Critiques

Blizzard : Jouer avec l’hiver

Frederique Menard Aubin

La compagnie de cirque contemporain FLIP Fabrique n’en est plus à son premier tour de piste. Forte de ses succès internationaux Attrape-moi (2012) et Transit (2016), elle a su s’inscrire profondément dans l’ADN de sa ville d’origine grâce aux spectacles gratuits Crépuscule et Féria, présentés dans l’Agora du port de Québec entre 2015 et 2018. Cette fois-ci, elle convie un public de tous âges à une nouvelle création inspirée de l’hiver : Blizzard. Malgré sa thématique plutôt glaciale, une réelle chaleur s’en dégage, qui rappellera aux personnes qui y assistent leurs bons souvenirs d’enfance, mais aussi que la vie ne s’arrête pas durant la saison froide.

C’est le son d’une vieille radio qui ouvre le bal, recouvrant les bruits du vent qui siffle dehors. La même radio que l’on écoutait tôt le matin, malgré la friture et les aiguës mal équilibrées, pour savoir si la tempête  de la veille avait été suffisamment importante pour fermer les écoles, histoire de rester à la maison et de s’amuser, dans la neige, avec ses ami·es du voisinage. Cette radio revient plusieurs fois et sert à introduire les intermèdes clownesques. Comme l’émetteur de ces avis est le « Ministère canadien du froid, de la froidure et du brrrr », on sait que l’information qu’elle diffuse est, bien entendu, juste et officielle. La voix du présentateur ressemble d’ailleurs à celle d’un certain personnage nommé Sol et les jeux de mots qui parsèment ses messages sont autant de clins d’œil à ce clown bien connu des Québécois·es, ajoutant un parfum de nostalgie à l’ensemble de la représentation.

Frederique Menard Aubin

Sur scène, les sept artistes enchaînent acrobaties au sol et aériennes avec un enthousiasme communicateur. Dans cette ambiance bon enfant, les images créées convoquent une poésie sobre, mais efficace. En effet, la force de cette production réside certainement dans sa simplicité. Se succèdent des tours d’équilibrisme, de main à main et de pyramides humaines, de gymnastique, de cerceaux, de jonglerie, de corde à sauter, de trampoline et de patins. Face à la joie évidente que les interprètes affichent, on serait tenté·e de les rejoindre pour se lancer des balles de neige ou s’essayer à une cabriole. Le ton est léger, mais les émotions sont parfois fortes durant les  beaux numéros de sangles aériennes et de trampomur.

L’élément central du décor est cet impressionnant prisme rectangulaire qui prend une bonne partie de l’espace et avec lequel les acrobates s’amusent. Si, au départ, cette structure semble être la boîte dans laquelle on enferme les idées noires qu’amène le mauvais temps, elle devient très vite un terrain de jeu de plus en plus polyvalent ; on en retire les parois, on y jongle, on l’escalade, on la change de position dans un ballet qui lui fait perdre son caractère massif du départ. On pourrait y voir une sorte de cristallisation du propos de Blizzard qui nous montre bien que l’attitude adoptée face à l’hiver peut modifier la façon que l’on a de le vivre. Une tempête de neige peut être vue comme un inconvénient majeur, un arrêt imposé par la nature, mais elle peut aussi être l’occasion de s’entraider, de se retrouver en bonne compagnie et de passer un moment en dehors du temps, tout simplement.

La musique est certainement l’élément qui amène le plus de cohérence aux performances en leur servant de fil conducteur. Le multi-instrumentiste Ben Nesrallah demeure sur scène du début à la fin et apporte à l’ensemble un lyrisme toujours bien dosé, tout en réussissant à changer l’ambiance en un tournemain. Le plus souvent assis à un piano droit que les autres artistes roulent d’un endroit à un autre, il prend parfois le micro pour siffler un air, accompagné de sa guitare. Cette musique, toujours interprétée avec simplicité et ludisme, magnifie le jeu des artistes et fait mieux passer les intermèdes clownesques, sympathiques, certes, mais moins réussis que le reste.

Somme toute, FLIP Fabrique nous propose un spectacle vivifiant, léger et poétique qui saura satisfaire toute la famille durant le temps des fêtes.

Blizzard

Concept original : FLIP Fabrique. Direction artistique : Bruno Gagnon. Mise en scène : Olivier Normand. Direction technique : Martin Gauthier. Coordination technique : Pascal Lacas. Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey. Costumes : Erica Schmitz. Éclairages : Caroline Ross. Musique : Ben Nesrallah. Avec Camila Comin, Bruno Gagnon, William Jutras, Jack McGarr, Justine Méthé-Crozat, Ben Nesrallah, Hugo Ouellet-Côté et Samuel Ramos. Une production de FLIP Fabrique présentée à la Tohu jusqu’au 5 janvier 2020.