Le Théâtre Duceppe lance sa saison 2021-2022 avec Manuel de la vie sauvage, une adaptation scénique du roman de Jean-Philippe Baril Guérard, écrivain, dramaturge, metteur en scène et comédien, qui signe lui-même le texte de cette version théâtrale. Connu pour ses œuvres aux thématiques très actuelles et dans lesquelles on assiste souvent à la descente aux enfers du héros ou de l’héroïne de l’histoire (pensons, notamment, au roman Royal ou, plus récemment, à Haute démolition), le prolifique auteur soulève cette fois des questions éthiques liées au milieu entrepreneurial et au domaine des technologies avec cette satire sur le monde des start-ups.
Cindy Bérard (interprétée avec assurance par Emmanuelle Lussier-Martinez), fondatrice de Technologies Huldu inc., crée une application de robot conversationnel permettant de garder contact avec des proches décédés. Les embûches rencontrées poussent l’équipe, formée de Laurent (Maxime Mailloux), d’Ève (Isabeau Blanche) et ultérieurement de Luc-Alain (Stéphane Demers), d’Arnaud (Patrick Emmanuel Abelard), de Camille (Anne Trudel) et de Claude (Joëlle Paré-Beaulieu), à prendre des décisions difficiles, souvent cruelles, au nom du bien et du succès de la compagnie.
La froideur avec laquelle certaines des actions sont commises nous place dans une situation d’inconfort, nous glace presque le sang. Les thèmes abordés nous forcent à nous positionner, entre autres, en ce qui concerne le mensonge et l’importance du paraître dans le monde des affaires. On ne peut faire autrement, non plus, que de se questionner sur les enjeux moraux entourant le fait de capitaliser sur la mort. Une habile ambiance musicale, signée Nicolas Basque, aux résonances parfois puissantes, parfois angoissantes, accompagne de façon ininterrompue les protagonistes et s’ajoute à l’insistant sentiment d’étrangeté qui se dégage de la pièce.
Le rire dans l’inconfort
Malgré la cruauté qui imprègne le texte, celui-ci n’est pas en reste en ce qui a trait à l’humour. La dualité entre le grinçant et le risible est efficace. Les comédien·nes livrent, en maintenant un rythme effréné et de façon irréprochable, une série de répliques cinglantes, mais parviennent aussi, de temps à autre, à susciter un malaise généralisé dans la salle. Les figures gravitant autour de Cindy, qui incarne la rigueur et la rigidité, amènent, pour leur part, un aspect déjanté à la pièce. Mentionnons particulièrement l’interprétation de Joëlle Paré-Beaulieu, d’Isabeau Blanche et de Stéphane Demers, dont les personnages déclenchent tour à tour de nombreux rires francs dans l’audience.
La mise en scène de Jean-Simon Traversy, parfaitement dynamique et souvent surprenante, nous transporte habilement dans un chassé-croisé entre les péripéties des jeunes entrepreneurs et entrepreneuses et la conférence que donne Cindy. L’intégration de la vidéo en direct, en plus de constituer un brillant élément scénographique et de reconduire le thème de l’omniprésence de la technologie dans nos vies, introduit une dimension intéressante en nous permettant d’accéder de près aux émotions camouflées au sein de ces personnages enlisés dans le mensonge. Le décor de Cédric Lord et les éclairages percutants de Julie Basse sont magnifiques et dépeignent avec justesse et créativité la confrontation entre l’euphorie du succès et la noirceur dans laquelle l’entreprise tend à s’enfoncer. Un spectacle sans temps mort, ficelé avec inventivité, qui inaugure franchement bien la saison chez Duceppe.
Texte : Jean-Philippe Baril Guérard. Mise en scène : Jean-Simon Traversy. Décor : Cédric Lord. Costumes : Mérédith Caron. Éclairages : Julie Basse. Musique : Nicolas Basque. Vidéo : Julien Blais. Accessoires : Normand Blais. Assistance à la mise en scène et régie : Marie-Hélène Dufort. Avec Patrick Emmanuel Abellard, Isabeau Blanche, Stéphane Demers, Emmanuelle Lussier-Martinez, Maxime Mailloux, Joëlle Paré-Beaulieu, Anne Trudel. Une production de Théâtre Duceppe, présentée au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts jusqu’au 9 octobre.
Le Théâtre Duceppe lance sa saison 2021-2022 avec Manuel de la vie sauvage, une adaptation scénique du roman de Jean-Philippe Baril Guérard, écrivain, dramaturge, metteur en scène et comédien, qui signe lui-même le texte de cette version théâtrale. Connu pour ses œuvres aux thématiques très actuelles et dans lesquelles on assiste souvent à la descente aux enfers du héros ou de l’héroïne de l’histoire (pensons, notamment, au roman Royal ou, plus récemment, à Haute démolition), le prolifique auteur soulève cette fois des questions éthiques liées au milieu entrepreneurial et au domaine des technologies avec cette satire sur le monde des start-ups.
Cindy Bérard (interprétée avec assurance par Emmanuelle Lussier-Martinez), fondatrice de Technologies Huldu inc., crée une application de robot conversationnel permettant de garder contact avec des proches décédés. Les embûches rencontrées poussent l’équipe, formée de Laurent (Maxime Mailloux), d’Ève (Isabeau Blanche) et ultérieurement de Luc-Alain (Stéphane Demers), d’Arnaud (Patrick Emmanuel Abelard), de Camille (Anne Trudel) et de Claude (Joëlle Paré-Beaulieu), à prendre des décisions difficiles, souvent cruelles, au nom du bien et du succès de la compagnie.
La froideur avec laquelle certaines des actions sont commises nous place dans une situation d’inconfort, nous glace presque le sang. Les thèmes abordés nous forcent à nous positionner, entre autres, en ce qui concerne le mensonge et l’importance du paraître dans le monde des affaires. On ne peut faire autrement, non plus, que de se questionner sur les enjeux moraux entourant le fait de capitaliser sur la mort. Une habile ambiance musicale, signée Nicolas Basque, aux résonances parfois puissantes, parfois angoissantes, accompagne de façon ininterrompue les protagonistes et s’ajoute à l’insistant sentiment d’étrangeté qui se dégage de la pièce.
Le rire dans l’inconfort
Malgré la cruauté qui imprègne le texte, celui-ci n’est pas en reste en ce qui a trait à l’humour. La dualité entre le grinçant et le risible est efficace. Les comédien·nes livrent, en maintenant un rythme effréné et de façon irréprochable, une série de répliques cinglantes, mais parviennent aussi, de temps à autre, à susciter un malaise généralisé dans la salle. Les figures gravitant autour de Cindy, qui incarne la rigueur et la rigidité, amènent, pour leur part, un aspect déjanté à la pièce. Mentionnons particulièrement l’interprétation de Joëlle Paré-Beaulieu, d’Isabeau Blanche et de Stéphane Demers, dont les personnages déclenchent tour à tour de nombreux rires francs dans l’audience.
La mise en scène de Jean-Simon Traversy, parfaitement dynamique et souvent surprenante, nous transporte habilement dans un chassé-croisé entre les péripéties des jeunes entrepreneurs et entrepreneuses et la conférence que donne Cindy. L’intégration de la vidéo en direct, en plus de constituer un brillant élément scénographique et de reconduire le thème de l’omniprésence de la technologie dans nos vies, introduit une dimension intéressante en nous permettant d’accéder de près aux émotions camouflées au sein de ces personnages enlisés dans le mensonge. Le décor de Cédric Lord et les éclairages percutants de Julie Basse sont magnifiques et dépeignent avec justesse et créativité la confrontation entre l’euphorie du succès et la noirceur dans laquelle l’entreprise tend à s’enfoncer. Un spectacle sans temps mort, ficelé avec inventivité, qui inaugure franchement bien la saison chez Duceppe.
Manuel de la vie sauvage
Texte : Jean-Philippe Baril Guérard. Mise en scène : Jean-Simon Traversy. Décor : Cédric Lord. Costumes : Mérédith Caron. Éclairages : Julie Basse. Musique : Nicolas Basque. Vidéo : Julien Blais. Accessoires : Normand Blais. Assistance à la mise en scène et régie : Marie-Hélène Dufort. Avec Patrick Emmanuel Abellard, Isabeau Blanche, Stéphane Demers, Emmanuelle Lussier-Martinez, Maxime Mailloux, Joëlle Paré-Beaulieu, Anne Trudel. Une production de Théâtre Duceppe, présentée au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts jusqu’au 9 octobre.