Une lueur d’espoir est apparue en coulisses. La réouverture des salles de cinéma a été perçue comme un « signal positif » par les diffuseurs de théâtre qui estiment que leur tour viendra bientôt. Leur message semble avoir été reçu en haut lieu puisque le premier ministre François Legault a reconnu que les artisan·es de la scène avaient besoin d’un préavis de trois semaines avant de pouvoir présenter des spectacles à nouveau.
Plusieurs sources nous ont indiqué que des discussions ont eu lieu toute la semaine dernière entre le cabinet de la ministre de la Culture Nathalie Roy et les associations qui représentent les diffuseurs afin de déterminer les conditions et les dates de reprise éventuelles des activités scéniques.
Si la tendance des courbes pandémiques et des humeurs gouvernementales se maintient, des spectacles pourraient donc être présentés dès le début d’avril au Québec. Pour le Conseil québécois du théâtre (CQT), il est clair qu’un feu vert du ministère devra tenir compte de deux autres facteurs, mis à part le préavis demandé : un soutien financier à la diffusion sans pénalité, le temps de se remettre en marche, et une heure de couvre-feu repoussée.
« Je pense sincèrement qu’on serait les prochains à rouvrir. J’imagine que l’annonce pourrait venir au début mars ou après la semaine de relâche », estime Philippe Lambert, directeur artistique de La Licorne qui diffuse plus d’une quinzaine de spectacles par année normalement. Il note cependant que l’idée d’une réouverture printanière ne rallie pas tout le milieu.
Les diffuseurs travaillent dans des conditions différentes, tout dépendant où ils se trouvent. La nouvelle directrice artistique du Théâtre de la Ville de Longueuil, Jasmine Catudal, doute que tous les diffuseurs et toutes les compagnies puissent être fin prêt·es en trois semaines. Elle s’inquiète d’une troisième vague de COVID-19 et ne voudrait pas rouvrir pour un mois seulement comme cela s’est produit en septembre dernier.
« Si on m’annonçait qu’on rouvrira en septembre en distanciation et avec une compensation financière, je serais satisfaite, dit-elle. Je ne souhaite pas rouvrir trop vite et mal. Je ne veux pas vivre d’espoirs encore déçus. On sait que le tiers des Québécois·es devrait être vacciné avant la fin de l’été, dont les gens de 60 ans et plus. C’est une bonne partie de notre public qui sera prêt en septembre. En ce moment, personne n’est vacciné. Les courbes descendent, bien sûr, puisque tout le monde est à la maison avec un couvre-feu. »
Théâtre jeunesse
Autre réalité aussi que celle du théâtre jeunesse qui présente des spectacles surtout le jour. À la Maison Théâtre, qui regroupe 30 compagnies et offre une quinzaine de spectacles par année, la directrice artistique Sophie Labelle affirme que la réouverture dans un mois serait un idéal : « La clientèle scolaire représente 60 % de notre public. Comme directrice artistique et maman, je trouve qu’il est important qu’on comprenne que le théâtre jeunesse est une solution aux enjeux d’anxiété et de santé mentale chez les enfants. Il faut que ce soit soutenu par le gouvernement. Les jeunes ont besoin d’introspection positive, d’émancipation et de développer leur imaginaire. »
À La Licorne, si reprise il y a, on présenterait la pièce de Steve Gagnon Les Étés souterrains avec Guylaine Tremblay, dans une mise en scène d’Édith Patenaude, pendant trois ou quatre semaines en avril au lieu des six habituelles. Les représentations y débutant à 19h, il faudrait donc repousser le couvre-feu au moins jusqu’à 21 h 30.
« Le milieu comprend ce qui se passe et a démontré qu’il sait faire des compromis, mais la communication est importante, croit Philippe Lambert. On doit continuer de nous parler et de nous aviser avec les délais nécessaires. On reçoit en diffusion beaucoup de compagnies à La Licorne, et je me fais un point d’honneur de toujours les informer de ce qui se passe. »
« Chez nous, poursuit-il, les projets sont amenés jusqu’à la première, « comme si » elle avait lieu. Si ce n’est pas le cas, on entrepose le décor et on espère que le spectacle pourra avoir une vie éventuellement. C’est un écosystème. J’essaie de garder cette vision le plus possible pour qu’on passe tous et toutes à travers. »
Le soutien gouvernemental à la billetterie a changé la donne en théâtre, et ce, à tous les niveaux de la chaîne, des diffuseurs aux artistes. Est-ce que cette mesure sera maintenue ? « C’est incontournable, lance Philippe Lambert. Ça permet que l’argent se rende aux artistes. Mais un spectacle qui a reçu la compensation en novembre dernier recevra-t-il quelque chose s’il est diffusé un an plus tard ? Dans sa définition actuelle, ce serait impossible, mais, alors, il faudra le mettre à la poubelle ? »
Programmations
La pandémie remet en question les manières de fonctionner depuis presque un an et cela se poursuivra encore longtemps en raison du goulot d’étranglement provoqué par les reports et les annulations de spectacles. « Il va y avoir des congestions épouvantables dans les années à venir, pense Jasmine Catudal. Les artistes vont en subir les contrecoups pendant au moins trois ans. Tout ça va laisser des séquelles qu’on ne peut prévoir en ce moment. »
Les reprises attendues de pièces ayant connu du succès seraient ainsi en voie de disparition. « En même temps, dit Philippe Lambert, je garde Des filles et des garçons dans le collimateur. On doit reprendre cette pièce, même si elle ne peut pas remplacer une création. Ce sera un nouvel équilibre à établir. »
« C’est crève-cœur, remarque Sophie Labelle. Remettre six ou sept pièces à l’an prochain, ça veut dire que d’autres vont passer leur tour. Ça me chagrine beaucoup de ne pas pouvoir offrir notre scène à tous les spectacles qui le méritent. Les enjeux émotifs sont grands. On rêve d’un projet, d’un espace de liberté créative et d’une rencontre avec les familles et, même si tout le monde est payé, le rêve est tombé à l’eau. »
Que François Legault estime que les jeunes préfèrent le cinéma au « théâtre d’enfants » ne l’a pas tellement surprise. « On a appris à connaître le premier ministre et sa façon de s’exprimer. Je pense que c’est une maladresse. La question de la prévisibilité est essentielle pour les théâtres et ça, il semble l’avoir compris. Je retiens surtout que la CAQ a redonné du financement pour la sortie scolaire en milieu culturel. Pour nous, ce qui est important, c’est notre relation avec le milieu scolaire. »
À Longueuil, Jasmine Catudal veut justement que le Théâtre de la Ville s’enracine davantage dans sa communauté en s’associant, notamment, à quatre artistes qui travailleront en ce sens dans les deux prochaines années : Émilie Monnet, Annabel Soutar, Alexia Bürger et Fabien Cloutier. La directrice artistique se dit malgré tout confiante en vue de l’après-pandémie.
« On souhaite que le CALQ puisse nous indiquer rapidement quelles seront les conditions sanitaires de représentation jusqu’à la fin de l’année. Après, en janvier 2022, on espère retourner au théâtre comme avant. À ce moment-là, ce sera la fête. Je pressens un âge d’or du théâtre avec des spectacles extraordinaires qui auront eu le temps d’être bien pensés et travaillés. »
Une lueur d’espoir est apparue en coulisses. La réouverture des salles de cinéma a été perçue comme un « signal positif » par les diffuseurs de théâtre qui estiment que leur tour viendra bientôt. Leur message semble avoir été reçu en haut lieu puisque le premier ministre François Legault a reconnu que les artisan·es de la scène avaient besoin d’un préavis de trois semaines avant de pouvoir présenter des spectacles à nouveau.
Plusieurs sources nous ont indiqué que des discussions ont eu lieu toute la semaine dernière entre le cabinet de la ministre de la Culture Nathalie Roy et les associations qui représentent les diffuseurs afin de déterminer les conditions et les dates de reprise éventuelles des activités scéniques.
Si la tendance des courbes pandémiques et des humeurs gouvernementales se maintient, des spectacles pourraient donc être présentés dès le début d’avril au Québec. Pour le Conseil québécois du théâtre (CQT), il est clair qu’un feu vert du ministère devra tenir compte de deux autres facteurs, mis à part le préavis demandé : un soutien financier à la diffusion sans pénalité, le temps de se remettre en marche, et une heure de couvre-feu repoussée.
« Je pense sincèrement qu’on serait les prochains à rouvrir. J’imagine que l’annonce pourrait venir au début mars ou après la semaine de relâche », estime Philippe Lambert, directeur artistique de La Licorne qui diffuse plus d’une quinzaine de spectacles par année normalement. Il note cependant que l’idée d’une réouverture printanière ne rallie pas tout le milieu.
Les diffuseurs travaillent dans des conditions différentes, tout dépendant où ils se trouvent. La nouvelle directrice artistique du Théâtre de la Ville de Longueuil, Jasmine Catudal, doute que tous les diffuseurs et toutes les compagnies puissent être fin prêt·es en trois semaines. Elle s’inquiète d’une troisième vague de COVID-19 et ne voudrait pas rouvrir pour un mois seulement comme cela s’est produit en septembre dernier.
« Si on m’annonçait qu’on rouvrira en septembre en distanciation et avec une compensation financière, je serais satisfaite, dit-elle. Je ne souhaite pas rouvrir trop vite et mal. Je ne veux pas vivre d’espoirs encore déçus. On sait que le tiers des Québécois·es devrait être vacciné avant la fin de l’été, dont les gens de 60 ans et plus. C’est une bonne partie de notre public qui sera prêt en septembre. En ce moment, personne n’est vacciné. Les courbes descendent, bien sûr, puisque tout le monde est à la maison avec un couvre-feu. »
Théâtre jeunesse
Autre réalité aussi que celle du théâtre jeunesse qui présente des spectacles surtout le jour. À la Maison Théâtre, qui regroupe 30 compagnies et offre une quinzaine de spectacles par année, la directrice artistique Sophie Labelle affirme que la réouverture dans un mois serait un idéal : « La clientèle scolaire représente 60 % de notre public. Comme directrice artistique et maman, je trouve qu’il est important qu’on comprenne que le théâtre jeunesse est une solution aux enjeux d’anxiété et de santé mentale chez les enfants. Il faut que ce soit soutenu par le gouvernement. Les jeunes ont besoin d’introspection positive, d’émancipation et de développer leur imaginaire. »
À La Licorne, si reprise il y a, on présenterait la pièce de Steve Gagnon Les Étés souterrains avec Guylaine Tremblay, dans une mise en scène d’Édith Patenaude, pendant trois ou quatre semaines en avril au lieu des six habituelles. Les représentations y débutant à 19h, il faudrait donc repousser le couvre-feu au moins jusqu’à 21 h 30.
« Le milieu comprend ce qui se passe et a démontré qu’il sait faire des compromis, mais la communication est importante, croit Philippe Lambert. On doit continuer de nous parler et de nous aviser avec les délais nécessaires. On reçoit en diffusion beaucoup de compagnies à La Licorne, et je me fais un point d’honneur de toujours les informer de ce qui se passe. »
« Chez nous, poursuit-il, les projets sont amenés jusqu’à la première, « comme si » elle avait lieu. Si ce n’est pas le cas, on entrepose le décor et on espère que le spectacle pourra avoir une vie éventuellement. C’est un écosystème. J’essaie de garder cette vision le plus possible pour qu’on passe tous et toutes à travers. »
Le soutien gouvernemental à la billetterie a changé la donne en théâtre, et ce, à tous les niveaux de la chaîne, des diffuseurs aux artistes. Est-ce que cette mesure sera maintenue ? « C’est incontournable, lance Philippe Lambert. Ça permet que l’argent se rende aux artistes. Mais un spectacle qui a reçu la compensation en novembre dernier recevra-t-il quelque chose s’il est diffusé un an plus tard ? Dans sa définition actuelle, ce serait impossible, mais, alors, il faudra le mettre à la poubelle ? »
Programmations
La pandémie remet en question les manières de fonctionner depuis presque un an et cela se poursuivra encore longtemps en raison du goulot d’étranglement provoqué par les reports et les annulations de spectacles. « Il va y avoir des congestions épouvantables dans les années à venir, pense Jasmine Catudal. Les artistes vont en subir les contrecoups pendant au moins trois ans. Tout ça va laisser des séquelles qu’on ne peut prévoir en ce moment. »
Les reprises attendues de pièces ayant connu du succès seraient ainsi en voie de disparition. « En même temps, dit Philippe Lambert, je garde Des filles et des garçons dans le collimateur. On doit reprendre cette pièce, même si elle ne peut pas remplacer une création. Ce sera un nouvel équilibre à établir. »
« C’est crève-cœur, remarque Sophie Labelle. Remettre six ou sept pièces à l’an prochain, ça veut dire que d’autres vont passer leur tour. Ça me chagrine beaucoup de ne pas pouvoir offrir notre scène à tous les spectacles qui le méritent. Les enjeux émotifs sont grands. On rêve d’un projet, d’un espace de liberté créative et d’une rencontre avec les familles et, même si tout le monde est payé, le rêve est tombé à l’eau. »
Que François Legault estime que les jeunes préfèrent le cinéma au « théâtre d’enfants » ne l’a pas tellement surprise. « On a appris à connaître le premier ministre et sa façon de s’exprimer. Je pense que c’est une maladresse. La question de la prévisibilité est essentielle pour les théâtres et ça, il semble l’avoir compris. Je retiens surtout que la CAQ a redonné du financement pour la sortie scolaire en milieu culturel. Pour nous, ce qui est important, c’est notre relation avec le milieu scolaire. »
À Longueuil, Jasmine Catudal veut justement que le Théâtre de la Ville s’enracine davantage dans sa communauté en s’associant, notamment, à quatre artistes qui travailleront en ce sens dans les deux prochaines années : Émilie Monnet, Annabel Soutar, Alexia Bürger et Fabien Cloutier. La directrice artistique se dit malgré tout confiante en vue de l’après-pandémie.
« On souhaite que le CALQ puisse nous indiquer rapidement quelles seront les conditions sanitaires de représentation jusqu’à la fin de l’année. Après, en janvier 2022, on espère retourner au théâtre comme avant. À ce moment-là, ce sera la fête. Je pressens un âge d’or du théâtre avec des spectacles extraordinaires qui auront eu le temps d’être bien pensés et travaillés. »