Un accident de la circulation n’est pas juste un fait divers. C’est aussi un drame. Des drames. Le 28 mai 2013, la comédienne Audrey Talbot se rend chez une amie en vélo. En chemin, au coin des rues Molson et Rosemont, elle est frappée par un camion avant de passer sous ses roues. Son corps est déchiqueté et gît en vrac sur le bitume, mais elle continue de respirer. Une dizaine de personnes (policières, pompiers, ambulanciers, urgentistes, médecins…) vont se mobiliser et lutter avec elle pour sa survie improbable. Avec Corps Titan (titre de survie), Audrey Talbot, qui beaucoup œuvré dans le théâtre jeunesse, relate cette seconde naissance après avoir tutoyé la mort. Afin de connaître les autres versions de sa propre histoire, elle a voulu retrouver ces « anges gardiens » qui l’ont secourue et soutenue, et a recueilli leur parole, leurs émotions et leurs souvenirs.
Comme elle l’explique dès le départ, parler de la mort peut être tabou, mais elle a choisi de l’évoquer frontalement. Aucun détail sur l’état de son corps en lambeaux ne nous sera épargné. Mais, grâce à cette franchise et cette authenticité, on est complice de toute la douleur qu’elle a vécue.
Tandis qu’elle est placée dans un coma artificiel pour lui permettre de supporter les nombreuses opérations nécessaires à sa survie, la comédienne disparaît du plateau, comme si elle ne pouvait témoigner elle-même de cette période dont elle n’a pas été directement consciente. Toute la place est laissée à ses quatre complices (Francis Ducharme, Catherine Larochelle, Papy Maurice Mbwiti et Leni Parker) qui jouent tour à tour, dans un ballet parfaitement limpide, tous ceux et toutes celles qui ont été à son chevet durant cette période, que ce soit les médecins, professeur·es, préposé·es et même les parents et le frère d’Audrey. Grâce à la puissance du texte, on se retrouve complètement suspendu·es à leurs mots, à leurs intentions et à leurs décisions.
Vers la renaissance
Après l’épisode du coma, la comédienne reprend sa place dans le lit d’hôpital qu’elle a occupé durant des mois. Sa lente reconstruction suit avec ses hauts et ses bas, ses difficultés, ses combats, ses rêves et ses hallucinations. Audrey Talbot est dans l’incarnation parfaite; évidemment ce sont des évènements qu’elle a réellement vécus.
Alors que la santé de la survivante commence à être stabilisée, on aurait aimé que le texte nous propose des réflexions plus profondes sur son état d’esprit du moment, plutôt que de rester dans la linéarité d’un quotidien de réapprentissage de son corps qui finit par tourner un peu en rond. Philippe Cyr a toutefois su créer une mise en scène efficace et dynamique qui donne une solennité à certains moments, et qui démontre surtout l’exceptionnelle envie de vivre que la comédienne est arrivée à garder au cours de ces longs mois de rééducation. La scénographie, signée Cédric Delorme-Bouchard, est aussi efficace que sobre, et apporte même une touche rassurante à l’ensemble.
En choisissant de raconter son histoire, Audrey Talbot veut faire ressortir toute la fragilité de la condition humaine, tout en exposant la formidable solidarité qui peut exister quand un drame se produit. Son texte est fort et bouleversant. Sa résilience n’exclut toutefois pas les dommages de toutes sortes. On sort néanmoins de ce spectacle avec une envie de vivre décuplée, une conscience accrue que la vie ne tient qu’à un fil.
Texte et interprétation : Audrey Talbot. Mise en scène : Philippe Cyr. Assistante à la mise en scène et régie : Vanessa Beaupré. Scénographie et conception lumière : Cédric Delorme-Bouchard. Costumes : Julie Charland. Musique originale: Vincent Legault. Accessoires: Marie-Ève Fortier. Avec Francis Ducharme, Catherine Larochelle, Papy Maurice Mbwiti, Leni Parker. Une production du Centre de Théâtre d’Aujourd’hui et de L’Homme allumette, en coproduction avec le Théâtre français du Centre national des Arts, présentée au Centre de Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 9 mai 2021.
Un accident de la circulation n’est pas juste un fait divers. C’est aussi un drame. Des drames. Le 28 mai 2013, la comédienne Audrey Talbot se rend chez une amie en vélo. En chemin, au coin des rues Molson et Rosemont, elle est frappée par un camion avant de passer sous ses roues. Son corps est déchiqueté et gît en vrac sur le bitume, mais elle continue de respirer. Une dizaine de personnes (policières, pompiers, ambulanciers, urgentistes, médecins…) vont se mobiliser et lutter avec elle pour sa survie improbable. Avec Corps Titan (titre de survie), Audrey Talbot, qui beaucoup œuvré dans le théâtre jeunesse, relate cette seconde naissance après avoir tutoyé la mort. Afin de connaître les autres versions de sa propre histoire, elle a voulu retrouver ces « anges gardiens » qui l’ont secourue et soutenue, et a recueilli leur parole, leurs émotions et leurs souvenirs.
Comme elle l’explique dès le départ, parler de la mort peut être tabou, mais elle a choisi de l’évoquer frontalement. Aucun détail sur l’état de son corps en lambeaux ne nous sera épargné. Mais, grâce à cette franchise et cette authenticité, on est complice de toute la douleur qu’elle a vécue.
Tandis qu’elle est placée dans un coma artificiel pour lui permettre de supporter les nombreuses opérations nécessaires à sa survie, la comédienne disparaît du plateau, comme si elle ne pouvait témoigner elle-même de cette période dont elle n’a pas été directement consciente. Toute la place est laissée à ses quatre complices (Francis Ducharme, Catherine Larochelle, Papy Maurice Mbwiti et Leni Parker) qui jouent tour à tour, dans un ballet parfaitement limpide, tous ceux et toutes celles qui ont été à son chevet durant cette période, que ce soit les médecins, professeur·es, préposé·es et même les parents et le frère d’Audrey. Grâce à la puissance du texte, on se retrouve complètement suspendu·es à leurs mots, à leurs intentions et à leurs décisions.
Vers la renaissance
Après l’épisode du coma, la comédienne reprend sa place dans le lit d’hôpital qu’elle a occupé durant des mois. Sa lente reconstruction suit avec ses hauts et ses bas, ses difficultés, ses combats, ses rêves et ses hallucinations. Audrey Talbot est dans l’incarnation parfaite; évidemment ce sont des évènements qu’elle a réellement vécus.
Alors que la santé de la survivante commence à être stabilisée, on aurait aimé que le texte nous propose des réflexions plus profondes sur son état d’esprit du moment, plutôt que de rester dans la linéarité d’un quotidien de réapprentissage de son corps qui finit par tourner un peu en rond. Philippe Cyr a toutefois su créer une mise en scène efficace et dynamique qui donne une solennité à certains moments, et qui démontre surtout l’exceptionnelle envie de vivre que la comédienne est arrivée à garder au cours de ces longs mois de rééducation. La scénographie, signée Cédric Delorme-Bouchard, est aussi efficace que sobre, et apporte même une touche rassurante à l’ensemble.
En choisissant de raconter son histoire, Audrey Talbot veut faire ressortir toute la fragilité de la condition humaine, tout en exposant la formidable solidarité qui peut exister quand un drame se produit. Son texte est fort et bouleversant. Sa résilience n’exclut toutefois pas les dommages de toutes sortes. On sort néanmoins de ce spectacle avec une envie de vivre décuplée, une conscience accrue que la vie ne tient qu’à un fil.
Corps titan (titre de survie)
Texte et interprétation : Audrey Talbot. Mise en scène : Philippe Cyr. Assistante à la mise en scène et régie : Vanessa Beaupré. Scénographie et conception lumière : Cédric Delorme-Bouchard. Costumes : Julie Charland. Musique originale: Vincent Legault. Accessoires: Marie-Ève Fortier. Avec Francis Ducharme, Catherine Larochelle, Papy Maurice Mbwiti, Leni Parker. Une production du Centre de Théâtre d’Aujourd’hui et de L’Homme allumette, en coproduction avec le Théâtre français du Centre national des Arts, présentée au Centre de Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 9 mai 2021.