Par un beau dimanche de retrouvailles urbaines où la ville explose de sa joie d’enfin prendre l’air sous un chaud soleil préestival, deux danseurs aux profils latins, vêtus comme des barmen du Copacabana en 1979, prennent place au centre d’une plateforme installée dans le giron du Marché Maisonneuve.
Sous les regards ravis d’une petite foule juchée dans des marches d’escaliers et de passant·es piqué·es par la curiosité, Giancarlo Stagni et Giovanfrancesco Gianni s’élancent dans une vertigineuse prestation sur des airs de techno. Leur virevolte évoque parfois le tango, parfois le patinage artistique ou une compétition de danse sociale.
Création du chorégraphe italien Alessandro Sciarroni, Save the last dance for me est une sorte d’hommage mimétique à une tradition bolognaise folklorique : la Polka Chinata. Il s’agissait d’une danse de séduction pratiquée exclusivement par des hommes, qui a vu le jour au début des années 1900. Yeux dans les yeux, sourires fougueux, Gianmaria Borzillo et Giovrancesco Giannini exécutent avec sensualité, rapidité et agilité les prouesses, parfois acrobatiques, de cette chorégraphie aux mouvements inspirés par des vidéos d’archives des années 1960.
Vingt minutes hypnotiques, qui nous transportent dans une époque et dans un lieu de convivialité italienne, tout en bousculant les rôles de genre. Un rituel d’hier qui invite à regarder une masculinité sensuelle, sexuelle, dépourvue de machisme et de barrières patriarcales. Une vision d’ouverture, une rencontre sous le signe du plaisir, de la douce provocation et de la physicalité, qui génère une réelle réflexion sur les stéréotypes – passés, présents, futurs – et la façon dont la danse participe à l’invention des identités de genre dans l’espace public.
Création et chorégraphie : Alessandro Sciarroni. Collaboration artistique : Giancarlo Stagni. Musique : Aurora Bauzà et Père Jou (Telemann Rec.) Avec Gianmaria Borzillo et Giovrancesco Giannini. Une production de Corpoceleste_C.C.00# et du MARCHE TEATRO-Teatro di Rivelante Interesse Culturale, en coproduction avec le Santarcangelo Festival (Santarcangelo di Romagna), le B.Motion (Bassana del Grappa) et le Festival Danza Urbana (Bologne), présentée jusqu’au 1er juin à la Cité-des-Hospitalières ainsi que les 2 et 3 juin à la Casa d’Italia, à l’occasion du Festival TransAmériques.
L’homme rare : Des hommes en or
Du côté de la chorégraphe d’origine ivoirienne Nadia Beugré, créatrice de L’Homme rare, la masculinité est examinée à travers une réflexion sur la marchandisation, l’exploitation et la réification des corps. On se retrouve ici dans des codes esthétiques très crus qui, encore une fois, confrontent le spectateur ou la spectatrice dans son rôle de participant·e s’inscrivant dans un rapport de dominant·e-dominés face aux corps africains.
Cinq danseurs masculins – deux à la peau blanche, trois à la peau noire – font leur entrée en traversant les gradins du Théâtre Rouge, s’amusant sur le reggae de Serge Gainsbourg. Puis, une fois sur scène, les corps se dénudent et se présentent de dos au public. Les mains se plantent sur les fessiers des uns et des autres, faisant claquer l’épiderme et créant un concert percussif ancré dans la chair. Les mouvements sont crus, viscéraux, ondulés, provocateurs. Impossible d’échapper à la sensation d’être voyeurs et voyeuses d’une intimité qui porte la douleur héritée de l’humiliation des corps africains par le colonialisme.
Les yeux grands ouverts, on regarde avec notre subjectivité occidentale ces corps sculptés se triturer, enfiler des talons aiguilles rouges, s’enlacer, créer des formes mystiques. Des draps blancs contribuent aussi à brouiller les codes de genre : les danseurs les drapent autour d’eux comme des hijabs, les étendent au sol comme tapis pour prier, s’y vautrent comme dans des cocons…
En révélant au public l’arrière-pays de son inconscient, Nadia Beugré frappe très fort avec cet Homme rare. Sans artifice inutile, elle a recours à son imaginaire pour recréer les contours de stéréotypes et de normes autour de l’idéal corporel masculin et de la construction d’un exotisme à des fins de marchandisation.
Ce qui prend forme, c’est une danse avec le public, qui invite à l’introspection et à une remise en question des certitudes à la source de notre subjectivité.
Création et chorégraphie : Nadia Beugré. Regard extérieur : Faustin Linyekula. Musique : Serge Gainsbourg, Lucas, Nicot et percussions d’Oblio, RDC. Direction technique et conception lumières : Anthony Merlaud. Avec Nadim Bahsoun, Daouida Keita, Lucas Nicot, Adonis Nebié et Tahi Vadel Guei. Une production de Virginie Dupray – Libr’Arts, en coproduction avec Studios Kabako, Latitudes Contemporaines, Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), le Théâtre de la Ville (Paris), le Festival d’Automne à Paris, Montpellier Danse, CCN2 – Centre Chorégraphique National de Grenoble, le Centre Chorégraphique National d’Orléans, Kunstencentrum Vooruit (Gand), le Musée de la Danse – Centre Chorégraphique National de Rennes et de Bretagne, BIT Teatergarasjen (Bergen) et le Théâtre de Nîmes, présentée au Théâtre Rouge du Conservatoire à l’occasion du Festival TransAmériques jusqu’au 1er juin 2022.
Par un beau dimanche de retrouvailles urbaines où la ville explose de sa joie d’enfin prendre l’air sous un chaud soleil préestival, deux danseurs aux profils latins, vêtus comme des barmen du Copacabana en 1979, prennent place au centre d’une plateforme installée dans le giron du Marché Maisonneuve.
Sous les regards ravis d’une petite foule juchée dans des marches d’escaliers et de passant·es piqué·es par la curiosité, Giancarlo Stagni et Giovanfrancesco Gianni s’élancent dans une vertigineuse prestation sur des airs de techno. Leur virevolte évoque parfois le tango, parfois le patinage artistique ou une compétition de danse sociale.
Création du chorégraphe italien Alessandro Sciarroni, Save the last dance for me est une sorte d’hommage mimétique à une tradition bolognaise folklorique : la Polka Chinata. Il s’agissait d’une danse de séduction pratiquée exclusivement par des hommes, qui a vu le jour au début des années 1900. Yeux dans les yeux, sourires fougueux, Gianmaria Borzillo et Giovrancesco Giannini exécutent avec sensualité, rapidité et agilité les prouesses, parfois acrobatiques, de cette chorégraphie aux mouvements inspirés par des vidéos d’archives des années 1960.
Vingt minutes hypnotiques, qui nous transportent dans une époque et dans un lieu de convivialité italienne, tout en bousculant les rôles de genre. Un rituel d’hier qui invite à regarder une masculinité sensuelle, sexuelle, dépourvue de machisme et de barrières patriarcales. Une vision d’ouverture, une rencontre sous le signe du plaisir, de la douce provocation et de la physicalité, qui génère une réelle réflexion sur les stéréotypes – passés, présents, futurs – et la façon dont la danse participe à l’invention des identités de genre dans l’espace public.
Save the last dance for me
Création et chorégraphie : Alessandro Sciarroni. Collaboration artistique : Giancarlo Stagni. Musique : Aurora Bauzà et Père Jou (Telemann Rec.) Avec Gianmaria Borzillo et Giovrancesco Giannini. Une production de Corpoceleste_C.C.00# et du MARCHE TEATRO-Teatro di Rivelante Interesse Culturale, en coproduction avec le Santarcangelo Festival (Santarcangelo di Romagna), le B.Motion (Bassana del Grappa) et le Festival Danza Urbana (Bologne), présentée jusqu’au 1er juin à la Cité-des-Hospitalières ainsi que les 2 et 3 juin à la Casa d’Italia, à l’occasion du Festival TransAmériques.
L’homme rare : Des hommes en or
Du côté de la chorégraphe d’origine ivoirienne Nadia Beugré, créatrice de L’Homme rare, la masculinité est examinée à travers une réflexion sur la marchandisation, l’exploitation et la réification des corps. On se retrouve ici dans des codes esthétiques très crus qui, encore une fois, confrontent le spectateur ou la spectatrice dans son rôle de participant·e s’inscrivant dans un rapport de dominant·e-dominés face aux corps africains.
Cinq danseurs masculins – deux à la peau blanche, trois à la peau noire – font leur entrée en traversant les gradins du Théâtre Rouge, s’amusant sur le reggae de Serge Gainsbourg. Puis, une fois sur scène, les corps se dénudent et se présentent de dos au public. Les mains se plantent sur les fessiers des uns et des autres, faisant claquer l’épiderme et créant un concert percussif ancré dans la chair. Les mouvements sont crus, viscéraux, ondulés, provocateurs. Impossible d’échapper à la sensation d’être voyeurs et voyeuses d’une intimité qui porte la douleur héritée de l’humiliation des corps africains par le colonialisme.
Les yeux grands ouverts, on regarde avec notre subjectivité occidentale ces corps sculptés se triturer, enfiler des talons aiguilles rouges, s’enlacer, créer des formes mystiques. Des draps blancs contribuent aussi à brouiller les codes de genre : les danseurs les drapent autour d’eux comme des hijabs, les étendent au sol comme tapis pour prier, s’y vautrent comme dans des cocons…
En révélant au public l’arrière-pays de son inconscient, Nadia Beugré frappe très fort avec cet Homme rare. Sans artifice inutile, elle a recours à son imaginaire pour recréer les contours de stéréotypes et de normes autour de l’idéal corporel masculin et de la construction d’un exotisme à des fins de marchandisation.
Ce qui prend forme, c’est une danse avec le public, qui invite à l’introspection et à une remise en question des certitudes à la source de notre subjectivité.
L’homme rare
Création et chorégraphie : Nadia Beugré. Regard extérieur : Faustin Linyekula. Musique : Serge Gainsbourg, Lucas, Nicot et percussions d’Oblio, RDC. Direction technique et conception lumières : Anthony Merlaud. Avec Nadim Bahsoun, Daouida Keita, Lucas Nicot, Adonis Nebié et Tahi Vadel Guei. Une production de Virginie Dupray – Libr’Arts, en coproduction avec Studios Kabako, Latitudes Contemporaines, Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles), le Théâtre de la Ville (Paris), le Festival d’Automne à Paris, Montpellier Danse, CCN2 – Centre Chorégraphique National de Grenoble, le Centre Chorégraphique National d’Orléans, Kunstencentrum Vooruit (Gand), le Musée de la Danse – Centre Chorégraphique National de Rennes et de Bretagne, BIT Teatergarasjen (Bergen) et le Théâtre de Nîmes, présentée au Théâtre Rouge du Conservatoire à l’occasion du Festival TransAmériques jusqu’au 1er juin 2022.