La troisième guerre mondiale vient de se terminer. Dans la foulée du chaos généralisé, le peuple de la Belle Province adhère à 56 % au projet d’indépendance du Québec lors d’un référendum. Mais l’euphorie populaire se transforme rapidement en angoisse, puisque Ottawa ne reconnaît pas la nouvelle république et envoie ses troupes pour mater les « insurgé·es ». À peine dans ses balbutiements, la nation québécoise doit confirmer un choix démocratique par les armes.
Cette allégorie du pays à construire trouve ses sources dans l’actualité mondiale. Elle n’est pas sans rappeler l’Ukraine, l’Érythrée, de nombreux peuples africains aux prises avec des factions fratricides. Elle se déroule, comme là-bas, sur un fond de guerre civile, où la population est prise en otage et doit survivre dans la dévastation générale. Elle oppose le confort consumériste à une utopique liberté, l’indépendance au statu quo, l’émancipation à l’abêtissement.
Charlie Cameron-Verge et Natalie Fontalvo travaillaient isolément sur le même sujet lorsqu’il et elle ont décidé de joindre leur force. Le premier désirant aller au bout de cette idée d’autonomie du peuple québécois, la seconde apportant l’expérience de la brutalité de sa Colombie natale, pays déchiré par des conflits internes depuis des décennies. On sentait déjà la dynamite aborde la question de la légitimité des aspirations de liberté mises en contraste avec la puissance hégémonique des États de type impérial. Le morcellement des empires se fait dans le sang, tout comme la naissance des territoires indépendants. La référence du titre à l’âge de pierre souligne que tout changement de régime ne peut se faire que dans la violence. L’histoire de l’humanité en témoigne dans tous ses chapitres.
Un frénétique multimédia
La scénographie de la pièce consiste en une structure habitée de meubles et d’accessoires monochromes qui représentent trois zones de guerre, sous l’effet de projections d’une grande précision. Les jeux d’éclairages et le mapping ou fresques numériques (Marie-Pierre Faucher-Bégin), la qualité de la musique (interprétée en direct par Rébecca Marois sur des chaudrons), l’impressionnant environnement visuel conçu à partir des dessins de Boon Architecture forment une matrice en constante métamorphose. Soulignons aussi, comme symbole de l’effondrement et de la résurrection, la remarquable performance de Philippe Després en homme-glaise, qui se reconstitue sans cesse tel un golem éternellement incomplet. Tout ceci participe à créer une aura de réalisme magique, où les protagonistes se déplacent entre la poésie du rêve et la brutalité du monde tangible.
Mais le balayage constant de la scène par des personnages survoltés et la saturation du jeu et de l’environnement sonore installent le spectacle dans une sorte de frénésie qui finit par desservir le propos. Nous aurions aimé entendre le dialogue clef de cette pièce, alors que la colonelle de l’armée du Québec est mise aux arrêts pour trahison. Cette scène n’est pas sans rappeler Les Justes de Camus. Dans ce cas-ci, la soldate oppose le peuple, en quête d’une vie simple et sans histoire, aux idéalistes exalté·es.
Cette production pêche par ses qualités. La verve de Fontalvo (Titre(s) de travail, avec Christian Lapointe, et ES — Chapitre 1 — soi, avec Les Reines) et la polyvalence de Cameron-Verge (acteur, auteur, directeur photo, vidéaste) s’entremêlent dans une réalisation foisonnante, mais qui manque parfois de subtilité, de silences, de lenteur. Il y a forcément des évidences qui laissent une impression de déjà vu, de convenu.
Saluons toutefois la prise de risque et l’originalité de cette hypothèse sur la naissance d’un Québec indépendant. À n’en pas douter, l’actualité mondiale, avec la montée de l’extrême droite, place ce rêve du côté des forces obscures. Les aspirations hégémoniques des dirigeants de la droite (Trump, Bolsonaro, Poutine, Xi Jinping) vont toutes en ce sens.
Texte et mise en scène : Charlie Cameron-Verge et Natalie Fontalvo. Assistance à la mise en scène : Pierre-Olivier Roussel. Direction de production : Marie Tan. Décor, costumes et accessoires : Béatrice Lecomte-Rousseau. Conception et performances sonores : Rébecca Marois. Éclairages et appui mapping : Marie-Pier Faucher-Bégin. Œil extérieur : Émile Beauchemin. Dessins : Boon Architecture (Bruno Verge & Lukas Daunora). Performance visuelle : Philip Després. Avec Mariann Bouchard, Samuel Bouchard, Natalie Fontalvo, Noémie F. Savoie, Laurent Fecteau-Nadeau, Maude Lafond, Scott Riverin. Une production du Collectif Verdun, présentée à Premier Acte jusqu’au 8 octobre 2022.
La troisième guerre mondiale vient de se terminer. Dans la foulée du chaos généralisé, le peuple de la Belle Province adhère à 56 % au projet d’indépendance du Québec lors d’un référendum. Mais l’euphorie populaire se transforme rapidement en angoisse, puisque Ottawa ne reconnaît pas la nouvelle république et envoie ses troupes pour mater les « insurgé·es ». À peine dans ses balbutiements, la nation québécoise doit confirmer un choix démocratique par les armes.
Cette allégorie du pays à construire trouve ses sources dans l’actualité mondiale. Elle n’est pas sans rappeler l’Ukraine, l’Érythrée, de nombreux peuples africains aux prises avec des factions fratricides. Elle se déroule, comme là-bas, sur un fond de guerre civile, où la population est prise en otage et doit survivre dans la dévastation générale. Elle oppose le confort consumériste à une utopique liberté, l’indépendance au statu quo, l’émancipation à l’abêtissement.
Charlie Cameron-Verge et Natalie Fontalvo travaillaient isolément sur le même sujet lorsqu’il et elle ont décidé de joindre leur force. Le premier désirant aller au bout de cette idée d’autonomie du peuple québécois, la seconde apportant l’expérience de la brutalité de sa Colombie natale, pays déchiré par des conflits internes depuis des décennies. On sentait déjà la dynamite aborde la question de la légitimité des aspirations de liberté mises en contraste avec la puissance hégémonique des États de type impérial. Le morcellement des empires se fait dans le sang, tout comme la naissance des territoires indépendants. La référence du titre à l’âge de pierre souligne que tout changement de régime ne peut se faire que dans la violence. L’histoire de l’humanité en témoigne dans tous ses chapitres.
Un frénétique multimédia
La scénographie de la pièce consiste en une structure habitée de meubles et d’accessoires monochromes qui représentent trois zones de guerre, sous l’effet de projections d’une grande précision. Les jeux d’éclairages et le mapping ou fresques numériques (Marie-Pierre Faucher-Bégin), la qualité de la musique (interprétée en direct par Rébecca Marois sur des chaudrons), l’impressionnant environnement visuel conçu à partir des dessins de Boon Architecture forment une matrice en constante métamorphose. Soulignons aussi, comme symbole de l’effondrement et de la résurrection, la remarquable performance de Philippe Després en homme-glaise, qui se reconstitue sans cesse tel un golem éternellement incomplet. Tout ceci participe à créer une aura de réalisme magique, où les protagonistes se déplacent entre la poésie du rêve et la brutalité du monde tangible.
Mais le balayage constant de la scène par des personnages survoltés et la saturation du jeu et de l’environnement sonore installent le spectacle dans une sorte de frénésie qui finit par desservir le propos. Nous aurions aimé entendre le dialogue clef de cette pièce, alors que la colonelle de l’armée du Québec est mise aux arrêts pour trahison. Cette scène n’est pas sans rappeler Les Justes de Camus. Dans ce cas-ci, la soldate oppose le peuple, en quête d’une vie simple et sans histoire, aux idéalistes exalté·es.
Cette production pêche par ses qualités. La verve de Fontalvo (Titre(s) de travail, avec Christian Lapointe, et ES — Chapitre 1 — soi, avec Les Reines) et la polyvalence de Cameron-Verge (acteur, auteur, directeur photo, vidéaste) s’entremêlent dans une réalisation foisonnante, mais qui manque parfois de subtilité, de silences, de lenteur. Il y a forcément des évidences qui laissent une impression de déjà vu, de convenu.
Saluons toutefois la prise de risque et l’originalité de cette hypothèse sur la naissance d’un Québec indépendant. À n’en pas douter, l’actualité mondiale, avec la montée de l’extrême droite, place ce rêve du côté des forces obscures. Les aspirations hégémoniques des dirigeants de la droite (Trump, Bolsonaro, Poutine, Xi Jinping) vont toutes en ce sens.
On sentait déjà la dynamite à l’âge de pierre
Texte et mise en scène : Charlie Cameron-Verge et Natalie Fontalvo. Assistance à la mise en scène : Pierre-Olivier Roussel. Direction de production : Marie Tan. Décor, costumes et accessoires : Béatrice Lecomte-Rousseau. Conception et performances sonores : Rébecca Marois. Éclairages et appui mapping : Marie-Pier Faucher-Bégin. Œil extérieur : Émile Beauchemin. Dessins : Boon Architecture (Bruno Verge & Lukas Daunora). Performance visuelle : Philip Després. Avec Mariann Bouchard, Samuel Bouchard, Natalie Fontalvo, Noémie F. Savoie, Laurent Fecteau-Nadeau, Maude Lafond, Scott Riverin. Une production du Collectif Verdun, présentée à Premier Acte jusqu’au 8 octobre 2022.