Critiques

Scalpel : Une enquête interactive

© Par Épisode

Scalpel, de la compagnie Par Épisode, est un spectacle théâtral interactif présenté en ligne. La technologie permet aux spectateurs et spectatrices de participer en tant que juré·es à ce procès concernant le meurtre d’un avocat, Albert Francœur, l’idée étant de remettre la justice entre les mains du peuple. Le décès de maître Francœur n’était qu’une mort naturelle jusqu’à ce qu’un journaliste, Léon Delisle, publie, trois mois plus tard, un livre qui révèle que la femme du juriste, la docteure Mathilde Francœur, l’aurait délibérément assassiné en l’opérant. Comment tuer son mari, ou la dérive de la médecine au féminin fait bien sûr scandale. Une enquête est donc ouverte. C’est en visioconférence (grâce à l’application Zoom) que le public est invité à regarder le spectacle en direct. Un espace de discussion est accessible à l’audience afin de partager des indices et d’énoncer des points de vue, ce qui confère à l’expérience un caractère collectif stimulant. Bien entendu, l’intérêt des interactions est appelé à varier selon les représentations, puisque celles-ci dépendent de l’implication du public présent chaque soir; il en va de même des périodes de questions lors desquelles les membres de l’auditoire peuvent s’adresser directement aux acteurs et actrices.

Le policier chargé du dossier, Yvon Beauregard, présente d’abord les résultats de son enquête en nous exposant les faits et la scène de crime. La victime souffrait du cœur et son épouse aurait voulu le sauver en lui installant un stimulateur cardiaque (pacemaker). Bien que l’intervention semblait s’être bien déroulée, le patient est décédé. Le journaliste Delisle ne cache pas son hostilité envers la docteure, car il prétend qu’elle a laissé mourir sa sœur alors qu’elle était malade et souhaite maintenant qu’elle perde son droit de pratique. Durant sa visite à l’hôpital de l’Hôtel–Dieu de Québec, où a eu lieu l’opération de la victime, il croise la maîtresse de ce dernier, Simone Joly, ainsi qu’un préposé de l’établissement de soin, Marcel Caron, qui paraît beaucoup s’intéresser aux détails technologiques du stimulateur cardiaque… Tous et toutes seront soupçonné·es d’avoir volontairement causé la mort d’Albert Francœur.

Reconstitutions réussies

Ils et elles sont donc les quatre personnages de ce suspense, en plus du policier qui gère le déroulement de ce procès sans juge ni avocats durant la vidéoconférence. Les suspect·es sont invité·es à se présenter et à faire leur déposition. Le public doit se faire une idée à partir des témoignages de chacun·e et des faits qu’expose Yvon Beauregard. L’intrigue, peu complexe, est facile à comprendre, et il est divertissant de deviner les liens qui peuvent être tissés entre les protagonistes de cette histoire et les détails des événements. Les différentes reconstitutions de ceux-ci, selon le point de vue subjectif de chaque suspect, sont bien réussies. Cependant, le jeu des comédiens et comédiennes est inégal. Il rappelle les jeux de meurtre et mystère, où les invité·es d’une soirée en ami·es doivent interpréter des personnages et soulignent parfois un peu trop généreusement leurs caractéristiques et spécificités. Néanmoins, la classe sociale à laquelle appartient chacun des individus soupçonnés apparaît clairement par le langage qu’ils utilisent : Mathilde Francœur, notamment, s’exprime avec un accent sophistiqué typique de la bourgeoisie des années 1950, époque à laquelle se déroule l’histoire et qui est bien représentée par les costumes et les décors de la production.

Scalpel comprend deux périodes de questions de 15 minutes chacune, au cours desquelles, les participant·es sont invité·es à interroger directement – par messages écrits ou encore en prenant la parole au cœur du spectacle – les comédien·nes dans leur rôle de suspect·es. L’idée est originale et amusante, et ceux et celles qui aiment les enquêtes policières seront ravi·es de faire partie de ce tribunal populaire.

Scalpel

Texte : Claude Montmigny et Caroline Stephenson. Mise en scène et direction artistique : Marika Henrichon. Assistance et régie du tournage : Laurent Marion. Tournage : Matthew Fournier, Hugo B. Lefort et Christian David. Avec Anne-Virginie Bérubé, Geneviève Boivin, Frédérique Bradet, Charles-Antoine Brochu, Karl-Patrice Dupuis, Jean-Michel Girouard, Denis Marchand, Karl-Patrice Dupuis et Philippe Savard. Une production de Par Épisode, présentée en ligne jusqu’au 21 décembre 2021.

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À propos de

Marjolaine Mckenzie possède une formation en théâtre et a joué dans plusieurs productions. Elle a fondé sa propre compagnie de théâtre en 2005, Papu Auass, qui veut dire enfant rieur en langue innue. Elle écrit des textes et s’implique dans la co-création de projets artistiques. Présentement, elle est stagiaire à la revue JEU.