Critiques

FTA : Rencontres du troisième type

Meshtitau : La vie secrète des arbres

En langue innue, meshtitau signifie « il a tout détruit, saccagé sur son passage ». Le spectacle hybride conçu et mis en scène par l’artiste pekuakamilnu de Mashteuiatsh Soleil Launière représente la destruction et la reconstruction du monde. Cette renaissance est rendue possible, dans ce cas, pour et par les arbres qui, comme la science l’a démontré, peuvent communiquer et s’entraider grâce à leurs racines, sous la terre.

Tantôt performance tantôt pièce de théâtre, Meshtitau commence à la tombée du jour dans le jardin du Musée d’art contemporain, devant un mur où grimpe un lierre et un grand bouleau couché au sol, dont les racines sont peintes de couleur or. Les bruits de la ville feront place à une trame sonore faisant penser aux grondements du sous-sol pendant que Rasili Botz et Jacques Newashish se regardent longuement, face à face, position immobile qui rappelle l’une des performances les plus connues de l’artiste Marina Abramovic, The Artist is Present, offerte au MoMA en 2010.

Maxime Côté

Lentement, les corps se cambreront vers l’arrière dans une posture inconfortable. L’homme et la femme finiront par rompre et leur retour à la vie passera par une forme de cérémonie de guérison. Il nettoie les lieux et elle applique des cataplasmes de branches et de terre sur le tronc d’arbre. Cette communion avec ce qui reste de vivant transformera les deux humain·es. Il et elle entreront en transe avant de donner naissance à un enfant qu’on prendra soin de placer sous la protection de l’arbre.

La proposition de Soleil Launière évite les stéréotypes écologistes habituels. Nous ne sommes pas devant un acteur et une actrice, mais face à un performeur et à une performeuse en mouvement qui évoquent plus qu’il et elle ne représentent ou décrivent. Les émotions ne sont pas absentes, mais elles ne prennent jamais le dessus sur le rituel.

La mise en scène déjoue les attentes avec des images poétiques servant à aborder la tragédie des forêts. Sous l’arbre, un long tissu rouge rappelle la saignée des coupes à blanc. Un impressionnant manteau sonore d’apparence végétale sera aussi utilisé pour accompagner l’acte violent de la mort/(re)naissance. Passer du néant à l’existence reste une expérience douloureuse, spectaculaire, mais nécessaire pour assurer la pérennité du vivant.

Sans texte, mais avec quelques chants et une trame sonore sophistiquée, Soleil Launière crée un très beau spectacle en dirigeant deux extraordinaires artistes sexagénaires dont les gestes renvoient aux diverses étapes de la régénérescence naturelle, sans laquelle tout ne serait que béton et asphalte. La magie opère si bien qu’on oublie un instant être au centre-ville de Montréal.

Meshtitau

Mise en scène : Soleil Launière. Installation scénographique : Eruoma Awashish. Éclairages : Gonzalo Soldi (HUB Studio). Costumes : Fruzsina Lanyi. Conception sonore et direction technique : Marcin Bunar. Direction de production : Cynthia Bouchard-Gosselin. Production et soutien artistique : Julie Marie Bourgeois. Avec Rasili Botz et Jacques Newashish. Une production de Production AUEN, en coproduction avec le Festival TransAmériques, présentée dans le Jardin du Musée d’art contemporain de Montréal à l’occasion du FTA jusqu’au 7 juin 2021.

La Romance est pas morte, 2FIK ! : Rendez-vous manqué

Performance et rencontre interactive, La Romance est pas morte, 2FIK ! Repose sur une prémisse intéressante, soit la difficulté de trouver l’âme sœur à l’ère des réseaux sociaux. La scénographie spectaculaire comprend un déambulatoire avec plusieurs dizaines d’affiches d’annonces web de personnes – prenant toutes les traits de 2FIK – cherchant l’amour. Au centre est aménagée une pièce rectangulaire incluant un espace de rencontre, avec causeuses, entouré de garde-robes où un attirail de vêtements, de chaussures et de perruques permet au performeur de se transformer en divers personnages.

Vivien Gaumand

Après quelques minutes de déambulation, pendant lesquelles les visiteurs et visiteuses peuvent s’inscrire à un site de rencontre sur leur cellulaire en spécifiant leur idéal de partenaires éventuel·les, le créateur invite un spectateur ou une spectatrice à le rejoindre pour une séance qui durera une très longue heure.

Comme performeur, 2FIK sait improviser en y ajoutant charme et humour. Toutefois, l’art centenaire de la performance, initié par les dadaïstes, repose à la base sur les actions éphémères d’un artiste qui ne joue pas un personnage et qui cherche à provoquer une réaction, très souvent en critiquant la société.

Vivien Gaumand

Ici, malheureusement, la performance est écrasée par la scénographie. Ingénieux et complexe, le dispositif scénique occulte presque totalement les interactions entre le performeur et son invité·e. Le résultat relève donc de la fantaisie légère, voire superficielle.

Quoi qu’on puisse penser du fort sympathique et amusant 2FIK, il s’agit d’un rendez-vous manqué avec la romance… et l’art performatif.

La Romance est pas morte, 2FIK !

Idéation et interprétation : 2Fik. Scénographie : Max-Otto Fauteux. Conception lumières : Paul Chambers. Conception sonore : Jérôme Guilleaume. Mise en mouvement des personnages : Mélanie Demers. Production déléguée : Natalie Dion. Direction de production : Jeanne Gosselin. Direction technique : Catherine Moisan. Conception vidéo et programmation créative : Hugues Caillères (HUB Studio). Assistance à la programmation créative : Raphael Baron. Application numérique : silverorange. Développeur principal :Charles Waddell. Chef de conception/développeur : Jacky Gilbertson. Développeur·es :Cornelius Smith et Malena Andrade. Conception du développement de l’application : Nick Burka. Conseiller technique : Mike Gauthier. Conseiller en conception : Steven Garrity. Chef de projet : Clare Raspopow. Avec 2FIK. Une production de Toufik Avec Un Deux, en coproduction avec le Festival TransAmériques, présentée à l’occasion du FTA, à la cinquième salle de la Place des Arts jusqu’au 9 juin.