobre et efficace de Sophie Clément (qui faisait partie de la distribution à la création de la pièce en 1978), la parole des trois femmes est libératrice.
On souffre avec Marie (Pascale Montreuil) la mère au sens large qui étouffe dans son carcan de femme au foyer, tout en acceptant la violence conjugale d’un mari qu’elle continue de soutenir. La prostituée Madeleine (Bénédicte Décary) cache, derrière son assurance feinte, une douleur et une soumission révoltantes. Quant à la Vierge Marie (Caroline Lavigne), si sa trajectoire est moins blasphématrice aujourd’hui, il reste qu’elle fait comprendre à quel point la domination masculine a annihilé la parole et neutralisé l’assurance des femmes.
Certaines répliques n’ont toutefois plus la même résonance qu’il y a quarante ans. Ainsi, la désacralisation de la Vierge Marie qui veut descendre de son piédestal peut paraître un peu surannée, il n’y a plus rien de scandaleux dans cette image. De même, la mère qui s’ennuie à la maison et dont l’existence se réduit à servir son mari et ses enfants apparaît d’un autre temps. Les femmes du 21e siècle sont actives, travaillent à l’extérieur de la maison, mais elles sont encore trop souvent responsables des courses, du ménage, de la préparation des repas, même si le partage des tâches domestique est de plus en plus répandu.
Un an après l’apparition du mouvement #metoo, qui souhaite libérer la parole des femmes, notamment face aux agressions et abus sexuels dont elles sont victimes, la modernité du texte de Denise Boucher reste étonnante. Certaines répliques cinglantes pourraient avoir été écrite aujourd’hui, et c’est ce qui fait la force de cette production. Les trois figures féminines iconiques se parlent, se répondent et s’entraident dans leur émancipation, mettant en avant la force de la solidarité pour s’affranchir de la coercition masculine.
Bénédicte Décary, Pascale Montreuil et Caroline Lavigne portent ce texte avec beaucoup d’aplomb et de justesse. Le jeu des trois formidables comédiennes évolue en même temps que leurs personnages s’émancipent et quittent leurs contraintes et leurs barrières. Elles sont tout aussi étonnantes lorsqu’elles chantent certains passages du texte. Des chansons qui s’avèrent souvent chargées d’une tension dramatique qui donne un certain rythme et une respiration poétique dans la pièce.
Même si le contexte a changé, en 2018, les fées ont toujours plus soif de liberté, d’écoute, de compréhension et d’amour.
Texte : Denise Boucher. Mise en scène : Sophie Clément. Musiciennes : Patricia Deslauriers et Nadine Turbide. Costumes : Linda Brunelle. Accessoires : Madeleine St-Jacques. Éclairage : Julie Basse. Musique : Catherine Gadouas. Décors : Danièle Lévesque. Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti. Avec : Bénédicte Décary, Caroline Lavigne et Pascale Montreuil. Une production du Théâtre du Rideau Vert, présentée jusqu’au 10 novembre 2018.
Reprendre un texte qui parle de féminisme, quarante ans après sa création, pouvait paraître hasardeux, tant les mœurs, le contexte social et la place de la femme dans la société semblent avoir changé au fil des décennies.
Or, la première surprise est de constater que le propos de la pièce Les fées ont soif de Denise Boucher, créée au Théâtre du Nouveau Monde en 1978, est toujours d’actualité.
Mettant en scène trois archétypes de la femme – la mère, la prostituée et la Vierge Marie -, le texte souligne la pression constante et étouffante de la domination masculine sur la gent féminine. Violence conjugale, abus sexuels, parole des femmes dénigrée sont encore des thèmes très présents de nos jours.
Portée par la mise en scène sobre et efficace de Sophie Clément (qui faisait partie de la distribution à la création de la pièce en 1978), la parole des trois femmes est libératrice.
On souffre avec Marie (Pascale Montreuil) la mère au sens large qui étouffe dans son carcan de femme au foyer, tout en acceptant la violence conjugale d’un mari qu’elle continue de soutenir. La prostituée Madeleine (Bénédicte Décary) cache, derrière son assurance feinte, une douleur et une soumission révoltantes. Quant à la Vierge Marie (Caroline Lavigne), si sa trajectoire est moins blasphématrice aujourd’hui, il reste qu’elle fait comprendre à quel point la domination masculine a annihilé la parole et neutralisé l’assurance des femmes.
Certaines répliques n’ont toutefois plus la même résonance qu’il y a quarante ans. Ainsi, la désacralisation de la Vierge Marie qui veut descendre de son piédestal peut paraître un peu surannée, il n’y a plus rien de scandaleux dans cette image. De même, la mère qui s’ennuie à la maison et dont l’existence se réduit à servir son mari et ses enfants apparaît d’un autre temps. Les femmes du 21e siècle sont actives, travaillent à l’extérieur de la maison, mais elles sont encore trop souvent responsables des courses, du ménage, de la préparation des repas, même si le partage des tâches domestique est de plus en plus répandu.
Un an après l’apparition du mouvement #metoo, qui souhaite libérer la parole des femmes, notamment face aux agressions et abus sexuels dont elles sont victimes, la modernité du texte de Denise Boucher reste étonnante. Certaines répliques cinglantes pourraient avoir été écrite aujourd’hui, et c’est ce qui fait la force de cette production. Les trois figures féminines iconiques se parlent, se répondent et s’entraident dans leur émancipation, mettant en avant la force de la solidarité pour s’affranchir de la coercition masculine.
Bénédicte Décary, Pascale Montreuil et Caroline Lavigne portent ce texte avec beaucoup d’aplomb et de justesse. Le jeu des trois formidables comédiennes évolue en même temps que leurs personnages s’émancipent et quittent leurs contraintes et leurs barrières. Elles sont tout aussi étonnantes lorsqu’elles chantent certains passages du texte. Des chansons qui s’avèrent souvent chargées d’une tension dramatique qui donne un certain rythme et une respiration poétique dans la pièce.
Même si le contexte a changé, en 2018, les fées ont toujours plus soif de liberté, d’écoute, de compréhension et d’amour.
Les fées ont soif
Texte : Denise Boucher. Mise en scène : Sophie Clément. Musiciennes : Patricia Deslauriers et Nadine Turbide. Costumes : Linda Brunelle. Accessoires : Madeleine St-Jacques. Éclairage : Julie Basse. Musique : Catherine Gadouas. Décors : Danièle Lévesque. Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti. Avec : Bénédicte Décary, Caroline Lavigne et Pascale Montreuil. Une production du Théâtre du Rideau Vert, présentée jusqu’au 10 novembre 2018.