C’est une soirée sous le signe du romantisme et de l’hybridité que nous propose le Théâtre La Licorne avec l’adaptation en français d’Un violon discordant, une production de 2b theatre company, présentée par La Manufacture. D’abord créé à Halifax en 2018, ce court objet théâtral d’une heure dix, construit à partir d’une nouvelle de Yann Martel, a précédemment été de passage à New York et Mumbai.
Dans sa forme montréalaise – traduite par Maryse Varda – Un violon discordant revêt une couleur locale qui s’allie assez habilement avec ses origines anglo-canadiennes et ses influences américaines. Le résultat est un spectacle unique, non sans faille, mais qui offre matière à réflexion sur le pouvoir de l’art comme ancrage à la vie, malgré les guerres, la corruption, les errances du système.
Les lecteurs et lectrices de Yann Martel sauront repérer le caractère cosmopolite de l’auteur de L’Histoire de Pi à travers le personnage interprété par Anthony Black. Celui-ci livre un monologue sans demi-mesure, qui traduit les idéaux artistiques et intellectuels d’un jeune homme en quête de lui-même. Dans un français teinté d’un accent anglophone, Black défend avec cœur et ainsi qu’avec une immense sincérité cet homme à la mi-temps de la vie, qui revisite sa jeunesse de même qu’un séjour à Washington ayant eu lieu en août 2001.
Ce personnage fait référence à un concert de vétérans du Vietnam. Il évoque sa valse-hésitation à s’engager dans une carrière, confie ses désillusions hâtives face à l’âge adulte, parle d’un ami ayant vendu son âme à la haute finance et à ses complices aux mœurs douteuses de la trempe de Donald Trump. Il se présente sans filtre, sans ironie, à vif, avec la grande vulnérabilité de ceux et celles qui sont éternellement déçu·es.
Méditation musicale
Sur la scène intimiste de La Licorne, des chaises droites sont placées au cœur d’un décor sombre, qui recrée un théâtre vétuste en ruines. Aux côtés du narrateur, un violoniste (Jacques Mindreau) exécute avec virtuosité une trame sonore (conçue par Aaron Collier) qui teinte la pièce d’une aura de grandeur, de sublime. Cette présence musicale est d’ailleurs un aspect très fort et incarné du spectacle, dont le caractère un peu « verbeux » peut à l’occasion agacer.
Certes, l’écriture de Yann Martel est agile, poétique, profonde : il sait capter les angoisses, les questionnements, l’abysse spirituel, les paradoxes de sa génération. Or, transposée pour la scène, cette (sur)écriture s’égare par moments dans des réflexions caduques et le fatalisme d’une jeunesse apeurée, qui peut parfois lasser.
En revanche, la présence scénique d’Anthony Black est captivante, tonique : cet acteur arrive vraiment à garder le public captif, à transmettre avec une authenticité absolue la soif de sens de cet homme qui cherche à recoller les morceaux de sa vie et, par ricochet, de son monde.
Finalement, la danse entre le narrateur et l’irrésistible musique du violon de Jacques Mindreau culmine dans un crescendo torride et hypnotique. La mise en scène d’Anthony Black et Ann-Marie Kerr table sur l’aspect dramatique, jumelant ombres et lumières, intensités musicales et mouvements déchaînés. De sorte que ce bref moment théâtral, en dépit de certaines lourdeurs, s’apprécie comme une réelle méditation sur le pouvoir de l’art, une descente dans le passé pas si lointain d’un homme témoin des débâcles possibles du capitalisme et habité de sa propre quête d’un idéal de beauté. Et cela est tout, sauf banal.
Texte : Anthony Black, à partir d’une nouvelle de Yann Martel. Traduction : Maryse Warda. Mise en scène : Anthony Black et Ann-Marie Kerr. Assistance à la mise en scène : Anna Shepard. Décor : Anthony Black. Costumes : Emlyn Murray. Direction musicale et conception sonore : Aaron Collier. Musique originale : Aaron Collier et Jacques Mindreau. Avec Anthony Black et Jacques Mindreau. Une production de 2b theatre company, présentée par La Manufacture au Théâtre La Licorne jusqu’au 24 septembre 2022.
C’est une soirée sous le signe du romantisme et de l’hybridité que nous propose le Théâtre La Licorne avec l’adaptation en français d’Un violon discordant, une production de 2b theatre company, présentée par La Manufacture. D’abord créé à Halifax en 2018, ce court objet théâtral d’une heure dix, construit à partir d’une nouvelle de Yann Martel, a précédemment été de passage à New York et Mumbai.
Dans sa forme montréalaise – traduite par Maryse Varda – Un violon discordant revêt une couleur locale qui s’allie assez habilement avec ses origines anglo-canadiennes et ses influences américaines. Le résultat est un spectacle unique, non sans faille, mais qui offre matière à réflexion sur le pouvoir de l’art comme ancrage à la vie, malgré les guerres, la corruption, les errances du système.
Les lecteurs et lectrices de Yann Martel sauront repérer le caractère cosmopolite de l’auteur de L’Histoire de Pi à travers le personnage interprété par Anthony Black. Celui-ci livre un monologue sans demi-mesure, qui traduit les idéaux artistiques et intellectuels d’un jeune homme en quête de lui-même. Dans un français teinté d’un accent anglophone, Black défend avec cœur et ainsi qu’avec une immense sincérité cet homme à la mi-temps de la vie, qui revisite sa jeunesse de même qu’un séjour à Washington ayant eu lieu en août 2001.
Ce personnage fait référence à un concert de vétérans du Vietnam. Il évoque sa valse-hésitation à s’engager dans une carrière, confie ses désillusions hâtives face à l’âge adulte, parle d’un ami ayant vendu son âme à la haute finance et à ses complices aux mœurs douteuses de la trempe de Donald Trump. Il se présente sans filtre, sans ironie, à vif, avec la grande vulnérabilité de ceux et celles qui sont éternellement déçu·es.
Méditation musicale
Sur la scène intimiste de La Licorne, des chaises droites sont placées au cœur d’un décor sombre, qui recrée un théâtre vétuste en ruines. Aux côtés du narrateur, un violoniste (Jacques Mindreau) exécute avec virtuosité une trame sonore (conçue par Aaron Collier) qui teinte la pièce d’une aura de grandeur, de sublime. Cette présence musicale est d’ailleurs un aspect très fort et incarné du spectacle, dont le caractère un peu « verbeux » peut à l’occasion agacer.
Certes, l’écriture de Yann Martel est agile, poétique, profonde : il sait capter les angoisses, les questionnements, l’abysse spirituel, les paradoxes de sa génération. Or, transposée pour la scène, cette (sur)écriture s’égare par moments dans des réflexions caduques et le fatalisme d’une jeunesse apeurée, qui peut parfois lasser.
En revanche, la présence scénique d’Anthony Black est captivante, tonique : cet acteur arrive vraiment à garder le public captif, à transmettre avec une authenticité absolue la soif de sens de cet homme qui cherche à recoller les morceaux de sa vie et, par ricochet, de son monde.
Finalement, la danse entre le narrateur et l’irrésistible musique du violon de Jacques Mindreau culmine dans un crescendo torride et hypnotique. La mise en scène d’Anthony Black et Ann-Marie Kerr table sur l’aspect dramatique, jumelant ombres et lumières, intensités musicales et mouvements déchaînés. De sorte que ce bref moment théâtral, en dépit de certaines lourdeurs, s’apprécie comme une réelle méditation sur le pouvoir de l’art, une descente dans le passé pas si lointain d’un homme témoin des débâcles possibles du capitalisme et habité de sa propre quête d’un idéal de beauté. Et cela est tout, sauf banal.
Un violon discordant
Texte : Anthony Black, à partir d’une nouvelle de Yann Martel. Traduction : Maryse Warda. Mise en scène : Anthony Black et Ann-Marie Kerr. Assistance à la mise en scène : Anna Shepard. Décor : Anthony Black. Costumes : Emlyn Murray. Direction musicale et conception sonore : Aaron Collier. Musique originale : Aaron Collier et Jacques Mindreau. Avec Anthony Black et Jacques Mindreau. Une production de 2b theatre company, présentée par La Manufacture au Théâtre La Licorne jusqu’au 24 septembre 2022.