Ce n’est pas sans fébrilité que l’on se rend au théâtre pour la première fois, après des mois de privation due à une pandémie mondiale. Encerclée de sièges drapés de noir, dans une salle pratiquement vide, on se sent envahie d’émotions contradictoires, à la fois privilégiée d’être là et triste de la dureté avec laquelle les arts de la scène ont été, et continuent d’être, affectés par la crise.
Quand Emmanuel Schwartz entre sur scène, c’est la joie qui l’emporte, et celle-ci perdure à mesure que le texte de Glen Berger, Zebrina. Une pièce à conviction, dans une traduction de Serge Lamothe, déploie son intrigue insolite et ses multiples couches de sens.
Difficile de choisir une pièce plus à propos, puisque l’unique personnage se présente sur une scène de théâtre à moitié vide pour y raconter son étrange histoire, et débute par un geste hautement symbolique dans les circonstances : éteindre la sentinelle, cette veilleuse sur pied, qui, selon la tradition, reste allumée entre deux représentations ou répétitions. Glen Berger lui-même avait dû retarder la création de son spectacle « Off‑Broadway » à l’automne 2001, en raison des attentats du 11 septembre.
Le metteur en scène François Girard (à qui l’on doit notamment Le Fusil de chasse, créé à l’Usine C en 2010) a d’ailleurs poussé la symbolique jusqu’à faire évoluer le personnage sur une scène qui semble véritablement à l’abandon, rampes de lumière abaissées, et qui est remise en état progressivement.
Schwartz incarne un bibliothécaire hollandais zélé et attaché à ses principes, qui, outré de tomber sur un guide de voyage rapporté avec 133 ans de retard, se lance sur les traces de l’emprunteur peu scrupuleux. Cette curiosité virant à l’obsession le conduira aux quatre coins du monde, en quête d’un personnage mythique, mais aussi de sa propre raison d’être.
Le comédien n’en est pas à son premier solo (on se souvient de sa prestation époustouflante dans Le Tigre bleu de l’Euphrate au Quat’Sous en 2018) et la preuve de son talent n’est plus à faire. On regrette toutefois que Girard ait jugé bon de lui faire adopter un faux accent néerlandais, qui nuit à la compréhension du texte et semble d’une autre époque.
Au-delà des péripéties factuelles du bibliothécaire voyageur, de son humour cinglant, et de sa capacité à créer un lien avec le public en l’impliquant dans son enquête, le texte propose un questionnement existentiel bien traduit dans les projections et la musique qui accompagnent les scènes : comment le passé subsiste-t-il dans le présent, quelle (petite) place avons-nous dans l’univers et quelles traces allons-nous laisser ? Ce voyage initiatique amènera finalement le narrateur à faire face à ses erreurs de parcours et à appréhender son désir de rébellion, lequel fait écho à certaines manifestations observables ces jours-ci en réaction à la restriction des libertés individuelles.
Notons que le spectacle est filmé et diffusé en direct sur le site web du Théâtre du Nouveau Monde et est ainsi accessible au plus grand nombre, malgré les places limitées dans la salle.
Texte : Glen Berger. Traduction et dramaturgie : Serge Lamothe. Mise en scène : François Girard. Assistance à la mise en scène et régie : Elaine Normandeau. Décor et accessoires : François Séguin. Costume : Renée April. Éclairages : Alain Lortie. Vidéo : Robert Massicotte. Musique : Alexander MacSween. Conseillère en diction : Marie‑Claude Lefebvre. Avec Emmanuel Schwartz. Une production du Théâtre du Nouveau Monde, en coproduction avec le Centre Segal des arts de la scène et le Théâtre français du Centre national des Arts (Ottawa), présentée au TNM et en webdiffusion simultanée jusqu’au 24 septembre 2020 (supplémentaires du 25 au 27 septembre).
Ce n’est pas sans fébrilité que l’on se rend au théâtre pour la première fois, après des mois de privation due à une pandémie mondiale. Encerclée de sièges drapés de noir, dans une salle pratiquement vide, on se sent envahie d’émotions contradictoires, à la fois privilégiée d’être là et triste de la dureté avec laquelle les arts de la scène ont été, et continuent d’être, affectés par la crise.
Quand Emmanuel Schwartz entre sur scène, c’est la joie qui l’emporte, et celle-ci perdure à mesure que le texte de Glen Berger, Zebrina. Une pièce à conviction, dans une traduction de Serge Lamothe, déploie son intrigue insolite et ses multiples couches de sens.
Difficile de choisir une pièce plus à propos, puisque l’unique personnage se présente sur une scène de théâtre à moitié vide pour y raconter son étrange histoire, et débute par un geste hautement symbolique dans les circonstances : éteindre la sentinelle, cette veilleuse sur pied, qui, selon la tradition, reste allumée entre deux représentations ou répétitions. Glen Berger lui-même avait dû retarder la création de son spectacle « Off‑Broadway » à l’automne 2001, en raison des attentats du 11 septembre.
Le metteur en scène François Girard (à qui l’on doit notamment Le Fusil de chasse, créé à l’Usine C en 2010) a d’ailleurs poussé la symbolique jusqu’à faire évoluer le personnage sur une scène qui semble véritablement à l’abandon, rampes de lumière abaissées, et qui est remise en état progressivement.
Schwartz incarne un bibliothécaire hollandais zélé et attaché à ses principes, qui, outré de tomber sur un guide de voyage rapporté avec 133 ans de retard, se lance sur les traces de l’emprunteur peu scrupuleux. Cette curiosité virant à l’obsession le conduira aux quatre coins du monde, en quête d’un personnage mythique, mais aussi de sa propre raison d’être.
Le comédien n’en est pas à son premier solo (on se souvient de sa prestation époustouflante dans Le Tigre bleu de l’Euphrate au Quat’Sous en 2018) et la preuve de son talent n’est plus à faire. On regrette toutefois que Girard ait jugé bon de lui faire adopter un faux accent néerlandais, qui nuit à la compréhension du texte et semble d’une autre époque.
Au-delà des péripéties factuelles du bibliothécaire voyageur, de son humour cinglant, et de sa capacité à créer un lien avec le public en l’impliquant dans son enquête, le texte propose un questionnement existentiel bien traduit dans les projections et la musique qui accompagnent les scènes : comment le passé subsiste-t-il dans le présent, quelle (petite) place avons-nous dans l’univers et quelles traces allons-nous laisser ? Ce voyage initiatique amènera finalement le narrateur à faire face à ses erreurs de parcours et à appréhender son désir de rébellion, lequel fait écho à certaines manifestations observables ces jours-ci en réaction à la restriction des libertés individuelles.
Notons que le spectacle est filmé et diffusé en direct sur le site web du Théâtre du Nouveau Monde et est ainsi accessible au plus grand nombre, malgré les places limitées dans la salle.
Zebrina
Texte : Glen Berger. Traduction et dramaturgie : Serge Lamothe. Mise en scène : François Girard. Assistance à la mise en scène et régie : Elaine Normandeau. Décor et accessoires : François Séguin. Costume : Renée April. Éclairages : Alain Lortie. Vidéo : Robert Massicotte. Musique : Alexander MacSween. Conseillère en diction : Marie‑Claude Lefebvre. Avec Emmanuel Schwartz. Une production du Théâtre du Nouveau Monde, en coproduction avec le Centre Segal des arts de la scène et le Théâtre français du Centre national des Arts (Ottawa), présentée au TNM et en webdiffusion simultanée jusqu’au 24 septembre 2020 (supplémentaires du 25 au 27 septembre).