Cinq ans après nous avoir offert un Misanthrope résolument moderne qui fut d’ailleurs très bien reçu, Michel Monty nous propose une relecture fort singulière de la dernière pièce du grand auteur français.
Au lever du rideau, on découvre Argan à la barbe hirsute, guêtres aux chevilles et tuque du Canadien sur la tête, avachi dans un fauteuil inclinable et pivotant au beau milieu d’un décor kitsch et suranné, tout en étant doté d’éléments de domotique. Le ton est donné. Les références au lieu et à l’époque étant à géométrie variable, toutes les fantaisies sont alors possibles. À commencer par cette immense pharmacie ambulante, débordante de flacons, de fioles et de quincaillerie paramédicale, indispensables au célèbre hypocondriaque, surplombée par un escalier démesuré laissant libre cours à des descentes et des ascensions tantôt burlesques, tantôt quasi-hollywoodiennes. L’espace central est accessible par de nombreuses portes, à l’étage comme au rez-de-chaussée, permettant des entrées et des sorties aussi étonnantes que les personnages qui les empruntent.
De Toinette au Docteur Purgon, en passant par Angélique et Cléante, tous et toutes semblent issu·es d’une improbable bande dessinée, tant les accoutrements sont colorés. Que ce soit Béline, la vamp, aux robes seyantes et scintillantes ou encore le Docteur Diafoirus (suave Patrice Coquereau) aux allures de Nosferatu, crâne rasé et tout de noir vêtu ; costumes, maquillages, coiffures et dégaines concourent à provoquer surprise et rires.
Les tableaux se succèdent à un rythme effréné dans cette version amputée de plusieurs scènes. Le feu roulant donne l’occasion aux interprètes de s’éclater autour d’un Luc Guérin, en Argan assailli de tics nerveux irrésistibles. À noter, le jeu allumé de Frédérick Tremblay interprétant un Thomas Diafoirus bègue, gauche et maladivement timide, ainsi que celui d’Émilie Lajoie qui incarne une Béline superficielle à souhait (mais diable, pourquoi lui avoir imposé ce lourd accent québécois ?).
Le tout est soutenu par deux musiciens judicieusement camouflés derrière un tulle qui, selon l’éclairage, nous propose une immense vue des Rocheuses où Argan aspire l’air bénéfique à sa santé. Ils battent la mesure et ponctuent les scènes par des airs aussi variés qu’étonnants. Toujours côté musique, soulignons cet autre clin d’œil inénarrable à la culture populaire d’ici, alors que des ménestrels, à la demande de Béralde, entonnent pour Argan, le succès de la Bolduc : « J’ai un bouton sur le bout de la langue ».
Effets secondaires
Personne ne boudera son plaisir devant ce Malade imaginaire hyperactif, dopé d’effets sonores (borborygmes, flatulences et éructations amplifiées) et visuels (scénographie et éclairages imaginatifs). Cependant, occultés par autant d’artifices, la verve et le verbe de Molière sont relégués au second plan. Ainsi, les manigances et quiproquos, qui constituent les ressorts essentiels à la mécanique de l’œuvre, en pâtissent beaucoup. Il en résulte un spectacle qui manque de mordant et de causticité.
Ironiquement, la célèbre cérémonie bouffonne de la fin de la pièce qui souligne l’intronisation d’Argan à la médecine s’avère ici la plus convenue et la moins imaginative de la représentation. Ce Malade imaginaire souffre-t-il d’essoufflement ou ressent-il les effets secondaires d’une surdose d’extravagances ?
Texte : Molière. Mise en scène : Michel Monty. Assistance à la mise en scène : Élaine Normandeau. Avec Anne-Marie Binette, Violette Chauveau, Patrice Coquereau, Luc Guérin, Émilie Lajoie, Didier Lucien, Benoit Mauffette, Maxime Mompérousse et Frédérick Tremblay. Musiciens : Bruno Rouyère et Matthias Soly-Letarte. Décors : Guillaume Lord. Costumes : Marc Senécal. Accessoires : Julie Measroch. Éclairages : Étienne Boucher. Musique : Bruno Rouyère. Maquillages et coiffures : Florence Cornet. Au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 29 février 2020.
Cinq ans après nous avoir offert un Misanthrope résolument moderne qui fut d’ailleurs très bien reçu, Michel Monty nous propose une relecture fort singulière de la dernière pièce du grand auteur français.
Au lever du rideau, on découvre Argan à la barbe hirsute, guêtres aux chevilles et tuque du Canadien sur la tête, avachi dans un fauteuil inclinable et pivotant au beau milieu d’un décor kitsch et suranné, tout en étant doté d’éléments de domotique. Le ton est donné. Les références au lieu et à l’époque étant à géométrie variable, toutes les fantaisies sont alors possibles. À commencer par cette immense pharmacie ambulante, débordante de flacons, de fioles et de quincaillerie paramédicale, indispensables au célèbre hypocondriaque, surplombée par un escalier démesuré laissant libre cours à des descentes et des ascensions tantôt burlesques, tantôt quasi-hollywoodiennes. L’espace central est accessible par de nombreuses portes, à l’étage comme au rez-de-chaussée, permettant des entrées et des sorties aussi étonnantes que les personnages qui les empruntent.
De Toinette au Docteur Purgon, en passant par Angélique et Cléante, tous et toutes semblent issu·es d’une improbable bande dessinée, tant les accoutrements sont colorés. Que ce soit Béline, la vamp, aux robes seyantes et scintillantes ou encore le Docteur Diafoirus (suave Patrice Coquereau) aux allures de Nosferatu, crâne rasé et tout de noir vêtu ; costumes, maquillages, coiffures et dégaines concourent à provoquer surprise et rires.
Les tableaux se succèdent à un rythme effréné dans cette version amputée de plusieurs scènes. Le feu roulant donne l’occasion aux interprètes de s’éclater autour d’un Luc Guérin, en Argan assailli de tics nerveux irrésistibles. À noter, le jeu allumé de Frédérick Tremblay interprétant un Thomas Diafoirus bègue, gauche et maladivement timide, ainsi que celui d’Émilie Lajoie qui incarne une Béline superficielle à souhait (mais diable, pourquoi lui avoir imposé ce lourd accent québécois ?).
Le tout est soutenu par deux musiciens judicieusement camouflés derrière un tulle qui, selon l’éclairage, nous propose une immense vue des Rocheuses où Argan aspire l’air bénéfique à sa santé. Ils battent la mesure et ponctuent les scènes par des airs aussi variés qu’étonnants. Toujours côté musique, soulignons cet autre clin d’œil inénarrable à la culture populaire d’ici, alors que des ménestrels, à la demande de Béralde, entonnent pour Argan, le succès de la Bolduc : « J’ai un bouton sur le bout de la langue ».
Effets secondaires
Personne ne boudera son plaisir devant ce Malade imaginaire hyperactif, dopé d’effets sonores (borborygmes, flatulences et éructations amplifiées) et visuels (scénographie et éclairages imaginatifs). Cependant, occultés par autant d’artifices, la verve et le verbe de Molière sont relégués au second plan. Ainsi, les manigances et quiproquos, qui constituent les ressorts essentiels à la mécanique de l’œuvre, en pâtissent beaucoup. Il en résulte un spectacle qui manque de mordant et de causticité.
Ironiquement, la célèbre cérémonie bouffonne de la fin de la pièce qui souligne l’intronisation d’Argan à la médecine s’avère ici la plus convenue et la moins imaginative de la représentation. Ce Malade imaginaire souffre-t-il d’essoufflement ou ressent-il les effets secondaires d’une surdose d’extravagances ?
Le Malade imaginaire
Texte : Molière. Mise en scène : Michel Monty. Assistance à la mise en scène : Élaine Normandeau. Avec Anne-Marie Binette, Violette Chauveau, Patrice Coquereau, Luc Guérin, Émilie Lajoie, Didier Lucien, Benoit Mauffette, Maxime Mompérousse et Frédérick Tremblay. Musiciens : Bruno Rouyère et Matthias Soly-Letarte. Décors : Guillaume Lord. Costumes : Marc Senécal. Accessoires : Julie Measroch. Éclairages : Étienne Boucher. Musique : Bruno Rouyère. Maquillages et coiffures : Florence Cornet. Au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 29 février 2020.