Avec la congestion, annoncée jusqu’en 2024, en ce qui concerne la programmation des spectacles, qu’en est-il de la place réservée à la relève ? Comment sortir du lot et se frayer un chemin dans une voie où les embûches semblent s’être multipliées ? Quelles sont les craintes des nouveaux et nouvelles diplômé∙es ? Nous nous sommes entretenus avec le directeur artistique du Théâtre Premier Acte, Marc Gourdeau, la créatrice et directrice artistique adjointe du Théâtre La Licorne, Pascale Renaud-Hébert, ainsi qu’avec deux finissantes de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.
La comédienne Véronique Trottier a complété sa formation en théâtre au moment même où ceux-ci fermaient leurs portes une première fois. N’ayant pas eu droit à une véritable fin de parcours, elle s’est retrouvée dépourvue et face au vide beaucoup plus tôt que prévu. Qui plus est, malgré le fait qu’on apprenne bien des choses à l’école de théâtre, la suite est souvent bien peu envisagée, et les finissant∙es doivent faire preuve de débrouillardise pour découvrir les outils qui sont à leur portée.
Ce fut notamment le cas de Virginie Daigle, qui planche actuellement sur une création et qui a dû se tourner vers Google pour répondre à plusieurs de ses questionnements. Selon elle, il existe plusieurs outils destinés à la relève, mais il faut accroître la circulation de l’information pour que les mesures disponibles soient connues de tous et de toutes. Elle a, entre autres, fait appel à la Machinerie des arts et au programme Nouvelle Garde du Conseil des Arts de Montréal, afin de mieux comprendre les démarches relatives à la production d’un spectacle et aux demandes de subventions.
Cela dit, ce futur plus incertain que jamais fait peur à bon nombre de finissant∙es, surtout ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’avoir accès à un·e mentor·e ou à l’appui d’un∙e enseignant∙e pour leur projet de création. Même si sa passion est toujours présente et qu’elle souhaite vraiment se faire un nom dans le milieu, Véronique Trottier ne peut s’empêcher de songer à un plan B. « Il y a comme une frustration qui monte quand j’entends les propos des instances gouvernementales par rapport au milieu des arts et au statut de l’artiste au sein de la société, et je trouve cela vraiment décourageant. » Cette minimisation du rôle de la culture teinte les réflexions de ces jeunes diplômé∙es qui se remettent encore plus en question, dans un contexte déjà difficile. Les agences n’ont plus de place pour de nouveaux et nouvelles artistes, les auditions se font rares et peu de producteurs et productrices sont prêt∙es à prendre le risque d’engager un∙e comédien∙ne qu’ils ou elles ne connaissent pas.
Il y a aussi toute la question du manque de financement et de ressources qui accentue cette crainte. Une personne qui travaille sur un projet de création, comme c’est le cas de Virginie Daigle, se doit d’assumer plusieurs fonctions relatives à la production, étant donné qu’elle ne peut rémunérer tous ses collègues. Demander à des gens de participer à un projet pour lequel ils ne seront peut-être pas payés s’avère une tâche délicate. Même si elle a hâte de présenter sa création au grand public, elle redoute parfois l’épuisement psychologique dû à une surcharge de travail. Elle n’est pas la seule dans cette situation, et l’incertitude omniprésente causée, non pas seulement par le métier, mais par la pandémie, a un réel impact en ce qui concerne la santé mentale des artistes, qu’ils ou elles soient jeunes ou plus âgé·es, expérimenté·es ou non.
« Quel que soit le parcours effectué, la persévérance et le travail seront toujours salués. », estime la comédienne, autrice, et directrice artistique adjointe de La Licorne Pascale Renaud-Hébert, qui a obtenu son diplôme en 2014 du Conservatoire d’art dramatique de Québec. Dès sa sortie, elle a multiplié les demandes d’aide, de subventions et de mentorat. « Je n’ai jamais attendu et je n’ai pas eu peur de demander de l’aide, affirme-t-elle. Je pense qu’au début, il y a une forme de naïveté. On ne se demande pas ce que les gens vont penser et je crois que de surfer là-dessus, c’est bon. » Elle fait également mention de différentes initiatives destinées à promouvoir la relève au Québec. Le Festival du Jamais Lu et son volet L’accélérateur de particules, qui présente des extraits d’œuvres dont l’écriture est en cours, Les chantiers/constructions artistiques offerts par le Carrefour international de théâtre de Québec, le SAS Laboratoire de création, le festival Vue sur la relève et le festival Vous êtes ici, qui s’adresse aux nouveaux et nouvelles diplômé·es, font partie de ces moyens visant à mettre de l’avant de nouveaux créateurs et créatrices. « La clef, si tu veux développer un projet artistique, c’est : fais tout ce que tu peux, demande de l’aide et du mentorat. Moi, c’est ce qui m’a le plus aidée. », ajoute-t-elle.
Faire place à la relève
Une initiative concrète pour soutenir la relève artistique sera annoncée sous peu par le Théâtre La Licorne. En outre, il y a quelques mois, celui-ci a accueilli une nouvelle diplômée du Cégep de Saint-Hyacinthe, Louisa Guira, comme stagiaire à la direction artistique. Pascale Renaud-Hébert n’a que de bons mots à son endroit et souligne la nouvelle perspective qu’elle apporte quant à la création et aux textes. L’arrivée de celle-ci fait aussi en sorte que les décisions du théâtre sont prises par trois personnes de générations différentes, ce qui provoque des échanges stimulants, en raison du bagage distinct de chacun∙e.
Du côté du Théâtre Premier Acte, la mission première est d’offrir une place à la relève, ce qui teinte, bien sûr, soncalendrier théâtral. « On ne s’oblige pas à avoir un spectacle proposé par les diplômé·es en théâtre. La valeur artistique des projets déposés, en lien avec la programmation qu’on souhaite élaborer, demeure notre priorité. On essaye d’avoir des formes théâtrales et un contenu variés, un panorama de ce que le théâtre contemporain a à nous offrir », indique le directeur artistique Marc Gourdeau. Plusieurs collectifs vont présenter de premières œuvres à Premier Acte, ce qui leur permettra de se faire connaître et d’ensuite investir les scènes des théâtre Périscope, du Trident ou La Bordée. Malgré la visibilité que cela peut offrir à de nouveaux groupes, Marc Gourdeau estime qu’il pourrait tout de même y avoir un retard sur le plan des carrières individuelles de jeunes comédien∙nes, étant donné qu’un nombre important de spectacles devant être présentés cette année et l’an dernier ont été reportés et que leur distribution avait été déjà décidée depuis longtemps.
Cela dit, contrairement à plusieurs espaces de diffusion, La Licorne et Premier Acte ne sont pas en proie à un engorgement jusqu’en 2024. Ils ont présenté les pièces initialement prévues pour 2020 cette année, et leur programmation est presque complète pour l’an prochain. Tous les espoirs sont donc permis pour les années suivantes.
Il n’en demeure pas moins que se frayer un chemin parmi des talents confirmés et aimés du public n’est pas facile pour ces nouveaux et nouvelles diplômé∙es. Ils et elles doivent apprendre à faire leurs preuves dans ce petit milieu où, présentement, la précarité est plus grande que jamais.
Avec la congestion, annoncée jusqu’en 2024, en ce qui concerne la programmation des spectacles, qu’en est-il de la place réservée à la relève ? Comment sortir du lot et se frayer un chemin dans une voie où les embûches semblent s’être multipliées ? Quelles sont les craintes des nouveaux et nouvelles diplômé∙es ? Nous nous sommes entretenus avec le directeur artistique du Théâtre Premier Acte, Marc Gourdeau, la créatrice et directrice artistique adjointe du Théâtre La Licorne, Pascale Renaud-Hébert, ainsi qu’avec deux finissantes de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM.
La comédienne Véronique Trottier a complété sa formation en théâtre au moment même où ceux-ci fermaient leurs portes une première fois. N’ayant pas eu droit à une véritable fin de parcours, elle s’est retrouvée dépourvue et face au vide beaucoup plus tôt que prévu. Qui plus est, malgré le fait qu’on apprenne bien des choses à l’école de théâtre, la suite est souvent bien peu envisagée, et les finissant∙es doivent faire preuve de débrouillardise pour découvrir les outils qui sont à leur portée.
Ce fut notamment le cas de Virginie Daigle, qui planche actuellement sur une création et qui a dû se tourner vers Google pour répondre à plusieurs de ses questionnements. Selon elle, il existe plusieurs outils destinés à la relève, mais il faut accroître la circulation de l’information pour que les mesures disponibles soient connues de tous et de toutes. Elle a, entre autres, fait appel à la Machinerie des arts et au programme Nouvelle Garde du Conseil des Arts de Montréal, afin de mieux comprendre les démarches relatives à la production d’un spectacle et aux demandes de subventions.
Cela dit, ce futur plus incertain que jamais fait peur à bon nombre de finissant∙es, surtout ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’avoir accès à un·e mentor·e ou à l’appui d’un∙e enseignant∙e pour leur projet de création. Même si sa passion est toujours présente et qu’elle souhaite vraiment se faire un nom dans le milieu, Véronique Trottier ne peut s’empêcher de songer à un plan B. « Il y a comme une frustration qui monte quand j’entends les propos des instances gouvernementales par rapport au milieu des arts et au statut de l’artiste au sein de la société, et je trouve cela vraiment décourageant. » Cette minimisation du rôle de la culture teinte les réflexions de ces jeunes diplômé∙es qui se remettent encore plus en question, dans un contexte déjà difficile. Les agences n’ont plus de place pour de nouveaux et nouvelles artistes, les auditions se font rares et peu de producteurs et productrices sont prêt∙es à prendre le risque d’engager un∙e comédien∙ne qu’ils ou elles ne connaissent pas.
Il y a aussi toute la question du manque de financement et de ressources qui accentue cette crainte. Une personne qui travaille sur un projet de création, comme c’est le cas de Virginie Daigle, se doit d’assumer plusieurs fonctions relatives à la production, étant donné qu’elle ne peut rémunérer tous ses collègues. Demander à des gens de participer à un projet pour lequel ils ne seront peut-être pas payés s’avère une tâche délicate. Même si elle a hâte de présenter sa création au grand public, elle redoute parfois l’épuisement psychologique dû à une surcharge de travail. Elle n’est pas la seule dans cette situation, et l’incertitude omniprésente causée, non pas seulement par le métier, mais par la pandémie, a un réel impact en ce qui concerne la santé mentale des artistes, qu’ils ou elles soient jeunes ou plus âgé·es, expérimenté·es ou non.
« Quel que soit le parcours effectué, la persévérance et le travail seront toujours salués. », estime la comédienne, autrice, et directrice artistique adjointe de La Licorne Pascale Renaud-Hébert, qui a obtenu son diplôme en 2014 du Conservatoire d’art dramatique de Québec. Dès sa sortie, elle a multiplié les demandes d’aide, de subventions et de mentorat. « Je n’ai jamais attendu et je n’ai pas eu peur de demander de l’aide, affirme-t-elle. Je pense qu’au début, il y a une forme de naïveté. On ne se demande pas ce que les gens vont penser et je crois que de surfer là-dessus, c’est bon. » Elle fait également mention de différentes initiatives destinées à promouvoir la relève au Québec. Le Festival du Jamais Lu et son volet L’accélérateur de particules, qui présente des extraits d’œuvres dont l’écriture est en cours, Les chantiers/constructions artistiques offerts par le Carrefour international de théâtre de Québec, le SAS Laboratoire de création, le festival Vue sur la relève et le festival Vous êtes ici, qui s’adresse aux nouveaux et nouvelles diplômé·es, font partie de ces moyens visant à mettre de l’avant de nouveaux créateurs et créatrices. « La clef, si tu veux développer un projet artistique, c’est : fais tout ce que tu peux, demande de l’aide et du mentorat. Moi, c’est ce qui m’a le plus aidée. », ajoute-t-elle.
Faire place à la relève
Une initiative concrète pour soutenir la relève artistique sera annoncée sous peu par le Théâtre La Licorne. En outre, il y a quelques mois, celui-ci a accueilli une nouvelle diplômée du Cégep de Saint-Hyacinthe, Louisa Guira, comme stagiaire à la direction artistique. Pascale Renaud-Hébert n’a que de bons mots à son endroit et souligne la nouvelle perspective qu’elle apporte quant à la création et aux textes. L’arrivée de celle-ci fait aussi en sorte que les décisions du théâtre sont prises par trois personnes de générations différentes, ce qui provoque des échanges stimulants, en raison du bagage distinct de chacun∙e.
Du côté du Théâtre Premier Acte, la mission première est d’offrir une place à la relève, ce qui teinte, bien sûr, soncalendrier théâtral. « On ne s’oblige pas à avoir un spectacle proposé par les diplômé·es en théâtre. La valeur artistique des projets déposés, en lien avec la programmation qu’on souhaite élaborer, demeure notre priorité. On essaye d’avoir des formes théâtrales et un contenu variés, un panorama de ce que le théâtre contemporain a à nous offrir », indique le directeur artistique Marc Gourdeau. Plusieurs collectifs vont présenter de premières œuvres à Premier Acte, ce qui leur permettra de se faire connaître et d’ensuite investir les scènes des théâtre Périscope, du Trident ou La Bordée. Malgré la visibilité que cela peut offrir à de nouveaux groupes, Marc Gourdeau estime qu’il pourrait tout de même y avoir un retard sur le plan des carrières individuelles de jeunes comédien∙nes, étant donné qu’un nombre important de spectacles devant être présentés cette année et l’an dernier ont été reportés et que leur distribution avait été déjà décidée depuis longtemps.
Cela dit, contrairement à plusieurs espaces de diffusion, La Licorne et Premier Acte ne sont pas en proie à un engorgement jusqu’en 2024. Ils ont présenté les pièces initialement prévues pour 2020 cette année, et leur programmation est presque complète pour l’an prochain. Tous les espoirs sont donc permis pour les années suivantes.
Il n’en demeure pas moins que se frayer un chemin parmi des talents confirmés et aimés du public n’est pas facile pour ces nouveaux et nouvelles diplômé∙es. Ils et elles doivent apprendre à faire leurs preuves dans ce petit milieu où, présentement, la précarité est plus grande que jamais.