Qaumma : Œuvre de mémoire
Présenté au Vox, centre de l’image contemporaine, le spectacle Qaumma, cocréé et interprété par les artistes Laakkuluk Williamson Bathory et Vinnie Karetak, prend place dans une petite salle sans prétention, où les spectateurs et spectatrices sont libres d’entrer et de sortir comme ils et elles le souhaitent. Le but, tel qu’annoncé avant la représentation, est de faire de l’espace théâtral un lieu unique, inclusif et sécuritaire, dans lequel personne ne peut se sentir pris au piège. C’est donc dans ce climat accueillant que Williamson Bathory et Karetak racontent l’histoire des déplacements forcés de leurs ancêtres d’Iqaluit, déployant ainsi la beauté du Nunavut tout en passant par la violence et la noirceur imposées par les colonisateurs et colonisatrices.
Le public est en cercle autour d’une structure de drap illuminée de l’intérieur, qui évoque habilement les glaciers du Grand Nord. Les comédien·nes circulent tout au long de la représentation entre le glacier et l’auditoire, dans un mouvement circulaire, qui deviendra répétitif à la longue, en s’adressant directement à celles et ceux qui les regardent : « You may feel that this story is not about you. But it is. »
Le récit, malgré sa pertinence, reste difficile à suivre : le texte étant souvent lu plutôt qu’appris par cœur, le ton déclamatoire empêche la compréhension des différentes nuances de l’histoire et de ses effets sur Williamson Bathory et Karetak. Cependant, lorsque les artistes sortent de la parole pour incarner dans leur corps certaines scènes, leur gestuelle vivante et maîtrisée, presque dansante, est beaucoup plus éloquente.
Grâce à la mise en scène de Williamson Bathory et aux jeux de lumière adroitement orchestrés par Catherine FP, la tension entre l’écrasante religion catholique et la volonté de subsistance de la culture inuite est au cœur du spectacle. Comme tableau final, les deux interprètes se réapproprient des tambours traditionnels dont les colonisateurs et colonisatrices avaient auparavant ordonné la destruction. C’est donc sous un signe de révolte, de liberté et de chants passionnés que se termine la courte représentation, dont le texte maladroit se voit sauvé par la dernière danse.
Création : Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory. Rédaction : Catherine Girardin. Traduction : David Dalgleish et Maude Labelle. Musique : Aqqalu Berthelsen. Lumières : Catherine FP. Conception sonore : Jean Gaudreau. Avec Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory. Une coproduction du Festival TransAmériques, en coproduction avec Vox, centre de l’image contemporaine et la Fondation Cole, présentée à Vox, centre de l’image contemporaine jusqu’au 7 juin 2022.
Face to Face : Laboratoire des gestuelles
Après sa première mondiale à Toronto en avril 2022, la nouvelle création du chorégraphe et danseur Naishi Wang se dépose maintenant au théâtre La Chapelle jusqu’au 8 juin. Accompagné, dans le travail comme sur scène, par l’interprète Lukas Malkowski, Wang présente une pièce dont les différents tableaux tendent à déployer les multiples moyens qu’a le corps pour se faire comprendre et entendre. Influencé par nos modes de communication virtuelle, l’artiste torontois réinvestit les emojis et leurs déclinaisons dans un duo sensuel et ludique.
Pris entre les mondes réel et numérique, les deux danseurs se retrouvent la plupart du temps face à face, et ont parfois affaire à la projection de leur partenaire sur un petit ou un grand écran. L’image préenregistrée de l’un interagit avec celle tangible et présente de son vis-à-vis, créant un dialogue en deux espaces-temps où le contact n’est qu’illusoire.
Dans tous les cas, la tentative d’une étreinte est toujours esquissée, les jeux de regards et de mimétisme, mis de l’avant : l’envie d’entrer en relation est omniprésente, les mouvements servent de pont entre soi et l’autre.
C’est avec une habileté et une fluidité désarmantes que Wang et Malkowski évoluent sur scène. Ils tremblent, ils glissent, ils grimacent et, surtout, ils se fixent et s’enlacent, se cherchant par le geste. Leur agilité dans le mouvement est belle à voir: elle captive et impressionne.
Bien que la pièce ne dure qu’une heure, plusieurs longueurs alourdissent l’œuvre et étirent les moments de magies. Mis à part les surfaces blanches recevant les projections et les quelques apports musicaux, la scène est nue et seuls les bruits de respiration se font entendre et les trop longs instants de latence brisent le rythme pourtant si bien soutenu lorsque Wang et Malkowski sont ensemble dans la performance. Ce sont ces trop nombreux silences qui incitent à voir Face to Face comme un laboratoire d’exploration, dans lequel un temps de réflexion semble être de mise entre chacun des tableaux.
Idéation et chorégraphie : Naishi Wang. Cocréation : Lukas Malkowski. Dramaturgie et vidéo : Ivy Wang. Assistance vidéo : Henry Mak. Conception sonore : Wen Yang Ho. Costumes : Adam X. Regard extérieur : Ginelle Chagnon. Direction technique : Emerson Kafarowski. Administration : Dance Umbrella of Ontario. Une coproduction du Festival TransAmériques et de Citadel+Company (Toronto), présentée à La Chapelle Scènes Contemporaines jusqu’au 8 juin 2022.
Qaumma : Œuvre de mémoire
Présenté au Vox, centre de l’image contemporaine, le spectacle Qaumma, cocréé et interprété par les artistes Laakkuluk Williamson Bathory et Vinnie Karetak, prend place dans une petite salle sans prétention, où les spectateurs et spectatrices sont libres d’entrer et de sortir comme ils et elles le souhaitent. Le but, tel qu’annoncé avant la représentation, est de faire de l’espace théâtral un lieu unique, inclusif et sécuritaire, dans lequel personne ne peut se sentir pris au piège. C’est donc dans ce climat accueillant que Williamson Bathory et Karetak racontent l’histoire des déplacements forcés de leurs ancêtres d’Iqaluit, déployant ainsi la beauté du Nunavut tout en passant par la violence et la noirceur imposées par les colonisateurs et colonisatrices.
Le public est en cercle autour d’une structure de drap illuminée de l’intérieur, qui évoque habilement les glaciers du Grand Nord. Les comédien·nes circulent tout au long de la représentation entre le glacier et l’auditoire, dans un mouvement circulaire, qui deviendra répétitif à la longue, en s’adressant directement à celles et ceux qui les regardent : « You may feel that this story is not about you. But it is. »
Le récit, malgré sa pertinence, reste difficile à suivre : le texte étant souvent lu plutôt qu’appris par cœur, le ton déclamatoire empêche la compréhension des différentes nuances de l’histoire et de ses effets sur Williamson Bathory et Karetak. Cependant, lorsque les artistes sortent de la parole pour incarner dans leur corps certaines scènes, leur gestuelle vivante et maîtrisée, presque dansante, est beaucoup plus éloquente.
Grâce à la mise en scène de Williamson Bathory et aux jeux de lumière adroitement orchestrés par Catherine FP, la tension entre l’écrasante religion catholique et la volonté de subsistance de la culture inuite est au cœur du spectacle. Comme tableau final, les deux interprètes se réapproprient des tambours traditionnels dont les colonisateurs et colonisatrices avaient auparavant ordonné la destruction. C’est donc sous un signe de révolte, de liberté et de chants passionnés que se termine la courte représentation, dont le texte maladroit se voit sauvé par la dernière danse.
Qaumma
Création : Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory. Rédaction : Catherine Girardin. Traduction : David Dalgleish et Maude Labelle. Musique : Aqqalu Berthelsen. Lumières : Catherine FP. Conception sonore : Jean Gaudreau. Avec Vinnie Karetak et Laakkuluk Williamson Bathory. Une coproduction du Festival TransAmériques, en coproduction avec Vox, centre de l’image contemporaine et la Fondation Cole, présentée à Vox, centre de l’image contemporaine jusqu’au 7 juin 2022.
Face to Face : Laboratoire des gestuelles
Après sa première mondiale à Toronto en avril 2022, la nouvelle création du chorégraphe et danseur Naishi Wang se dépose maintenant au théâtre La Chapelle jusqu’au 8 juin. Accompagné, dans le travail comme sur scène, par l’interprète Lukas Malkowski, Wang présente une pièce dont les différents tableaux tendent à déployer les multiples moyens qu’a le corps pour se faire comprendre et entendre. Influencé par nos modes de communication virtuelle, l’artiste torontois réinvestit les emojis et leurs déclinaisons dans un duo sensuel et ludique.
Pris entre les mondes réel et numérique, les deux danseurs se retrouvent la plupart du temps face à face, et ont parfois affaire à la projection de leur partenaire sur un petit ou un grand écran. L’image préenregistrée de l’un interagit avec celle tangible et présente de son vis-à-vis, créant un dialogue en deux espaces-temps où le contact n’est qu’illusoire.
Dans tous les cas, la tentative d’une étreinte est toujours esquissée, les jeux de regards et de mimétisme, mis de l’avant : l’envie d’entrer en relation est omniprésente, les mouvements servent de pont entre soi et l’autre.
C’est avec une habileté et une fluidité désarmantes que Wang et Malkowski évoluent sur scène. Ils tremblent, ils glissent, ils grimacent et, surtout, ils se fixent et s’enlacent, se cherchant par le geste. Leur agilité dans le mouvement est belle à voir: elle captive et impressionne.
Bien que la pièce ne dure qu’une heure, plusieurs longueurs alourdissent l’œuvre et étirent les moments de magies. Mis à part les surfaces blanches recevant les projections et les quelques apports musicaux, la scène est nue et seuls les bruits de respiration se font entendre et les trop longs instants de latence brisent le rythme pourtant si bien soutenu lorsque Wang et Malkowski sont ensemble dans la performance. Ce sont ces trop nombreux silences qui incitent à voir Face to Face comme un laboratoire d’exploration, dans lequel un temps de réflexion semble être de mise entre chacun des tableaux.
Face to Face
Idéation et chorégraphie : Naishi Wang. Cocréation : Lukas Malkowski. Dramaturgie et vidéo : Ivy Wang. Assistance vidéo : Henry Mak. Conception sonore : Wen Yang Ho. Costumes : Adam X. Regard extérieur : Ginelle Chagnon. Direction technique : Emerson Kafarowski. Administration : Dance Umbrella of Ontario. Une coproduction du Festival TransAmériques et de Citadel+Company (Toronto), présentée à La Chapelle Scènes Contemporaines jusqu’au 8 juin 2022.