Critiques

Festival international des arts de la marionnette à Saguenay : Beautés naturelles

Mes racines sont des cailloux : Tricotées serrées

Marie-Lyne Verret et ses superbes marionnettes faites de laine cardée racontent une histoire de déracinement, mais surtout de deuil, celui d’un pays d’origine quitté d’urgence pour cause de guerre et celui d’une grand-mère qui n’a pas survécu jusqu’à la fin du périple. La jeune Tourmaline, hospitalisée pour une forte fièvre inexpliquée, réclame son aïeule adorée. Dans son délire, elle se revoit avec sa « mamie », sur sa terre natale, apprivoiser le monde grâce à la nature, et notamment à un ruisseau où elles ont jadis pique-niqué et où la petite a cueilli des pierres, qu’elle a traînées avec elle jusqu’à son nouveau foyer.

Marie-Lyne Verret

Présenté pour la toute première fois, à l’occasion du FIAMS, Mes racines sont des cailloux nécessite un certain rodage, mais certaines qualités indéniables lui servent déjà d’ancrage. Mentionnons d’abord la jolie musique de Jean-Claude Bataille, qu’il livre sur scène avec une guitare posée à plat, un peu comme une cithare horizontale. En outre, les projections sur petit écran s’avèrent efficaces à situer l’action. Si les personnages secondaires apparaissent peu développés (surtout celui du père de Tourmaline, dont l’interprétation peu convaincante, de surcroît, laisse perplexe), les cailloux, avec chacun leur personnalité propre, se révèlent amusants. Quoi qu’il en soit, la plus grande force du spectacle consiste en la chaleur touchante qui émane du jeu, du récit et des marionnettes de Marie-Lyne Verret, qui réussit à évoquer le lien précieux qui peut unir un enfant à son grand-parent.

Mes racines sont des cailloux

Création : Marie-Lyne Verret. Scénographie : Marie-Lyne Verret et Jean-Paul Bataille. Conception sonore : Jean-Paul Bataille. Lumières : Mathieu Marcel. Regard extérieur : Paval Mano. Avec Marie-Lyne Verret et Jean-Paul Bataille. Une production de Marie-Lyne Verret, présentée à la salle Murdock du Centre des arts de Chicoutimi, à l’occasion du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, jusqu’au 30 juillet 2021.

Les Contes zen du potager : Philosophie maraîchère

La compagnie qui nous a entre autres offert, au fil des années, L’Effet Hyde, Petit Bonhomme en papier carbone et Ubu sur la table, le Théâtre de la Pire Espèce, invite le public à savourer, avec Les Contes zen du potager, une pléiade de brefs contes spirituels illustrés, bien entendu, par des objets. Fruits et légumes seront notamment recrutés et convertis – entourés d’autres matières organiques telles que le bois et la paille – tantôt en moines, tantôt en samouraï, tantôt en paysan. Car c’est en Extrême-Orient, que sont campés ces fabliaux tirés du livre d’Henri Brunel, Les plus beaux contes zen, qui se déroulent tout au long des quatre saisons, soit du moment où « babillent les bulbes » au temps où la forêt ne présente plus que « d’innombrables érables glabres » et des « pins gris rabougris ».

La langue est belle, parsemée, même, d’élans d’une poésie espiègle qui fait sourire, à l’image du spectacle tout entier. Le plaisir partagé sur scène par Olivier Ducas et Karine St-Arnaux est si manifeste qu’il en est contagieux, et leur ingéniosité, qui leur permet de transformer des couteaux en moustache, un saladier en gong et une théière en divers personnages, ou encore de froisser l’enveloppe de cerises de terre pour imiter le bruit d’un feu de camp, ravit. Néanmoins, quelque sympathique qu’il soit, le spectacle laisse sur sa faim en termes de contenu. Est-ce le grand nombre de contes qui dilue la portée de chacun d’eux ? Ou la mise en scène qui ne donne pas aux chutes philosophico-spirituelles l’impact qu’elles pourraient avoir ? Difficile à dire, mais les perles de sagesse évoquées (la véritable force est-elle de savoir tuer ou de savoir mourir ?, les contrariétés n’ont que l’ampleur que l’on veut bien leur prêter, il faut éviter que les paroles inspirationnelles ne se transmuent en dogmes, et ainsi de suite) semblent nous glisser des doigts sans que nous puissions pleinement les saisir et, encore moins, nous en faire un chapelet que nous pourrions par la suite égrener. Il reste que Les Contes zen du potager offre un moment des plus agréables, ponctué de surprises formelles réjouissantes, à qui s’aventure en ces terres peuplées d’oignons guerriers et de citrons monastiques.

Les Contes zen du potager

Texte : Olivier Ducas, d’après Les plus beaux contes zen d’Henri Brunel. Mise en scène : Olivier Ducas. Collaboration à la création : Karine St-Arnaud et Francis Monty. Avec Karine St-Arnaud et Olivier Ducas. Une production du Théâtre de la Pire Espèce, présentée à l’Espace Côté-Cour, à l’occasion du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay, jusqu’au 30 juillet 2021.