Critiques

Festival international des arts de la marionnette à Saguenay : Mais où est donc la marionnette ?

Les « arts de la marionnette », appellation assez large, accueillent bien volontiers toutes sortes de théâtres d’objets plus ou moins identifiés, de théâtre d’ombres et de tous les bidules qu’on pourrait inventer. S’il y a quelque chose de réjouissant dans tout cela, il ne faudrait pas pour autant en venir à délaisser l’art subtil de la manipulation de créatures en bois sculpté, en résine ou en chiffons, à fils, gaine ou tiges, ce qui semble pourtant devenir une tendance…  

Pour ce premier jour au Festival international des arts de la marionnette à Saguenay (FIAMS), la seule marionnette que j’ai vue en scène mesure environ dix centimètres de haut, c’est la minuscule Tommelise, du Théâtre de l’Illusion, un spectacle pour les 4 ans et plus. Une histoire rose bonbon de petite fille née dans une fleur, qui voyage à dos de crapaud ou sur les pétales d’un nénuphar. Une danseuse (Claude Bellemare), une marionnettiste (Sabrina Baran) et une musicienne multi-instrumentiste et bruiteuse (Maryse Poulin) narrent ce récit initiatique, dans lequel la minuscule marionnette est parfois éclipsée par la présence des trois interprètes.  

Tommelise

Celle qui marche loin

Coproduction franco-québécoise de la compagnie du Roi Zizo et d’Ombres Folles, Celle qui marche loin retrace le périple aventureux d’une femme ordinaire, oubliée de l’histoire racontée par les hommes blancs. En pleine ruée vers l’or de l’Ouest,  Marie Iowa Dorion a traversé trois fois les Rocheuses à pied, avec ses deux petits enfants. Un modèle de courage et de persévérance à qui les deux créateurs, Maude Gareau et Gildwen Peronno ont voulu rendre hommage.

Avec peu de moyens, deux pupitres dont ils tirent divers objets, dont certains viennent parfois trop simplement souligner ce qui est dit  (un cheval en plastique quand on parle d’un cheval, un nounours en peluche pour figurer un ours…),  mais qui peuvent être aussi, et heureusement, plus évocateurs, plus créatifs, comme les scies pour évoquer les montagnes et les dangers que Marie devra affronter, ou les billes répandues pour évoquer les 1000 nations autochtones qui peuplaient l’Amérique avant l’arrivée des Blancs.

Celle qui marche loin

Maude Gareau et Gildwen Peronno signent le texte, la scénographie et la mise en scène. Toutefois, et c’est dommage, leur interprétation propose un jeu sans grands éclats, qui gagnerait à être dirigé avec un peu plus de rigueur. 

Présenté en création au festival, on ne souhaite qu’une chose à ce jeune spectacle : aller aussi loin que son héroïne, car il ne peut que se bonifier avec le temps. 

Alice et les villes invisibles

De la compagnie espagnole Onìrica Mecànica,  Alice et les villes invisibles se présente comme une énième variation autour d’Alice au pays des merveilles. Mais oubliez tout ce que vous saviez sur Alice pour embarquer dans cet univers hautement technologique, avec moult effets sonores, visuels, lumineux, musicaux. Voici Alice, avec un visage de poupée de cire, personnage marionnettique interprété par Alicia Bernal, dans un costume jouant avec la transparence du plastique et la froideur de l’aluminium, une Alice ballotée et errante, dans un univers déshumanisé, hanté par d’étranges créatures à la voix de robot. À peine si l’on croise, dans une curieuse scène, le lapin et le chapelier, tous deux coiffés de bidons en plastique (à peine) revampés. Alice au fond de la terre ne trouve que les déchets laissés par l’espèce humaine. On n’est plus dans l’onirique, mais bien dans le cauchemar.

Dans ce théâtre visuel de peu de mots, il y a, bien entendu, de belles images, comme les drapeaux où sont projetées des fragments de cartes à jouer. Pourtant, dans ce festival de sons et lumières, la dramaturgie se perd au profit de l’effet technologique, et la poésie disparaît derrière les écrans des tablettes. 

Cependant, j’avoue avoir été « surprise en bien », comme disent les Suisses, de voir ce spectacle dans le cadre d’un festival de marionnettes. On pourrait m’objecter à bon escient qu’il s’agit d’un théâtre d’objets technologiques. Ou un théâtre dans lequel les interprètes ne seraient que des marionnettes ? À ce sujet, l’exposition de photos d’Alice Laloy autour de la création de Pinocchio(s) montre des « enfants-pantins »…

Tommelise

Conception, texte et mise en scène : Sabrina Baran. Scénographie et costumes : Josée Bergeron-Proulx. Marionnette : Isabelle Chrétien. Chorégraphie : Lila-Mae G. Talbot. Éclairages : Audrey-Anne Bouchard. Conception sonore : Maryse Poulin. Une production du Théâtre de l’Illusion, présentée au FIAMS les 24 et 25 juillet 2019.

Celle qui marche loin

Écriture, mise en scène, scénographie et jeu : Maude Gareau et Gildwen Peronno. Costumes : Anna Lereun. Éclairages : Alan Floc’h. Assistance à la création et musique : Olivier Monette-Milmore. Fabrication d’objets : Éloïse Caron. Une coproduction de Ombres Folles et de la compagnie du Roi Zizo, présentée au FIAMS les 24 et 25 juillet 2019.

Alice et les villes invisibles

Mise en scène, marionnettes et direction technique : Jesus Nieto. Éclairages : Andrés S.Galiàn. Conception sonore : Pedro Guirao. Avec : Alicia Bernal, Brigida Molina, Estela Santos et Mario Moya. Une production de la compagnie Onirìca Mecànica, présentée au FIAMS les 25 et 26 juillet 2019.