Avec Les Idées lumière, la compagnie Nuages en pantalon fait le pari de faire se rencontrer théâtre et science, et même de vulgariser celle-ci pour les jeunes de 8 à 12 ans. Et le moins que l’on puisse dire est que l’objectif est atteint et même dépassé : c’est non seulement la science qui est vulgarisée, mais surtout le théâtre, qui se donne à découvrir dans ce qu’il a de plus ludique et accessible, tout en restant exigeant.
L’enthousiasme et l’attention du public sont très vite acquis dans la salle bondée des Gros Becs. Le texte de Véronique Côté est précis, souvent technique, mais surtout poétique, semblant vraiment être écrit au plus près de ces amusants numéros de chimie, tout en posant de belles questions sur le théâtre, sur la pensée, sur notre société — l’évocation de Marie Curie donne ainsi l’occasion de se questionner sur la place des femmes en science ; on nous rappelle d’ailleurs que, depuis 1901, il y a eu 616 prix Nobel, dont seulement 20 ont été attribués à des femmes, soit un ratio de 3 % —, et dévoilant magnifiquement comment un récit de théâtre peut se déployer, à partir de quels prétextes, objets, remarques, accessoires, etc. La mise en scène de Jean-Philippe Joubert sert cela avec brio, alternant les tableaux, provoquant des ruptures — on est parfois comme sur le plateau de tournage d’une émission ou d’un film— et faisant image de tout.
« Comment ça commence ? » « C’est la grande question ! »
Le dispositif nous plonge dans un laboratoire de spectacle autant que de chimie : toutes sortes de caisses à roulettes, petites tables, tapis roulés et accessoires sont en attente, à vue, autour de la scène, elle-même bordée d’un grand écran suspendu et de deux micros sur pieds. Arrivent Albert et Mileva (en hommage à Albert Einstein et à son épouse), qui vont jouer de confusion en se présentant : scientifiques venant vers le théâtre ou comédien·nes jouant aux scientifiques ? Ils enfilent des blouses après s’être demandé : « Comment ça commence ? » « C’est la grande question ! », répond Mileva. « Oui, mais comment ça commence maintenant ? », demande Albert qui parle tout autant de la représentation en cours que du Big Bang. Ils se lancent après avoir annoncé leur programme : sortir de leurs grosses caisses des idées lumière pour faire des expériences et des explosions dans nos cerveaux.
Les expériences en question vont chacune être l’occasion d’un récit, d’un dispositif et d’une chute, souvent spectaculaire : explosion d’un nuage célébrant la rencontre du chaud et du froid, envol d’anneaux de fumée, jaillissement hors des éprouvettes et des flacons d’étranges structures de mousses colorées, représentant les « idées lumière ». Ou encore soufflage des bougies du gâteau (gâteau au curry créé en hommage à Marie Curie) avec du CO2 fabriqué dans un pot de verre, à l’aide de bicarbonate de soude et de vinaigre. Précisons qu’il s’agit de fantômes cuisiniers (les interprètes jouant sous des draps), qui ne peuvent donc pas souffler, d’où la création d’un souffle en bocal.
« La dynamique des fluides », tableau onirique, présente un jeu de dispersion de couleur sur du lait, dès qu’un bâton en touche la surface — on nous explique dans le programme, comme pour nous encourager à le refaire à la maison, qu’il a été enduit de savon à vaisselle. Une caméra filme du dessus l’expérience en cours. Tandis que les taches de couleurs créent des motifs changeants, les deux personnages se questionnent pour savoir « comment naissent les idées », « comment avoir des idées nouvelles à partir de ce que l’on connaît déjà », etc.
La séquence mettant en scène Éric le jujube voyageur est à la fois drôle et réalisée de manière efficace par le truchement d’un petit décor, d’une caméra et d’une chaise à roulettes, qui permettra de créer un travelling. Perché sur un bol rempli de bonbons, Éric cherche un autre destin que celui de simplement finir en don d’énergie dans le corps de la personne qui le mangera. Il fait la rencontre d’un vieux jujube yogi qui l’invite dans le jardin des légumes oubliés, mais lui poursuit sa route pour atteindre « Youpi Margarine », une station scientifique, où il va être transformé en lumière – en idée lumière pourrait-on dire – dans un tube de verre chauffé au chalumeau.
On se laisse vite prendre au jeu des manipulations scientifiques et langagières du spectacle, qui séduit tout autant par la magie sortant des éprouvettes que par le récit, qui touche à toutes sortes de sujets sans en avoir l’air et sans jamais être explicatif, mais, au contraire, en suscitant émerveillement et curiosité.
Idéation et création : Véronique Côté, Claudia Gendreau, Marie-Hélène Lalande et Jean-Philippe Joubert. Texte : Véronique Côté. Conception de l’espace, des costumes et des accessoires : Claudia Gendreau. Conception sonore : Frédéric Brunet. Conception vidéo : Jean-Philippe Côté. Conception des éclairages : Jean-Philippe Joubert, assisté de Gabriel Bourget Harvey. Avec Valérie Laroche et Jonathan Gagnon. Une production de Nuages en pantalon – compagnie de création, présentée au Théâtre Le Gros Becs jusqu’au 13 novembre 2019, puis à la Maison Théâtre du 19 au 30 novembre 2019.
Avec Les Idées lumière, la compagnie Nuages en pantalon fait le pari de faire se rencontrer théâtre et science, et même de vulgariser celle-ci pour les jeunes de 8 à 12 ans. Et le moins que l’on puisse dire est que l’objectif est atteint et même dépassé : c’est non seulement la science qui est vulgarisée, mais surtout le théâtre, qui se donne à découvrir dans ce qu’il a de plus ludique et accessible, tout en restant exigeant.
L’enthousiasme et l’attention du public sont très vite acquis dans la salle bondée des Gros Becs. Le texte de Véronique Côté est précis, souvent technique, mais surtout poétique, semblant vraiment être écrit au plus près de ces amusants numéros de chimie, tout en posant de belles questions sur le théâtre, sur la pensée, sur notre société — l’évocation de Marie Curie donne ainsi l’occasion de se questionner sur la place des femmes en science ; on nous rappelle d’ailleurs que, depuis 1901, il y a eu 616 prix Nobel, dont seulement 20 ont été attribués à des femmes, soit un ratio de 3 % —, et dévoilant magnifiquement comment un récit de théâtre peut se déployer, à partir de quels prétextes, objets, remarques, accessoires, etc. La mise en scène de Jean-Philippe Joubert sert cela avec brio, alternant les tableaux, provoquant des ruptures — on est parfois comme sur le plateau de tournage d’une émission ou d’un film— et faisant image de tout.
« Comment ça commence ? » « C’est la grande question ! »
Le dispositif nous plonge dans un laboratoire de spectacle autant que de chimie : toutes sortes de caisses à roulettes, petites tables, tapis roulés et accessoires sont en attente, à vue, autour de la scène, elle-même bordée d’un grand écran suspendu et de deux micros sur pieds. Arrivent Albert et Mileva (en hommage à Albert Einstein et à son épouse), qui vont jouer de confusion en se présentant : scientifiques venant vers le théâtre ou comédien·nes jouant aux scientifiques ? Ils enfilent des blouses après s’être demandé : « Comment ça commence ? » « C’est la grande question ! », répond Mileva. « Oui, mais comment ça commence maintenant ? », demande Albert qui parle tout autant de la représentation en cours que du Big Bang. Ils se lancent après avoir annoncé leur programme : sortir de leurs grosses caisses des idées lumière pour faire des expériences et des explosions dans nos cerveaux.
Les expériences en question vont chacune être l’occasion d’un récit, d’un dispositif et d’une chute, souvent spectaculaire : explosion d’un nuage célébrant la rencontre du chaud et du froid, envol d’anneaux de fumée, jaillissement hors des éprouvettes et des flacons d’étranges structures de mousses colorées, représentant les « idées lumière ». Ou encore soufflage des bougies du gâteau (gâteau au curry créé en hommage à Marie Curie) avec du CO2 fabriqué dans un pot de verre, à l’aide de bicarbonate de soude et de vinaigre. Précisons qu’il s’agit de fantômes cuisiniers (les interprètes jouant sous des draps), qui ne peuvent donc pas souffler, d’où la création d’un souffle en bocal.
« La dynamique des fluides », tableau onirique, présente un jeu de dispersion de couleur sur du lait, dès qu’un bâton en touche la surface — on nous explique dans le programme, comme pour nous encourager à le refaire à la maison, qu’il a été enduit de savon à vaisselle. Une caméra filme du dessus l’expérience en cours. Tandis que les taches de couleurs créent des motifs changeants, les deux personnages se questionnent pour savoir « comment naissent les idées », « comment avoir des idées nouvelles à partir de ce que l’on connaît déjà », etc.
La séquence mettant en scène Éric le jujube voyageur est à la fois drôle et réalisée de manière efficace par le truchement d’un petit décor, d’une caméra et d’une chaise à roulettes, qui permettra de créer un travelling. Perché sur un bol rempli de bonbons, Éric cherche un autre destin que celui de simplement finir en don d’énergie dans le corps de la personne qui le mangera. Il fait la rencontre d’un vieux jujube yogi qui l’invite dans le jardin des légumes oubliés, mais lui poursuit sa route pour atteindre « Youpi Margarine », une station scientifique, où il va être transformé en lumière – en idée lumière pourrait-on dire – dans un tube de verre chauffé au chalumeau.
On se laisse vite prendre au jeu des manipulations scientifiques et langagières du spectacle, qui séduit tout autant par la magie sortant des éprouvettes que par le récit, qui touche à toutes sortes de sujets sans en avoir l’air et sans jamais être explicatif, mais, au contraire, en suscitant émerveillement et curiosité.
Les Idées lumière
Idéation et création : Véronique Côté, Claudia Gendreau, Marie-Hélène Lalande et Jean-Philippe Joubert. Texte : Véronique Côté. Conception de l’espace, des costumes et des accessoires : Claudia Gendreau. Conception sonore : Frédéric Brunet. Conception vidéo : Jean-Philippe Côté. Conception des éclairages : Jean-Philippe Joubert, assisté de Gabriel Bourget Harvey. Avec Valérie Laroche et Jonathan Gagnon. Une production de Nuages en pantalon – compagnie de création, présentée au Théâtre Le Gros Becs jusqu’au 13 novembre 2019, puis à la Maison Théâtre du 19 au 30 novembre 2019.