Présenté en webdiffusion par Danse Danse, en collaboration avec la Rotonde, Ce que le jour doit à la nuit est un long tableau vivant, animé par la houle des corps, dans un nuage de particules blanches. Le chorégraphe Hervé Koubi convoque 12 danseurs pour un envoûtant rituel, qui entrelace la danse contemporaine et les danses urbaines, la musique soufie et les cantates de Bach.
Le joli titre, tiré d’un roman de Yasmina Khadra, illustre déjà cette idée de cycle, d’équilibre, de répartition des forces qui marque le cours des jours. Pour introduire le spectacle, une courte vidéo laisse la parole aux danseurs Fayçal Hamlat et Issa Sanou ainsi qu’au chorégraphe français, qui est parti, à la mi-vingtaine, sur les traces de ses origines algériennes. Il expose la genèse de cette œuvre créée en 2009, en évoque les grandes lignes et les deux héritages qu’il a voulu réconcilier. Sur les douze hommes qu’il rassemble, onze sont Algériens et un est Burkinabé. La plupart n’ont pas de formation en danse classique ou contemporaine ; ce sont des acrobates et des virtuoses de la danse de rue, avec qui il a voulu inventer « un ballet du 21e siècle ».
Ce prélude aide à accueillir le spectacle, car même après des mois de culture sur écran, on s’ennuie toujours de la pénombre de la salle, des chuchotements des autres spectateurs et spectatrices et de cette atmosphère chargée d’électricité qui précède une performance live. Ici, les prises de vue sont soignées et le montage, réfléchi. Nous ne sommes pas devant une captation, mais bien devant un film de danse signé Patrick Lauze. Ce qui nous fait mieux accepter l’écran.
Ce spectacle qui nous happe commence par une masse de corps qui s’éveille doucement avec des mouvements ondoyants. Nous sommes devant une formation organique, qui peu à peu deviendra guerrière, puis rituelle.
Les plans d’ensemble, des prises de vue plus ciblée sur un ou des danseurs, des plans de bais et quelques vues en plongée tentent de nous faire saisir ce déploiement dans toute sa complexité. On entend le bruit des pieds qui foulent le sol, les respirations, les appels (qui rappellent ceux des acrobates) et parfois un silence total, suspendu, transcendant.
Les corps, eux, tournent et se tordent avec un mélange inusité d’élégance et de force. Les mouvements de danse hip-hop épousent des postures qui évoquent celles de la capoeira, tout en respectant les formations du ballet classique, dont de nombreuses diagonales, voire des pas chassés et des jetés. La fusion est parfaite, les enchaînements sont fluides, l’amalgame est à la fois minutieusement poli et chargé d’une humanité et d’une énergie poignantes. Les visages sont calmes, mais jamais impassibles. L’effort des corps est palpable. Les gestes de compassion et d’attachement (main sur l’épaule, accolades) donnent l’impression que les danseurs sont frères ou, du moins, du même clan.
Une scénographie en relief
La musique donne beaucoup de relief à la proposition et joue sur les contrastes. Des segments saturés — voix humaines, sons électroniques, orchestre de chambre — répondent aux silences pleins, alors que la musique soufie est le fil qui permet de conserver la cohésion de la pièce.
Le travail d’éclairage, ainsi que les nombreux visages et mains tendues vers le haut donnent une impression de verticalité, qui contrebalance l’effet des corps massés au sol. Entre les passages grisants où l’on suit une multitude de mouvements individuels et de groupe, jamais complètement synchronisés, ni complètement désordonnés, des hommes s’affaissent ou s’élèvent. Ils semblent soumis aux mêmes forces et inexorablement liés. En les regardant, on a envie d’avoir un peu plus foi en l’humanité.
Le spectacle s’achève sur cette note blanche, mais le programme de visionnement se poursuit avec une capsule documentaire de Filigranes Archives où huit chorégraphes canadiens qui ont porté sur les scènes contemporaines des styles issus de la danse de rue, dans des approches pures, hybrides ou métissées, s’expriment. Plusieurs rêvent de présenter une danse urbaine qui n’aurait pas à respecter les codes de la danse contemporaine pour être montrée en salle et voient les spectacles hybrides comme un passage obligé — plutôt que comme l’expression d’une identité métissée, comme celle de Herbé Koubi.
Il s’agit d’une introduction intéressante, quoique rapide, à différents styles associés au hip-hop, qui donne envie d’en voir davantage. Mais force est d’admettre que la présentation casse un peu l’état d’apaisement dans lequel nous avait laissé·es Ce que le jour doit à la nuit.
Chorégraphie : Hervé Koubi. Assistance chorégraphique : Guillaume Gabriel et Fayçal Hamlat. Création musicale : Maxime Bodson. Musique : Hamza El Din par Kronos Quartet, Jean-Sébastien Bach, musique soufie. Arrangements : Guillaume Gabriel. Éclairages : Lionel Buzonie. Costumes : Guillaume Gabriel. Avec Adil Bousbara, Mohammed Elhilali, Abdelghani Ferradji, Zakaria Nail Ghezal, Oualid Guennoun, Bendehiba Maamar, Giovanni Martinat, Nadjib Meherhera, Riad Mendejl, Mourad Messaoud, Houssni Mijem, Ismail Oubbajaddi, Issa Sanou, El Houssaini Zahid. Une production de la Compagnie Hervé Koubi présentée par Danse Danse en collaboration avec La Rotonde et disponible en webdiffusion jusqu’au 9 décembre 2020.
Présenté en webdiffusion par Danse Danse, en collaboration avec la Rotonde, Ce que le jour doit à la nuit est un long tableau vivant, animé par la houle des corps, dans un nuage de particules blanches. Le chorégraphe Hervé Koubi convoque 12 danseurs pour un envoûtant rituel, qui entrelace la danse contemporaine et les danses urbaines, la musique soufie et les cantates de Bach.
Le joli titre, tiré d’un roman de Yasmina Khadra, illustre déjà cette idée de cycle, d’équilibre, de répartition des forces qui marque le cours des jours. Pour introduire le spectacle, une courte vidéo laisse la parole aux danseurs Fayçal Hamlat et Issa Sanou ainsi qu’au chorégraphe français, qui est parti, à la mi-vingtaine, sur les traces de ses origines algériennes. Il expose la genèse de cette œuvre créée en 2009, en évoque les grandes lignes et les deux héritages qu’il a voulu réconcilier. Sur les douze hommes qu’il rassemble, onze sont Algériens et un est Burkinabé. La plupart n’ont pas de formation en danse classique ou contemporaine ; ce sont des acrobates et des virtuoses de la danse de rue, avec qui il a voulu inventer « un ballet du 21e siècle ».
Ce prélude aide à accueillir le spectacle, car même après des mois de culture sur écran, on s’ennuie toujours de la pénombre de la salle, des chuchotements des autres spectateurs et spectatrices et de cette atmosphère chargée d’électricité qui précède une performance live. Ici, les prises de vue sont soignées et le montage, réfléchi. Nous ne sommes pas devant une captation, mais bien devant un film de danse signé Patrick Lauze. Ce qui nous fait mieux accepter l’écran.
Ce spectacle qui nous happe commence par une masse de corps qui s’éveille doucement avec des mouvements ondoyants. Nous sommes devant une formation organique, qui peu à peu deviendra guerrière, puis rituelle.
Les plans d’ensemble, des prises de vue plus ciblée sur un ou des danseurs, des plans de bais et quelques vues en plongée tentent de nous faire saisir ce déploiement dans toute sa complexité. On entend le bruit des pieds qui foulent le sol, les respirations, les appels (qui rappellent ceux des acrobates) et parfois un silence total, suspendu, transcendant.
Les corps, eux, tournent et se tordent avec un mélange inusité d’élégance et de force. Les mouvements de danse hip-hop épousent des postures qui évoquent celles de la capoeira, tout en respectant les formations du ballet classique, dont de nombreuses diagonales, voire des pas chassés et des jetés. La fusion est parfaite, les enchaînements sont fluides, l’amalgame est à la fois minutieusement poli et chargé d’une humanité et d’une énergie poignantes. Les visages sont calmes, mais jamais impassibles. L’effort des corps est palpable. Les gestes de compassion et d’attachement (main sur l’épaule, accolades) donnent l’impression que les danseurs sont frères ou, du moins, du même clan.
Une scénographie en relief
La musique donne beaucoup de relief à la proposition et joue sur les contrastes. Des segments saturés — voix humaines, sons électroniques, orchestre de chambre — répondent aux silences pleins, alors que la musique soufie est le fil qui permet de conserver la cohésion de la pièce.
Le travail d’éclairage, ainsi que les nombreux visages et mains tendues vers le haut donnent une impression de verticalité, qui contrebalance l’effet des corps massés au sol. Entre les passages grisants où l’on suit une multitude de mouvements individuels et de groupe, jamais complètement synchronisés, ni complètement désordonnés, des hommes s’affaissent ou s’élèvent. Ils semblent soumis aux mêmes forces et inexorablement liés. En les regardant, on a envie d’avoir un peu plus foi en l’humanité.
Le spectacle s’achève sur cette note blanche, mais le programme de visionnement se poursuit avec une capsule documentaire de Filigranes Archives où huit chorégraphes canadiens qui ont porté sur les scènes contemporaines des styles issus de la danse de rue, dans des approches pures, hybrides ou métissées, s’expriment. Plusieurs rêvent de présenter une danse urbaine qui n’aurait pas à respecter les codes de la danse contemporaine pour être montrée en salle et voient les spectacles hybrides comme un passage obligé — plutôt que comme l’expression d’une identité métissée, comme celle de Herbé Koubi.
Il s’agit d’une introduction intéressante, quoique rapide, à différents styles associés au hip-hop, qui donne envie d’en voir davantage. Mais force est d’admettre que la présentation casse un peu l’état d’apaisement dans lequel nous avait laissé·es Ce que le jour doit à la nuit.
Ce que le jour doit à la nuit
Chorégraphie : Hervé Koubi. Assistance chorégraphique : Guillaume Gabriel et Fayçal Hamlat. Création musicale : Maxime Bodson. Musique : Hamza El Din par Kronos Quartet, Jean-Sébastien Bach, musique soufie. Arrangements : Guillaume Gabriel. Éclairages : Lionel Buzonie. Costumes : Guillaume Gabriel. Avec Adil Bousbara, Mohammed Elhilali, Abdelghani Ferradji, Zakaria Nail Ghezal, Oualid Guennoun, Bendehiba Maamar, Giovanni Martinat, Nadjib Meherhera, Riad Mendejl, Mourad Messaoud, Houssni Mijem, Ismail Oubbajaddi, Issa Sanou, El Houssaini Zahid. Une production de la Compagnie Hervé Koubi présentée par Danse Danse en collaboration avec La Rotonde et disponible en webdiffusion jusqu’au 9 décembre 2020.