Les deux artistes italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini nous avaient enchantés lors de l’édition 2016 du FTA, avec deux pièces documentaires, Reality, qui présentait l’histoire d’une femme qui avait transcrit toute sa vie dans des carnets, et Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni, où des femmes grecques, devant la dette de leur pays, choisissaient le suicide. Un théâtre de presque rien (quasi niente), quelques accessoires, une parole délivrée, des silences éloquents et des interprètes complètement investis dans une démarche artistique exigeante.
Créé en 2018, Quasi niente s’inspire du film culte d’Antonioni, Le Désert rouge, interprété principalement par la sublime Monica Vitti, qui met en scène une femme, Giuliana, qui connaît un épisode de dépression. Mais le duo italien s’est volontairement éloigné de l’œuvre cinématographique, ne gardant que l’essentiel : la relation avec la maladie mentale.
Sur scène, ils sont cinq, trois femmes et deux hommes, pour livrer autant de variations sur le même thème. Le plateau est à peu près vide, si ce n’est une commode à tiroirs, une armoire sans porte, deux chaises et un fauteuil rouge, dans lequel vont s’asseoir à tour de rôle les interprètes, pour parler d’eux et de ce qui les habite, les torture et les tient en dehors de leur vie : « Le soleil a trop de lumière pour des ombres comme nous ». Ils ont parfois beaucoup de mots pour le dire, parfois très peu. Quelques hésitations, un geste nerveux, et on comprend que « les mots restent à l’intérieur de la tête ». Quelques gesticulations, une danse esquissée, et un flot de paroles jaillit.
Les personnages n’ont pas de nom, ils se présentent en fonction de leur tranche d’âge : sexagénaire, quadragénaire, trentenaire, quinquagénaire, comme s’ils n’étaient qu’un échantillon représentatif. Anonymes et universels, ils et elles racontent la douleur et la culpabilité de se sentir inadaptées dans un monde glorifiant la performance et la réussite, qu’elles soient sportives, sexuelles ou professionnelles. Ils disent le malaise de vivre, la lourdeur de l’existence quand on perd pied, les tics et les tocs que génère la maladie, le déni et l’incompréhension face à elle. C’est poignant, et c’est lumineux tout à la fois.
Parler de dépression sans faire un spectacle déprimant, telle était la volonté de Defloria et Tagliarini. Pour ce faire, ils ont misé sur l’humain, et c’est un pari réussi. Sans trame, sans arc dramatique, sans intrigue, la parole se délie et se déroule, portée par des comédiennes et des comédiens pudiques, subtils et généreux. Du grand art, avec presque rien, mais tout est là.
Texte : Daria Deflorian et Antonio Tagliarini. Librement inspiré du film Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni. Collaboration au projet : Francesca Cuttica, Monica Piseddu, Benno Steinegger. Conseiller artistique : Attilio Scarpellini. Lumières : Gianni Staropoli.Costumes : Metella Raboni. Son : Leonardo Cabiddu et Francesca Cuttica (WOW). Traduction et surtitrage en français : Federica Martucci. Avec : Francesca Cuttica, Daria Deflorian, Monica Piseddu, Benno Steinegger, Antonio Tagliarini. Présenté à l’Usine C, à l’occasion du FTA, jusqu’au 25 mai 2019.
Les deux artistes italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini nous avaient enchantés lors de l’édition 2016 du FTA, avec deux pièces documentaires, Reality, qui présentait l’histoire d’une femme qui avait transcrit toute sa vie dans des carnets, et Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni, où des femmes grecques, devant la dette de leur pays, choisissaient le suicide. Un théâtre de presque rien (quasi niente), quelques accessoires, une parole délivrée, des silences éloquents et des interprètes complètement investis dans une démarche artistique exigeante.
Créé en 2018, Quasi niente s’inspire du film culte d’Antonioni, Le Désert rouge, interprété principalement par la sublime Monica Vitti, qui met en scène une femme, Giuliana, qui connaît un épisode de dépression. Mais le duo italien s’est volontairement éloigné de l’œuvre cinématographique, ne gardant que l’essentiel : la relation avec la maladie mentale.
Sur scène, ils sont cinq, trois femmes et deux hommes, pour livrer autant de variations sur le même thème. Le plateau est à peu près vide, si ce n’est une commode à tiroirs, une armoire sans porte, deux chaises et un fauteuil rouge, dans lequel vont s’asseoir à tour de rôle les interprètes, pour parler d’eux et de ce qui les habite, les torture et les tient en dehors de leur vie : « Le soleil a trop de lumière pour des ombres comme nous ». Ils ont parfois beaucoup de mots pour le dire, parfois très peu. Quelques hésitations, un geste nerveux, et on comprend que « les mots restent à l’intérieur de la tête ». Quelques gesticulations, une danse esquissée, et un flot de paroles jaillit.
Les personnages n’ont pas de nom, ils se présentent en fonction de leur tranche d’âge : sexagénaire, quadragénaire, trentenaire, quinquagénaire, comme s’ils n’étaient qu’un échantillon représentatif. Anonymes et universels, ils et elles racontent la douleur et la culpabilité de se sentir inadaptées dans un monde glorifiant la performance et la réussite, qu’elles soient sportives, sexuelles ou professionnelles. Ils disent le malaise de vivre, la lourdeur de l’existence quand on perd pied, les tics et les tocs que génère la maladie, le déni et l’incompréhension face à elle. C’est poignant, et c’est lumineux tout à la fois.
Parler de dépression sans faire un spectacle déprimant, telle était la volonté de Defloria et Tagliarini. Pour ce faire, ils ont misé sur l’humain, et c’est un pari réussi. Sans trame, sans arc dramatique, sans intrigue, la parole se délie et se déroule, portée par des comédiennes et des comédiens pudiques, subtils et généreux. Du grand art, avec presque rien, mais tout est là.
Quasi niente
Texte : Daria Deflorian et Antonio Tagliarini. Librement inspiré du film Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni. Collaboration au projet : Francesca Cuttica, Monica Piseddu, Benno Steinegger. Conseiller artistique : Attilio Scarpellini. Lumières : Gianni Staropoli.Costumes : Metella Raboni. Son : Leonardo Cabiddu et Francesca Cuttica (WOW). Traduction et surtitrage en français : Federica Martucci. Avec : Francesca Cuttica, Daria Deflorian, Monica Piseddu, Benno Steinegger, Antonio Tagliarini. Présenté à l’Usine C, à l’occasion du FTA, jusqu’au 25 mai 2019.