Nos téléphones intelligents à la main, nous faisons face quotidiennement à une surabondance d’informations, qui s’intensifie après chaque catastrophe naturelle, attaque terroriste, opération militaire. Les dates de commémoration d’événements tragiques se multiplient sur nos calendriers. Sommes-nous tous, à divers degrés, atteints du trouble de stress post-traumatique? L’autrice et metteuse en scène Michelle Parent est persuadée que notre relation à la terreur change. Fascinée par la question, elle a choisi d’en faire la prémisse de sa pièce Le Sixième Sens. L’artiste y présente les survivant·es de tragédies comme des super-héros et des super-héroïnes, et leur hypervigilance comme un pouvoir surnaturel.
Pendant deux ans, Michelle Parent a animé des ateliers de création avec une cinquantaine de personnes ayant vécu des expériences dramatiques. De ces séances, elle a tiré des témoignages, qu’elle a montés pour créer Le Sixième Sens.
Le salon de l’état d’alerte
Pour pénétrer dans l’enceinte du Paniccon international de Montréal, on doit se soumettre à un contrôle de sécurité. N’accède pas qui veut à la première convention pour geeks de la panique, qui propose performances, séances de signatures et produits dérivés.
Alors que le public prend place dans les gradins de la salle V.I.P., des musiciens jouent Everybody Hurts de R.E.M. à la guitare acoustique. Les têtes d’affiche du Paniccon poussent la note au micro. Puis, un bruit assourdissant surgit des haut-parleurs, suivi de la voix de la porte-parole du salon, qui teste l’équipement avant de monter sur scène. En une fraction de seconde, tous les artistes se cachent, se préparant au pire. Fausse alerte.
Dans les coulisses, les vedettes de la foire ne sont pas là pour se confier sur les événements dramatiques qu’elles ont vécus. Elles sont aujourd’hui des miraculées qui doivent composer avec des symptômes physiques et psychologiques, pouvant être déclenchés par un son, une odeur, une impression que quelque chose ne tourne pas rond. Une acuité sensorielle hors du commun, digne des superhéros et superhéroïnes. En musique, en danse, en poésie, par le biais d’un quiz ou d’une table ronde, Bulletproof, Phoenix, Visions et leurs acolytes racontent leur quotidien particulier et comment ils ont transformé leur peur en superpouvoir.
Depuis une décennie, Pirata Théâtre initie des rencontres entre des interprètes professionnels et la population autour d’enjeux de société. Il y a eu La Maison sur les femmes en difficulté, Les Bienheureux sur les dépendances, La Consolation sur les dérives du système capitaliste. Les créations de la directrice artistique Michelle Parent sont multidisciplinaires, expressionnistes et teintées d’un humour grinçant. Elle tend le porte-voix aux communautés marginalisées pour faire connaître leurs histoires.
Dans Le Sixième Sens, on voit cinq citoyen·nes fouler les planches, soutenu·es par des artistes professionnels, pour la plupart des fidèles de Pirata Théâtre. Un choix judicieux puisque ces derniers font preuve d’une grande capacité d’adaptation, assurant ainsi à l’ensemble un niveau de jeu harmonieux et juste.
La bande évolue dans un univers bédéesque des plus colorés. La mise en scène est dynamique et multiplie les procédés scénographiques : de la musique, des chorégraphies, un décor orné de « pow! » et de « bang! » cartonnés, des protagonistes vêtus de vestes pare-balles et de capes soyeuses. La production emprunte même au théâtre d’objets, alors que les personnages manipulent des figurines à leur effigie dans plusieurs scènes.
En résulte un spectacle ludique, truffé de références à la culture populaire. Toutefois, si l’œuvre en met plein la vue et les oreilles, son texte ne nous semble pas abouti. Les répliques, composées de témoignages de dizaines de participant·es aux ateliers de Pirata Théâtre, semblent avoir été attribuées aléatoirement parmi la distribution. La simplicité des propos les rend accessibles à tous, certes, mais on aurait gagné à les étoffer pour éviter les redondances.
Dans Le Sixième Sens, on ne nous explique pas comment surmonter un traumatisme. On nomme la peur, pour ensuite en faire quelque chose de beau. Plutôt que de poser les survivant·es des tragédies en victimes, on leur rend hommage pour leur courage. En cela, la pièce de Michelle Parent tient davantage du rituel et prend la forme d’un exorcisme des angoisses individuelles et collectives. Si l’actualité ne nous permet guère d’envisager un avenir rose pour notre planète, nous ferons face aux obstacles tous ensemble, armés de nos super-pouvoirs.
Écriture de plateau, mise en scène et montage des textes : Michelle Parent. Avec Nathalie Claude, Salma Bensouda, Dave Courage, Frédéric Ferland, Jean-Matthieu Ferland, Simon Legris, Mathieu Leroux, Xavier Malo, Joseph Martin, Annie Ménard, Jenny Migneault, Véronique Pascal et Annie Vallin. Assistance et conseil chorégraphique : Marie-Ève Archambault. Scénographie, accessoires et costumes : Claire Renaud. Conception sonore : Marie-Ève Archambault, Michelle Parent et Samuel Thériault. Direction technique : Samuel Thériault. Éclairages : Andréanne Deschênes. Une production Pirata Théâtre, présentée au Théâtre Denise-Pelletier, jusqu’au 8 février.
Nos téléphones intelligents à la main, nous faisons face quotidiennement à une surabondance d’informations, qui s’intensifie après chaque catastrophe naturelle, attaque terroriste, opération militaire. Les dates de commémoration d’événements tragiques se multiplient sur nos calendriers. Sommes-nous tous, à divers degrés, atteints du trouble de stress post-traumatique? L’autrice et metteuse en scène Michelle Parent est persuadée que notre relation à la terreur change. Fascinée par la question, elle a choisi d’en faire la prémisse de sa pièce Le Sixième Sens. L’artiste y présente les survivant·es de tragédies comme des super-héros et des super-héroïnes, et leur hypervigilance comme un pouvoir surnaturel.
Pendant deux ans, Michelle Parent a animé des ateliers de création avec une cinquantaine de personnes ayant vécu des expériences dramatiques. De ces séances, elle a tiré des témoignages, qu’elle a montés pour créer Le Sixième Sens.
Le salon de l’état d’alerte
Pour pénétrer dans l’enceinte du Paniccon international de Montréal, on doit se soumettre à un contrôle de sécurité. N’accède pas qui veut à la première convention pour geeks de la panique, qui propose performances, séances de signatures et produits dérivés.
Alors que le public prend place dans les gradins de la salle V.I.P., des musiciens jouent Everybody Hurts de R.E.M. à la guitare acoustique. Les têtes d’affiche du Paniccon poussent la note au micro. Puis, un bruit assourdissant surgit des haut-parleurs, suivi de la voix de la porte-parole du salon, qui teste l’équipement avant de monter sur scène. En une fraction de seconde, tous les artistes se cachent, se préparant au pire. Fausse alerte.
Dans les coulisses, les vedettes de la foire ne sont pas là pour se confier sur les événements dramatiques qu’elles ont vécus. Elles sont aujourd’hui des miraculées qui doivent composer avec des symptômes physiques et psychologiques, pouvant être déclenchés par un son, une odeur, une impression que quelque chose ne tourne pas rond. Une acuité sensorielle hors du commun, digne des superhéros et superhéroïnes. En musique, en danse, en poésie, par le biais d’un quiz ou d’une table ronde, Bulletproof, Phoenix, Visions et leurs acolytes racontent leur quotidien particulier et comment ils ont transformé leur peur en superpouvoir.
Depuis une décennie, Pirata Théâtre initie des rencontres entre des interprètes professionnels et la population autour d’enjeux de société. Il y a eu La Maison sur les femmes en difficulté, Les Bienheureux sur les dépendances, La Consolation sur les dérives du système capitaliste. Les créations de la directrice artistique Michelle Parent sont multidisciplinaires, expressionnistes et teintées d’un humour grinçant. Elle tend le porte-voix aux communautés marginalisées pour faire connaître leurs histoires.
Dans Le Sixième Sens, on voit cinq citoyen·nes fouler les planches, soutenu·es par des artistes professionnels, pour la plupart des fidèles de Pirata Théâtre. Un choix judicieux puisque ces derniers font preuve d’une grande capacité d’adaptation, assurant ainsi à l’ensemble un niveau de jeu harmonieux et juste.
La bande évolue dans un univers bédéesque des plus colorés. La mise en scène est dynamique et multiplie les procédés scénographiques : de la musique, des chorégraphies, un décor orné de « pow! » et de « bang! » cartonnés, des protagonistes vêtus de vestes pare-balles et de capes soyeuses. La production emprunte même au théâtre d’objets, alors que les personnages manipulent des figurines à leur effigie dans plusieurs scènes.
En résulte un spectacle ludique, truffé de références à la culture populaire. Toutefois, si l’œuvre en met plein la vue et les oreilles, son texte ne nous semble pas abouti. Les répliques, composées de témoignages de dizaines de participant·es aux ateliers de Pirata Théâtre, semblent avoir été attribuées aléatoirement parmi la distribution. La simplicité des propos les rend accessibles à tous, certes, mais on aurait gagné à les étoffer pour éviter les redondances.
Dans Le Sixième Sens, on ne nous explique pas comment surmonter un traumatisme. On nomme la peur, pour ensuite en faire quelque chose de beau. Plutôt que de poser les survivant·es des tragédies en victimes, on leur rend hommage pour leur courage. En cela, la pièce de Michelle Parent tient davantage du rituel et prend la forme d’un exorcisme des angoisses individuelles et collectives. Si l’actualité ne nous permet guère d’envisager un avenir rose pour notre planète, nous ferons face aux obstacles tous ensemble, armés de nos super-pouvoirs.
Le Sixième Sens
Écriture de plateau, mise en scène et montage des textes : Michelle Parent. Avec Nathalie Claude, Salma Bensouda, Dave Courage, Frédéric Ferland, Jean-Matthieu Ferland, Simon Legris, Mathieu Leroux, Xavier Malo, Joseph Martin, Annie Ménard, Jenny Migneault, Véronique Pascal et Annie Vallin. Assistance et conseil chorégraphique : Marie-Ève Archambault. Scénographie, accessoires et costumes : Claire Renaud. Conception sonore : Marie-Ève Archambault, Michelle Parent et Samuel Thériault. Direction technique : Samuel Thériault. Éclairages : Andréanne Deschênes. Une production Pirata Théâtre, présentée au Théâtre Denise-Pelletier, jusqu’au 8 février.