Critiques

Chansons pour filles et garçon perdus : Un joyeux chaos poétique

Chansons pour filles et garçon perdus© Valérie Remise

Après dix ans de Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, Loui Mauffette revient avec un spectacle différent, mais tellement ressemblant. Toujours aussi imprégné par l’œuvre de son père, l’homme de radio et poète Guy Mauffette, il est allé chercher dans la poésie québécoise de toutes les époques, une quête de sens, une enfance évaporée, un quotidien fantasmé, une liberté effervescente, une lumière qui aide à vivre la même banalité que ses contemporain·nes, avec une étincelle en prime. 

Chansons pour filles et garçons perdusValérie Remise

En quête permanente du père et de l’enfance disparue, Loui Mauffette initie Chansons pour filles et garçon perdus avec un très jeune acteur (Luc Papacotsia) qui met en branle un défilé de personnages fantasques, qui deviennent tour à tour rois ou reines, mariées ou danseuses étoiles d’un autre âge, sortes de chimères sorties de son imaginaire. 

Les quinze comédien·nes font résonner les mots, tant en vers qu’en prose, de Jean-Paul Daoust à Simon Boulerice, appelant à la rescousse les sentiments poétiques de David Goudreault tout autant que les hallucinations littéraires de Gauvreau. Le public se laisse complètement emporter par cette vague de mots chaleureux, réconfortants, parfois agressants, ces collages de textes aussi bien chantés, déclamés, joués que dansés. Comme le titre l’indique, la musique est omniprésente, que ce soit le violon de Guido Del Fabbro, la guitare de Jean-Philippe Perras ou le piano derrière lequel plusieurs vont s’asseoir. 

Chansons pour filles et garçons perdusValérie Remise

La mise en scène, cosignée par Loui Mauffette et Benoit Landry, est remplie de trouvailles, à commencer par l’idée du carré de sable, qui deviendra tantôt un lit, tantôt un ring de boxe, dans lequel les comédien·nes vont pouvoir s’amuser. Un piano crapaud repose d’un côté, tandis qu’une chaise de sauveteur est à l’autre bout. Les quinze joyeux et joyeuses luron·nes (Benoit Landry, Natalie Breuer, Kathleen Fortin, Émilie Gilbert, Roger LaRue, Pierre Lebeau, Jean-Simon Leduc, Gabriel Lemire, Macha Limonchik, Mylène Mackay, Loui Mauffette, Catherine Paquin Béchard, Jean-Philippe Perras, Adèle Reinhardt et Marie-Jo Thério), accompagnés·es de trois enfants, vont s’ébrouer sur cette piste dans un joyeux chaos bringuebalant. 

Parmi les moments de grâce de cette « stonerie poétique », on retiendra l’interprétation majestueuse de la chanson Beau Grand Bateau de Gerry Boulet, sur un texte de Denise Boucher, par Jean-Philippe Perras, ainsi que Comme des chiens, de Plamondon et Cousineau, que Kathleen Fortin livre avec encore plus de fougue que Diane Dufresne en son temps. 

Le tableau des deux petites filles mimant Les deux vieilles de Clémence Desrochers, chanté avec douceur et profondeur par Macha Limonchik, est une ode émouvante au temps qui passe et à la vie qui nous quitte peu à peu. 

La présence quasi silencieuse d’Adèle Reihardt, fellinienne dans son costume de danseuse à la grâce pâlissante, se rajoute à l’esprit de décadence de l’ensemble. 

Si le spectacle se veut jovial et festif, certains textes se font aussi plus revendicatifs et noirs, avec une portée politique assumée. Mais au terme de ces trois heures, c’est davantage l’aspect ludique et tendre qu’on retiendra.

Et on se surprendra, en rentrant à la maison, à ressortir quelques recueils de poésie qui attendaient patiemment depuis des lunes pour aller y puiser l’étincelle qui vacille parfois dans nos esprits et nos cœurs. 

Chansons pour filles et garçon perdus

Idée originale, direction artistique et mise en scène : Loui Mauffette. Mise en scène et interprétation : Benoit Landry. Interprétation : Nathalie Breuer, Kathleen Fortin, Émilie Gilbert, Roger La Rue, Pierre Lebeau, Jean-Simon Leduc, Gabriel Lemire, Macha Limonchik, Mylène Mackay, Catherine Paquin Béchard, Jean-Philippe Perras, Adèle Reinhardt, Marie-Jo Thério, et Luc Papacotsia, ainsi qu’en alternance : Florence Bourbeau, Samuelle Gaudette, Simone Noppen, Félixe Savage. Interprétation, direction musicale et musique originale : Guido Del Fabbro. Assistance à la mise en scène et régie : Marjorie Bélanger. Scénographie et accessoires : Clélia Brissaud. Conseil artistique aux costumes : Mario Davignon. Éclairages : Alain Lortie. Recherche dramaturgique : Johanne Haberlin. Une production du Centre du Théâtre d’aujourd’hui, en coproduction avec la Place des Arts et Altitude Locomotive. Présentée au Centre du Théâtre d’aujourd’hui jusqu’au 4 mai, et du 9 au 19 mai, à la Cinquième salle de la Place des Arts.