Critiques

Panique dans le piano ! : méli-mélo psychédélique

Panique dans le pianoIsabel Rancier

Sur papier, Panique dans le piano ! du théâtre Magasin semblait follement éclaté. Il est question d’une souris, de Monsieur Z qui veut communiquer avec le fantôme de Beethoven et de Jo les machines, un antagoniste robotique. Sur scène toutefois, l’histoire qu’on présente aux enfants manque souvent de cohérence et la mise en scène, malgré plusieurs bons moments, comporte aussi des lacunes.

Monsieur Z (Joël da Silva) est à la fois musicien et inventeur. La pièce commence un sombre soir de tempête, alors qu’une souris s’est introduite dans son piano. Dans la pénombre, alors que de la fumée flotte, on l’écoute jouer, parler de mauvais présages et on le voit tenter d’éliminer la petite bête avec des trappes et du poison. 

L’exploration scénographique semble l’emporter sur le récit lorsque l’instrument se transforme entre les mains de Monsieur Z et devient machine. Surgit un « aspirateur de problèmes », une « broyeuse d’idées noires »… des concepts plutôt difficiles à saisir pour les enfants de 5 ans et un peu plus à qui s’adresse la pièce. 

Panique dans le pianoIsabel Rancier

L’inventeur se met ensuite à faire un brin de ménage et nous dévoile un immense buste de Beethoven, avant d’annoncer l’arrivée de sa compagne de musique de chambre. Entre Marguerite (Martine Pype-Rondeau) qui, après un duo musical, deviendra malgré elle un des rouages de la machine qui permettra de faire parler Beethoven (en allemand caverneux) et de ramener son génie à la vie. 

Le bricolage de mots, musique, images et objets de Joël da Silva comporte de longs passages de musique instrumentale qui surviennent parfois en plein milieu de l’action et qui — plutôt que d’alimenter le suspense — créent des cassures dans un récit déjà passablement décousu. On ne ferait pas de cas des digressions scénographiques si elles servaient concrètement l’histoire ou s’avéraient amusantes et détendaient l’atmosphère. L’escalade de confusion s’accompagne toutefois de peu de moments de plaisir et de scènes franchement terrifiantes pour le jeune public. 

L’apparition de Jo les machines sur le devant du piano, avec son visage argenté et sa voix de robot aux accents stridents, se fait sur une musique psychédélique et dissonante. La vision est cauchemardesque et Monsieur Z en devient presque fou. Outre semer l’effroi et nous casser les oreilles, les intentions de Jo nous échappent.

panique dans le pianoIsabel Rancier

Puis la mort elle-même vient visiter le pauvre homme. L’effet du masque blanc tenu sur une perche, alors qu’un grand drap noir recouvre la comédienne, est saisissant. En chantant « Tout le monde veut aller au ciel… », elle annonce qu’elle souhaite faire un récital. Suivra — après un long segment instrumental — une fuite échevelée de Monsieur Z sur son piano, où Joël da Silva produit lui-même les sons de son moyen de transport tout en manipulant des accessoires. L’effet est des plus maladroits et, déjà déboussolés, on peine à suivre le reste des aventures sans queue ni tête de l’inventeur excentrique. La souris, Marguerite et Beethoven reviendront (pour la forme) à certains moments du récit, mais on reste sur l’impression que l’auteur ne savait plus trop que faire de ses personnages, qu’il ne leur a pas trouvé d’intentions et n’a pas su arrimer les images scéniques entre elles pour construire l’épopée souhaitée.

L’auteur, compositeur, cometteur en scène et scénographe du spectacle s’en est mis beaucoup sur les épaules en interprétant le personnage principal, Monsieur Z, et en jouant aussi la plus grande partie de la musique du spectacle au piano en direct.

Pas étonnant qu’on sente des essoufflements, des brisures de rythmes et des transitions qui auraient gagné à être travaillées davantage. 

Panique dans le piano !

Texte, musique originale et arrangements musicaux : Joël da Silva. Mise en scène : Marc-André Roy et de Joël da Silva. Avec Joël da Silva et Martine Pype-Rondeau. Réalisation sonore : Michel Robidoux. Scénographie : Joël da Silva. Lumières : Nancy Bussières. Conception d’accessoires, des marionnettes et des éléments scénographiques : Isabelle Chrétien, Jean Cummings, Sophie Deslauriers, Claude Rodrigue, Colin St-Cyr Duhamel, Sandra Turgeon et Carl Vincent. Une production du Théâtre Magasin présentée jusqu’au 11 mai au théâtre jeunesse Les Gros Becs.