Distribués sur la scène, réfrigérateurs, congélateurs et table d’embaumeur annoncent le théâtre de la vie et de la mort. Rémi, thanatologue et embaumeur à la morgue locale, sera bientôt emporté par ses troubles de comportements alimentaires (TCA). Lorsqu’il rencontre Morgane, un amour de jeunesse inassouvi, sa fuite en avant revient le hanter. Au sortir du secondaire, il a changé de vie pour changer de corps et de décor, pour se refaire une image positive de lui-même. Mais voilà que le passé ressurgit, ouvrant une fissure dans cette carapace artificielle.
Après Minçavi et Weight Watchers, après des années de contrôle de ses pulsions, la digue éclate. Avec Stan, rencontré dans un bar, ils décident alors de fonder Food Club, où il sera enfin permis de combler tous leurs désirs. En hommage au mythique Fight Club de Chuck Palahniuk, porté à l’écran par David Fincher, Food Club reprend cette idée de la lutte ultime pour ressentir à nouveau la vie. Là où l’autodestruction par le combat à mains nues animait Brad Pitt et Edward Norton dans le film, l’autodestruction passe ici par la nourriture. Mais contrairement à La Grande Bouffe de Marco Ferreri, où le suicide reposait sur la gourmandise et la bonne chère, il arrive par la malbouffe, sublime valeur de la révolte contre l’insaisissable rectitude alimentaire.
Samantha Clavet, auteure et metteuse en scène, attaque de front ce qu’elle perçoit comme une psychose collective : l’obsession de la nourriture au cœur de notre civilisation. Anorexie, boulimie, dysmorphie corporelle chez les garçons, chaos alimentaire… L’industrie, la mode, les courants sociaux conditionnent nos comportements, imposant toujours plus de contraintes, vers une uniformisation de nos besoins élémentaires.
« Combattre la peur de manger pour combattre la peur de vivre » devient le slogan rageur qui motive les membres du Food Club, faisant écho au « Maybe self-improvement isn’t the answer. Self-destruction is the answer »; la réponse n’est peut-être pas la recherche de perfection, mais l’autodestruction. Ce à quoi se consacreront les protagonistes de Food Club jusqu’au bout, jusqu’au sacrifice irrévocable de Rémi, victime d’une schizophrénie mortelle où les frigos tombent du ciel.
Fréquenter la mort pour sentir la vie
Les tensions sociales et les rivalités commerciales liées à l’alimentation ainsi que les pathologies physiques et psychiques qui en résultent se retrouvent en vrac dans le texte de Clavet. La confusion qui perturbe notre jugement et nous pousse du côté de la privation, de la culpabilité, du mal-être, d’une quête continuelle d’équilibre alimentaire, montre aussi son visage sur la scène. Cette confusion se reflète dans les enchaînements, dans certains passages nébuleux, dans des transitions confondantes. Comme si ce spectacle n’avait pas encore trouvé le ton juste.
Si l’intention de départ est claire, les moyens pour y parvenir le sont moins. Ainsi, Rémi, joué par le solide Paul Fruteau De Laclos, devient la marionnette de Stan, méconnaissable et diabolique Nicola Boulanger, et de Morgane, intrigante Anne-Justine Guestier. Ce trio toxique est porté par le reste de la troupe. Ils et elles sont le peuple qui illustre le rapport maladif que nous entretenons avec la nourriture et les déviances qui en découlent. La rage de se gaver de malbouffe à travers des défis de plus en plus scabreux est poussée jusqu’à son paroxysme. La pluie de frigos, annoncée d’entrée de jeu, devient ainsi la métaphore de la dislocation individuelle et sociale.
Mais les images coup de poing, dont certaines scènes répulsives de dégustation, quelques savoureux passages textuels et des slogans ravageurs ne suffisent pas. Il manque un petit quelque chose pour frapper au cœur de cette tragédie nord-américaine, pour que la sauce prenne. Car rien de ce qui touche la nourriture n’est anodin. On pourrait crier avec Marx : véganes et carnivores du monde entier, unissez-vous contre la dictature des consortiums alimentaires qui nous pourrissent la vie.
Texte et mise en scène : Samantha Clavet. Assistance à la mise en scène et direction de production : Marie-Noël Grenon. Mentorat : Amélie Bergeron et Joëlle Bond. Conception des éclairages, des costumes, de la trame sonore et du décor : Émile Couture, Dominique Giguère, Geneviève Bournival et Marie-Pier Faucher-Bégin. Avec David Boily, Nicola Boulanger, Paul Fruteau De Laclos, Anne-Justine Guestier, Marina Harvey, Edwige Morin, Catherine Simard, Gabriel Simard. Une production du Théâtre Escarpé, présentée au Théâtre Premier Acte jusqu’au 30 octobre 2021.
Distribués sur la scène, réfrigérateurs, congélateurs et table d’embaumeur annoncent le théâtre de la vie et de la mort. Rémi, thanatologue et embaumeur à la morgue locale, sera bientôt emporté par ses troubles de comportements alimentaires (TCA). Lorsqu’il rencontre Morgane, un amour de jeunesse inassouvi, sa fuite en avant revient le hanter. Au sortir du secondaire, il a changé de vie pour changer de corps et de décor, pour se refaire une image positive de lui-même. Mais voilà que le passé ressurgit, ouvrant une fissure dans cette carapace artificielle.
Après Minçavi et Weight Watchers, après des années de contrôle de ses pulsions, la digue éclate. Avec Stan, rencontré dans un bar, ils décident alors de fonder Food Club, où il sera enfin permis de combler tous leurs désirs. En hommage au mythique Fight Club de Chuck Palahniuk, porté à l’écran par David Fincher, Food Club reprend cette idée de la lutte ultime pour ressentir à nouveau la vie. Là où l’autodestruction par le combat à mains nues animait Brad Pitt et Edward Norton dans le film, l’autodestruction passe ici par la nourriture. Mais contrairement à La Grande Bouffe de Marco Ferreri, où le suicide reposait sur la gourmandise et la bonne chère, il arrive par la malbouffe, sublime valeur de la révolte contre l’insaisissable rectitude alimentaire.
Samantha Clavet, auteure et metteuse en scène, attaque de front ce qu’elle perçoit comme une psychose collective : l’obsession de la nourriture au cœur de notre civilisation. Anorexie, boulimie, dysmorphie corporelle chez les garçons, chaos alimentaire… L’industrie, la mode, les courants sociaux conditionnent nos comportements, imposant toujours plus de contraintes, vers une uniformisation de nos besoins élémentaires.
« Combattre la peur de manger pour combattre la peur de vivre » devient le slogan rageur qui motive les membres du Food Club, faisant écho au « Maybe self-improvement isn’t the answer. Self-destruction is the answer »; la réponse n’est peut-être pas la recherche de perfection, mais l’autodestruction. Ce à quoi se consacreront les protagonistes de Food Club jusqu’au bout, jusqu’au sacrifice irrévocable de Rémi, victime d’une schizophrénie mortelle où les frigos tombent du ciel.
Fréquenter la mort pour sentir la vie
Les tensions sociales et les rivalités commerciales liées à l’alimentation ainsi que les pathologies physiques et psychiques qui en résultent se retrouvent en vrac dans le texte de Clavet. La confusion qui perturbe notre jugement et nous pousse du côté de la privation, de la culpabilité, du mal-être, d’une quête continuelle d’équilibre alimentaire, montre aussi son visage sur la scène. Cette confusion se reflète dans les enchaînements, dans certains passages nébuleux, dans des transitions confondantes. Comme si ce spectacle n’avait pas encore trouvé le ton juste.
Si l’intention de départ est claire, les moyens pour y parvenir le sont moins. Ainsi, Rémi, joué par le solide Paul Fruteau De Laclos, devient la marionnette de Stan, méconnaissable et diabolique Nicola Boulanger, et de Morgane, intrigante Anne-Justine Guestier. Ce trio toxique est porté par le reste de la troupe. Ils et elles sont le peuple qui illustre le rapport maladif que nous entretenons avec la nourriture et les déviances qui en découlent. La rage de se gaver de malbouffe à travers des défis de plus en plus scabreux est poussée jusqu’à son paroxysme. La pluie de frigos, annoncée d’entrée de jeu, devient ainsi la métaphore de la dislocation individuelle et sociale.
Mais les images coup de poing, dont certaines scènes répulsives de dégustation, quelques savoureux passages textuels et des slogans ravageurs ne suffisent pas. Il manque un petit quelque chose pour frapper au cœur de cette tragédie nord-américaine, pour que la sauce prenne. Car rien de ce qui touche la nourriture n’est anodin. On pourrait crier avec Marx : véganes et carnivores du monde entier, unissez-vous contre la dictature des consortiums alimentaires qui nous pourrissent la vie.
Food Club
Texte et mise en scène : Samantha Clavet. Assistance à la mise en scène et direction de production : Marie-Noël Grenon. Mentorat : Amélie Bergeron et Joëlle Bond. Conception des éclairages, des costumes, de la trame sonore et du décor : Émile Couture, Dominique Giguère, Geneviève Bournival et Marie-Pier Faucher-Bégin. Avec David Boily, Nicola Boulanger, Paul Fruteau De Laclos, Anne-Justine Guestier, Marina Harvey, Edwige Morin, Catherine Simard, Gabriel Simard. Une production du Théâtre Escarpé, présentée au Théâtre Premier Acte jusqu’au 30 octobre 2021.