Belle initiative du Théâtre les gens d’en bas, qui présente cet été au Bic une adaptation théâtrale fort réussie du récit-témoignage du médecin généraliste et romancier français Baptiste Beaulieu, intitulé Alors voilà : les 1001 vies des urgences (Fayard, 2013). Cet ouvrage vendu à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et traduit en 14 langues a été parfaitement ajusté à la scène et à la réalité québécoise, tant dans le langage que dans l’approche interprétative, qui permet au comédien Vincent Roy de mettre en valeur plusieurs facettes de son vaste savoir-faire.
Sans référence aucune à la pandémie actuelle, le spectacle se veut un hommage au personnel soignant ainsi qu’aux malades, et met en scène un jeune médecin résident dans un hôpital du Québec, non situé davantage géographiquement. Celui-ci développe une relation particulière avec une patiente atteinte d’un cancer dont la fin est inéluctable et, pour l’accompagner dans cette étape terminale, il a pour astuce de lui narrer des histoires, « toutes vraies », tirées de son quotidien de docteur. Des anecdotes d’une drôlerie irrésistible, souvent crues, reflétant bien la cocasserie de situations où l’être humain apparaît bien contradictoire, à la fois fragile, égoïste, inconséquent.
Dans ce théâtre bas-laurentien (ancienne grange qui sera fermée pour rénovation après cette série de représentations), le public – 45 personnes sur une capacité de 195 places – est accueilli au son d’un moniteur cardiaque dont le bip incessant rappelle une salle d’urgence, puis par les appels destinés à un médecin en cardiologie, à un patient aux prélèvements, ou annonçant un « code bleu » et ainsi de suite. Le jeune résident s’amène alors pour la conférence annoncée : l’acteur s’adresse directement à l’assistance, d’un ton franc et enjoué, enthousiaste, n’hésitant pas à pointer un spectateur ou une spectatrice pour lui chanter un air, d’une voix juste, en s’accompagnant au piano, ou lui proposer la démonstration d’un traitement. Le contact est tout de suite établi, et l’attention ne fléchira pas.
Dans l’intimité de la relation
La trame dramatique, scindée en sept jours de visite à la femme de la chambre 7, dont l’état de santé se détériore lentement, est marquée par les faits et drames quotidiens du milieu hospitalier, narrés avec vivacité par le comédien. Ce dernier incarne tour à tour de nombreux personnages, une infirmière particulièrement appréciée, un gardien de sécurité ou un collègue autoritaire, passant de l’un à l’autre de façon nuancée et fluide. Indéfectiblement optimiste, il cherche toujours l’espoir et les éclairs de vie dans les moments sombres, mais n’hésite pas à critiquer vertement ceux et celles qui encombrent les urgences inutilement ou abusent d’un système déjà précaire. Il s’insurge contre certains comportements, se révolte devant une victime de violence conjugale à répétition. Son jeu physique se conjugue au chant, à la danse, à la manipulation de marionnettes.
Si l’ensemble du spectacle se déroule sur un ton léger, humoristique, on est loin du stand-up comique; une certaine poésie affleure, et l’enjeu véritable tient dans l’intimité de cette relation qui se tisse entre le médecin et celle qu’il nomme « la femme oiseau de feu » à cause de sa chevelure rousse, qu’elle a dû sacrifier lors des traitements de chimiothérapie. En s’attachant à cette patiente, qui espère l’arrivée de son fils, lui aussi médecin, dont elle attend le retour d’Islande, le résident en vient à faire un parallèle avec la disparition de sa mère, décédée sans qu’il ait pu être à ses côtés. « La fin des autres est un miroir placé devant notre propre fragilité », dira-t-il dans une scène touchante, résumant bien le sentiment que la mort fait naître chez les proches qui restent.
Somme toute, Alors voilà ! se révèle une œuvre utile, réjouissante et apaisante, un solo mené avec beaucoup d’aisance par Vincent Roy, qui célèbre l’urgence de profiter de la vie quand elle est là. Une leçon bienvenue en ces temps de post-confinement, après que tant de gens aient péri dans une trop grande solitude.
Texte : Baptiste Beaulieu. Adaptation : Flavie Péan et Eudore Belzile. Mise en scène : Eudore Belzile. Assistance et direction de production : Sandy Caron. Décor, accessoires et costumes : Marc Senécal. Lumières : André Rioux. Musique et environnement sonore : Antoine Létourneau-Berger et Vincent Roy. Vidéos et photos : Marc Lepage. Mouvements : Fabien Piché. Avec Vincent Roy. Une production du Théâtre les gens d’en bas, présentée au Théâtre du Bic jusqu’au 14 août 2021.
Belle initiative du Théâtre les gens d’en bas, qui présente cet été au Bic une adaptation théâtrale fort réussie du récit-témoignage du médecin généraliste et romancier français Baptiste Beaulieu, intitulé Alors voilà : les 1001 vies des urgences (Fayard, 2013). Cet ouvrage vendu à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires et traduit en 14 langues a été parfaitement ajusté à la scène et à la réalité québécoise, tant dans le langage que dans l’approche interprétative, qui permet au comédien Vincent Roy de mettre en valeur plusieurs facettes de son vaste savoir-faire.
Sans référence aucune à la pandémie actuelle, le spectacle se veut un hommage au personnel soignant ainsi qu’aux malades, et met en scène un jeune médecin résident dans un hôpital du Québec, non situé davantage géographiquement. Celui-ci développe une relation particulière avec une patiente atteinte d’un cancer dont la fin est inéluctable et, pour l’accompagner dans cette étape terminale, il a pour astuce de lui narrer des histoires, « toutes vraies », tirées de son quotidien de docteur. Des anecdotes d’une drôlerie irrésistible, souvent crues, reflétant bien la cocasserie de situations où l’être humain apparaît bien contradictoire, à la fois fragile, égoïste, inconséquent.
Dans ce théâtre bas-laurentien (ancienne grange qui sera fermée pour rénovation après cette série de représentations), le public – 45 personnes sur une capacité de 195 places – est accueilli au son d’un moniteur cardiaque dont le bip incessant rappelle une salle d’urgence, puis par les appels destinés à un médecin en cardiologie, à un patient aux prélèvements, ou annonçant un « code bleu » et ainsi de suite. Le jeune résident s’amène alors pour la conférence annoncée : l’acteur s’adresse directement à l’assistance, d’un ton franc et enjoué, enthousiaste, n’hésitant pas à pointer un spectateur ou une spectatrice pour lui chanter un air, d’une voix juste, en s’accompagnant au piano, ou lui proposer la démonstration d’un traitement. Le contact est tout de suite établi, et l’attention ne fléchira pas.
Dans l’intimité de la relation
La trame dramatique, scindée en sept jours de visite à la femme de la chambre 7, dont l’état de santé se détériore lentement, est marquée par les faits et drames quotidiens du milieu hospitalier, narrés avec vivacité par le comédien. Ce dernier incarne tour à tour de nombreux personnages, une infirmière particulièrement appréciée, un gardien de sécurité ou un collègue autoritaire, passant de l’un à l’autre de façon nuancée et fluide. Indéfectiblement optimiste, il cherche toujours l’espoir et les éclairs de vie dans les moments sombres, mais n’hésite pas à critiquer vertement ceux et celles qui encombrent les urgences inutilement ou abusent d’un système déjà précaire. Il s’insurge contre certains comportements, se révolte devant une victime de violence conjugale à répétition. Son jeu physique se conjugue au chant, à la danse, à la manipulation de marionnettes.
Si l’ensemble du spectacle se déroule sur un ton léger, humoristique, on est loin du stand-up comique; une certaine poésie affleure, et l’enjeu véritable tient dans l’intimité de cette relation qui se tisse entre le médecin et celle qu’il nomme « la femme oiseau de feu » à cause de sa chevelure rousse, qu’elle a dû sacrifier lors des traitements de chimiothérapie. En s’attachant à cette patiente, qui espère l’arrivée de son fils, lui aussi médecin, dont elle attend le retour d’Islande, le résident en vient à faire un parallèle avec la disparition de sa mère, décédée sans qu’il ait pu être à ses côtés. « La fin des autres est un miroir placé devant notre propre fragilité », dira-t-il dans une scène touchante, résumant bien le sentiment que la mort fait naître chez les proches qui restent.
Somme toute, Alors voilà ! se révèle une œuvre utile, réjouissante et apaisante, un solo mené avec beaucoup d’aisance par Vincent Roy, qui célèbre l’urgence de profiter de la vie quand elle est là. Une leçon bienvenue en ces temps de post-confinement, après que tant de gens aient péri dans une trop grande solitude.
Alors voilà !
Texte : Baptiste Beaulieu. Adaptation : Flavie Péan et Eudore Belzile. Mise en scène : Eudore Belzile. Assistance et direction de production : Sandy Caron. Décor, accessoires et costumes : Marc Senécal. Lumières : André Rioux. Musique et environnement sonore : Antoine Létourneau-Berger et Vincent Roy. Vidéos et photos : Marc Lepage. Mouvements : Fabien Piché. Avec Vincent Roy. Une production du Théâtre les gens d’en bas, présentée au Théâtre du Bic jusqu’au 14 août 2021.