Le Virus et la proie : L’âge des machines
Avec Le Virus et la proie, l’essayiste Pierre Lefebvre poursuit sa collaboration féconde avec le Nouveau Théâtre Expérimental. Alors que dans Extramoyen, il constatait la disparition de la classe moyenne, il démontre cette fois qu’un abysse sépare désormais les pouvoirs – politique, économique, juridique – de la classe ouvrière. Un véritable trou noir, un non-lieu où triomphe l’inhumanité.
En s’adressant à un invisible et omnipotent « Monsieur », l’homme et la femme de la rue, incarné·es par quatre formidables interprètes, décrivent un monde désespérant dans lequel ils et elles se sentent les esclaves d’un système qui en fait des sacrifié·es sur l’autel du capitalisme sauvage à l’âge des machines qui broient tout sur leur chemin.
Le texte est dense, remarquable, percutant. Le metteur en scène Benoît Vermeulen l’a placé dans un espace vide, mais pleinement occupé par les corps des comédiens et comédiennes. La parole devient ainsi désespoir, violence, mais humour et réflexion également.
Alexis Martin excelle dans ce genre hybride entre littérature et théâtre. Son personnage nous émeut en parlant de sa mère qui agonise dans un CHSLD. Tania Kontoyanni prend des airs de Jeanne d’Arc en colère, prête à monter aux barricades. Les performances d’Etienne Lou et d’Eve Pressault sont du même ordre, convaincantes, vibrantes.
Le spectacle aurait pu sombrer dans un intellectualisme abscons. C’est tout le contraire qui se produit. Bien sûr, la pilule est dure à avaler par moments tant on reconnaît cette société qui est la nôtre, engoncée dans les sables mouvants des chiffres, de la croissance et de la productivité sans limites.
Mais, comme le souligne Pierre Lefebvre, aussi petits soient-ils, cette matière imbuvable est constituée d’innombrables grains de sable et ceux-ci auront toujours la capacité, même infime, de dérégler les engrenages du pouvoir.
Texte : Pierre Lefebvre. Mise en scène : Benoît Vermeulen. Assistance à la mise en scène et régie : Ariane Lamarre. Musique : Guido del Fabbro. Éclairages : Anne-Sara Gendron. Costumes et accessoires : Estelle Charron. Conseil en mouvement : Line Nault. Maquillage : Sandrine Bisson. Surtitrage : Élaine Normandeau. Direction technique : Caroline Turcot. Avec Tania Kontoyanni, Etienne Lou, Alexis Martin et Eve Pressault. Production déléguée : Nouveau Théâtre Expérimental. Une coproduction du Festival TransAmériques, du Théâtre français du Centre national des Arts (Ottawa), du Nouveau Théâtre Expérimental et du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, présentée à l’occasion du Festival TransAmériques au Théâtre Espace libre jusqu’au 31 mai 2022.
Malaise dans la civilisation : Théâtre de l’absurde
Peut-on entremêler philosophie et bouffonnerie, drame et absurde sur scène ? Avec Malaise dans la civilisation, Étienne Lepage et Alix Dufresne répondent en créant un véritable « no show », dont l’esprit s’apparente à celui du même nom présenté au FTA en 2014.
Quatre non-personnages entrent sur scène sans avertissement. Ils et elles portent le prénom de leurs interprètes : Renaud (Lacelle-Bourdon), Maxime (Genois), Florence (Blain Mbaye) et Alice (Moreault). Ces « touristes », de toute évidence, ne connaissent rien au théâtre, hésitent et finissent par s’approprier les lieux tout en échangeant avec le non-public, dont certain·es membres participeront au « spectacle ».
La plus candide ou brillante du groupe, selon le point de vue, Alice, posera des questions existentielles sur les raisons qui poussent à dire ou à faire telle ou telle chose. Les réponses ne peuvent renvoyer qu’à l’absurde de la part de ses trois ami·es insouciant·es qui explorent et touchent à tout comme des enfants dans un magasin de jouets.
Pendant un peu plus d’une heure, interprètes, spectateurs et spectatrices seront surpris·es, choqué·es, amusé·es par des répliques ridicules et des actions parfois très exigeantes physiquement. Étrangement, cette « fausse » pièce de théâtre expose ainsi une théâtralité des plus maîtrisées, où l’envers du décor devient peu à peu son devant.
À notre époque de remises en question postcovidiennes affectant tous les aspects de la société, et au-delà des beaux malaises vécus sur scène et dans la salle, les artisan·es du spectacle nous font réfléchir au théâtre, à son fonctionnement, à ses possibilités esthétiques, à son avenir. À moins que ce ne soit à propos de la vie elle-même.
Texte : Étienne Lepage. Mise en scène : Alix Dufresne et Étienne Lepage. Interprétation et cocréation : Florence Blain Mbaye, Maxime Genois, Renaud Lacelle-Bourdon et Alice Moreault. Scénographie et costumes : Odile Gamache. Éclairages : Leticia Hamaoui. Musique : Robert Marcel Lepage. Direction technique, assistance à la conception d’éclairage et régie : Ariane Roy. Production déléguée : DLD – Daniel Léveillé Danse. Une coproduction du Festival TransAmériques, de L’ANCRE – Théâtre Royal (Charleroi), de la Maison de la culture Marie-Uguay, d’Espace Le vrai monde, de la Salle de diffusion de Parc Extension et de DLD – Daniel Léveillé Danse, présentée à l’occasion du Festival TransAmériques au Théâtre Prospero jusqu’au 1er juin 2022.
Le Virus et la proie : L’âge des machines
Avec Le Virus et la proie, l’essayiste Pierre Lefebvre poursuit sa collaboration féconde avec le Nouveau Théâtre Expérimental. Alors que dans Extramoyen, il constatait la disparition de la classe moyenne, il démontre cette fois qu’un abysse sépare désormais les pouvoirs – politique, économique, juridique – de la classe ouvrière. Un véritable trou noir, un non-lieu où triomphe l’inhumanité.
En s’adressant à un invisible et omnipotent « Monsieur », l’homme et la femme de la rue, incarné·es par quatre formidables interprètes, décrivent un monde désespérant dans lequel ils et elles se sentent les esclaves d’un système qui en fait des sacrifié·es sur l’autel du capitalisme sauvage à l’âge des machines qui broient tout sur leur chemin.
Le texte est dense, remarquable, percutant. Le metteur en scène Benoît Vermeulen l’a placé dans un espace vide, mais pleinement occupé par les corps des comédiens et comédiennes. La parole devient ainsi désespoir, violence, mais humour et réflexion également.
Alexis Martin excelle dans ce genre hybride entre littérature et théâtre. Son personnage nous émeut en parlant de sa mère qui agonise dans un CHSLD. Tania Kontoyanni prend des airs de Jeanne d’Arc en colère, prête à monter aux barricades. Les performances d’Etienne Lou et d’Eve Pressault sont du même ordre, convaincantes, vibrantes.
Le spectacle aurait pu sombrer dans un intellectualisme abscons. C’est tout le contraire qui se produit. Bien sûr, la pilule est dure à avaler par moments tant on reconnaît cette société qui est la nôtre, engoncée dans les sables mouvants des chiffres, de la croissance et de la productivité sans limites.
Mais, comme le souligne Pierre Lefebvre, aussi petits soient-ils, cette matière imbuvable est constituée d’innombrables grains de sable et ceux-ci auront toujours la capacité, même infime, de dérégler les engrenages du pouvoir.
Le virus et la proie
Texte : Pierre Lefebvre. Mise en scène : Benoît Vermeulen. Assistance à la mise en scène et régie : Ariane Lamarre. Musique : Guido del Fabbro. Éclairages : Anne-Sara Gendron. Costumes et accessoires : Estelle Charron. Conseil en mouvement : Line Nault. Maquillage : Sandrine Bisson. Surtitrage : Élaine Normandeau. Direction technique : Caroline Turcot. Avec Tania Kontoyanni, Etienne Lou, Alexis Martin et Eve Pressault. Production déléguée : Nouveau Théâtre Expérimental. Une coproduction du Festival TransAmériques, du Théâtre français du Centre national des Arts (Ottawa), du Nouveau Théâtre Expérimental et du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, présentée à l’occasion du Festival TransAmériques au Théâtre Espace libre jusqu’au 31 mai 2022.
Malaise dans la civilisation : Théâtre de l’absurde
Peut-on entremêler philosophie et bouffonnerie, drame et absurde sur scène ? Avec Malaise dans la civilisation, Étienne Lepage et Alix Dufresne répondent en créant un véritable « no show », dont l’esprit s’apparente à celui du même nom présenté au FTA en 2014.
Quatre non-personnages entrent sur scène sans avertissement. Ils et elles portent le prénom de leurs interprètes : Renaud (Lacelle-Bourdon), Maxime (Genois), Florence (Blain Mbaye) et Alice (Moreault). Ces « touristes », de toute évidence, ne connaissent rien au théâtre, hésitent et finissent par s’approprier les lieux tout en échangeant avec le non-public, dont certain·es membres participeront au « spectacle ».
La plus candide ou brillante du groupe, selon le point de vue, Alice, posera des questions existentielles sur les raisons qui poussent à dire ou à faire telle ou telle chose. Les réponses ne peuvent renvoyer qu’à l’absurde de la part de ses trois ami·es insouciant·es qui explorent et touchent à tout comme des enfants dans un magasin de jouets.
Pendant un peu plus d’une heure, interprètes, spectateurs et spectatrices seront surpris·es, choqué·es, amusé·es par des répliques ridicules et des actions parfois très exigeantes physiquement. Étrangement, cette « fausse » pièce de théâtre expose ainsi une théâtralité des plus maîtrisées, où l’envers du décor devient peu à peu son devant.
À notre époque de remises en question postcovidiennes affectant tous les aspects de la société, et au-delà des beaux malaises vécus sur scène et dans la salle, les artisan·es du spectacle nous font réfléchir au théâtre, à son fonctionnement, à ses possibilités esthétiques, à son avenir. À moins que ce ne soit à propos de la vie elle-même.
Malaise dans la civilisation
Texte : Étienne Lepage. Mise en scène : Alix Dufresne et Étienne Lepage. Interprétation et cocréation : Florence Blain Mbaye, Maxime Genois, Renaud Lacelle-Bourdon et Alice Moreault. Scénographie et costumes : Odile Gamache. Éclairages : Leticia Hamaoui. Musique : Robert Marcel Lepage. Direction technique, assistance à la conception d’éclairage et régie : Ariane Roy. Production déléguée : DLD – Daniel Léveillé Danse. Une coproduction du Festival TransAmériques, de L’ANCRE – Théâtre Royal (Charleroi), de la Maison de la culture Marie-Uguay, d’Espace Le vrai monde, de la Salle de diffusion de Parc Extension et de DLD – Daniel Léveillé Danse, présentée à l’occasion du Festival TransAmériques au Théâtre Prospero jusqu’au 1er juin 2022.