Courir l’Amérique est né de la lecture, par le comédien Alexandre Castonguay, des livres Ils ont couru l’Amérique et Elles ont fait l’Amérique, de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, eux-mêmes inspirés de la passionnante émission radiophonique de Radio-Canada De remarquables oubliés, animée par Serge Bouchard. L’auteur et l’autrice y dressent le portrait de celles et ceux qui ont construit l’Amérique sans pour autant passer à la postérité.
Stimulé par ces lectures, Castonguay a décidé de partir à la rencontre d’artistes et de citoyen·nes proches du territoire à travers le Canada, dans une quête à la fois historique et existentielle, qui nous est présentée sur scène, et qui sert de prétexte à une réflexion sur la mémoire individuelle et collective, et sur ce qui se cache derrière les oublis, volontaires ou non.
Toute la difficulté de ce projet résidait dans le fait de trouver un fil conducteur entre les portraits hétéroclites de ces oublié·es de l’histoire, ainsi qu’entre eux et l’histoire personnelle du comédien, son rapport intime à la mémoire, sur fond d’épilepsie causant de brèves périodes d’amnésie. Et c’est justement là que le spectacle n’a pas réussi son pari. Les scènes se succèdent sans lien, et sans que le public comprenne bien où on veut l’amener.
Au micro, les comédien·nes nous parlent d’Étienne Brûlé, un coureur des bois qui fut accusé de trahison par Samuel de Champlain, de Marie-Anne Lagimodière, née Gaboury (grand-mère de Louis Riel), qui fut la première femme blanche à explorer l’Ouest canadien, ou de Shanawdithit, dernière représentante connue de la nation Béothuk, à Terre-Neuve, et dernier témoin de la vie de ce peuple. Malheureusement, ces portraits, à peine ébauchés et présentés sans fougue, ne prennent pas vie, et le côté épique ou remarquable de leur parcours ne ressort pas. Quand Patrice Dubois s’écrie « Crisse, j’vois rien! », force est de constater que nous non plus.
Dans une tentative de mise en abyme peu concluante, le spectacle est présenté comme une session de recherche-création : le plateau dénudé évoque une salle de répétition, et les comédien·nes s’interrompent les un·es les autres pour émettre des commentaires ou se questionner. Le rôle principal de Soleil Launière consiste à placer ses acolytes devant le fait que leur perception de l’histoire est biaisée et à mettre en lumière les conséquences que le passé a dans le présent. À plusieurs reprises, elle nous rappelle ainsi le nom de Sindy Ruperthouse – l’une des trop nombreuses femmes autochtones dont la disparition n’a jamais été élucidée –, qui mérite lui aussi de ne pas être oublié.
Dans l’idée que nous sommes tou·tes à la fois les témoins et les faiseurs et faiseuses de l’histoire, des citoyen·nes sont invité·es dans le spectacle. Au cours d’une scène qui évoque le jeu du téléphone arabe, ils et elles relatent chacun·e à leur tour l’histoire de Susan La Flesche Picotte, première femme médecin autochtone des États-Unis. Chaque fois qu’une nouvelle personne prend la parole, les faits sont modifiés, des éléments sont ajoutés, d’autres oubliés. Cet exercice, qui vise, semble-t-il, à démontrer que l’histoire se transforme au fur et à mesure qu’elle est racontée, est une bonne idée sur le papier, mais donne lieu en pratique à une scène laborieuse, qui paraît interminable.
Au final, les questions posées dans ce spectacle sont certes pertinentes, mais elles ne sont pas exposées sous forme d’un tout cohérent et abouti. En sortant de la salle, on a réellement l’impression d’avoir assisté à un travail de recherche encore en cours et loin d’être terminé.
Texte : Alexandre Castonguay, Patrice Dubois et Soleil Launière, d’après les livres Ils ont couru l’Amérique et Elles ont fait l’Amérique de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque. Mise en scène : Patrice Dubois et Soleil Launière. Assistance à la mise en scène : Adèle Saint-Amand. Avec Alexandre Castonguay, Patrice Dubois et Soleil Launière et la présence de citoyens sur scène. Décor : Pierre-Étienne Locas. Costumes : Estelle Charron. Composition : Ludovic Bonnier. Éclairages : Letitia Hamaoui. Conception vidéo : Dominique Hawry. Soutien dramaturgique et collaboration à l’écriture : Sophie Devirieux. Une production du théâtre PÀP présentée au Théâtre de Quat’sous jusqu’au 28 mars 2020.
Courir l’Amérique est né de la lecture, par le comédien Alexandre Castonguay, des livres Ils ont couru l’Amérique et Elles ont fait l’Amérique, de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, eux-mêmes inspirés de la passionnante émission radiophonique de Radio-Canada De remarquables oubliés, animée par Serge Bouchard. L’auteur et l’autrice y dressent le portrait de celles et ceux qui ont construit l’Amérique sans pour autant passer à la postérité.
Stimulé par ces lectures, Castonguay a décidé de partir à la rencontre d’artistes et de citoyen·nes proches du territoire à travers le Canada, dans une quête à la fois historique et existentielle, qui nous est présentée sur scène, et qui sert de prétexte à une réflexion sur la mémoire individuelle et collective, et sur ce qui se cache derrière les oublis, volontaires ou non.
Toute la difficulté de ce projet résidait dans le fait de trouver un fil conducteur entre les portraits hétéroclites de ces oublié·es de l’histoire, ainsi qu’entre eux et l’histoire personnelle du comédien, son rapport intime à la mémoire, sur fond d’épilepsie causant de brèves périodes d’amnésie. Et c’est justement là que le spectacle n’a pas réussi son pari. Les scènes se succèdent sans lien, et sans que le public comprenne bien où on veut l’amener.
Au micro, les comédien·nes nous parlent d’Étienne Brûlé, un coureur des bois qui fut accusé de trahison par Samuel de Champlain, de Marie-Anne Lagimodière, née Gaboury (grand-mère de Louis Riel), qui fut la première femme blanche à explorer l’Ouest canadien, ou de Shanawdithit, dernière représentante connue de la nation Béothuk, à Terre-Neuve, et dernier témoin de la vie de ce peuple. Malheureusement, ces portraits, à peine ébauchés et présentés sans fougue, ne prennent pas vie, et le côté épique ou remarquable de leur parcours ne ressort pas. Quand Patrice Dubois s’écrie « Crisse, j’vois rien! », force est de constater que nous non plus.
Dans une tentative de mise en abyme peu concluante, le spectacle est présenté comme une session de recherche-création : le plateau dénudé évoque une salle de répétition, et les comédien·nes s’interrompent les un·es les autres pour émettre des commentaires ou se questionner. Le rôle principal de Soleil Launière consiste à placer ses acolytes devant le fait que leur perception de l’histoire est biaisée et à mettre en lumière les conséquences que le passé a dans le présent. À plusieurs reprises, elle nous rappelle ainsi le nom de Sindy Ruperthouse – l’une des trop nombreuses femmes autochtones dont la disparition n’a jamais été élucidée –, qui mérite lui aussi de ne pas être oublié.
Dans l’idée que nous sommes tou·tes à la fois les témoins et les faiseurs et faiseuses de l’histoire, des citoyen·nes sont invité·es dans le spectacle. Au cours d’une scène qui évoque le jeu du téléphone arabe, ils et elles relatent chacun·e à leur tour l’histoire de Susan La Flesche Picotte, première femme médecin autochtone des États-Unis. Chaque fois qu’une nouvelle personne prend la parole, les faits sont modifiés, des éléments sont ajoutés, d’autres oubliés. Cet exercice, qui vise, semble-t-il, à démontrer que l’histoire se transforme au fur et à mesure qu’elle est racontée, est une bonne idée sur le papier, mais donne lieu en pratique à une scène laborieuse, qui paraît interminable.
Au final, les questions posées dans ce spectacle sont certes pertinentes, mais elles ne sont pas exposées sous forme d’un tout cohérent et abouti. En sortant de la salle, on a réellement l’impression d’avoir assisté à un travail de recherche encore en cours et loin d’être terminé.
Courir l’Amérique
Texte : Alexandre Castonguay, Patrice Dubois et Soleil Launière, d’après les livres Ils ont couru l’Amérique et Elles ont fait l’Amérique de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque. Mise en scène : Patrice Dubois et Soleil Launière. Assistance à la mise en scène : Adèle Saint-Amand. Avec Alexandre Castonguay, Patrice Dubois et Soleil Launière et la présence de citoyens sur scène. Décor : Pierre-Étienne Locas. Costumes : Estelle Charron. Composition : Ludovic Bonnier. Éclairages : Letitia Hamaoui. Conception vidéo : Dominique Hawry. Soutien dramaturgique et collaboration à l’écriture : Sophie Devirieux. Une production du théâtre PÀP présentée au Théâtre de Quat’sous jusqu’au 28 mars 2020.