Pour l’ouverture de sa 59e saison, le Théâtre Denise-Pelletier a choisi une création d’Evelyne de la Chenelière librement inspirée des écrits d’Albert Camus, plus particulièrement du roman L’Étranger. La dramaturge s’était déjà intéressée à Virgina Wolf, pour la pièce Lumières, lumières, lumières, en 2014. Elle éclaire maintenant de ses propres mots l’œuvre de l’auteur français qu’elle a découvert, et pour qui elle a eu un coup de cœur, à l’adolescence.
Alors que le soleil d’Algérie brûle le sable d’une plage, un homme y est tué, en plein jour, de cinq coups de fusil. On incrimine Meursault, qui s’y trouvait au lendemain des funérailles de sa mère. Il ne se défend pas et accepte la légitimité de la peine venant sanctionner son geste. Tournent autour de lui, tels des spectres qui le hantent et le font réagir, sa fiancée Marie, l’inquiétant Raymond, le vieux Salamano qui bat son chien et l’Arabe sans nom, la victime anonyme de son crime.
Quelque 80 ans plus tard, sous un climat contraire, soit celui d’une tempête de neige montréalaise, un autre jeune homme se sent lui aussi responsable d’une mort. Medi, immigré algérien, se condamne lui-même pour avoir ignoré un appel à l’aide. Sa petite amie Camille, qu’il venait rejoindre dans un bar, est loin d’atténuer ce sentiment de culpabilité.
Ces deux univers se croisent, dialoguent et s’entrelacent dans un ensemble qui donne une impression générale de rêverie, un monde onirique où de grandes vérités se disent en toute simplicité. Le texte, la scénographie, l’habillage sonore, ainsi que la mise en scène et le jeu des interprètes concourent à cet effet sibyllin. Une homogénéité qui sert l’esthétique de la pièce.
Un certain détachement
Même si le soleil est présent dans les mots, la lumière n’atteint que les personnages. Le décor et les projections demeurent sombres, à l’instar du propos. Mais des rochers flottent, le sol tournoie sur lui-même et des images apparaissent doucement, comme pour mieux passer d’un émoi à un autre. Le mouvement règne autant sur la scène que dans le texte.
L’œuvre nous offre une perspective particulièrement intéressante sur l’abnégation, entre autres grâce au personnage de l’Arabe sans nom, habillement interprété par Sabri Attalah. L’acteur joue parfaitement cet individu anonyme qui, malgré le flegme qui convient à sa situation, reste touchant. Mustapha Aramis, lui, apparaît convaincant dans son rôle d’homme tourmenté par ses remords et par sa copine Camille, fort bien rendue par Mounia Zahzam. Maxim Gaudette excelle sous les traits de l’intrigant Meursault, tout autant qu’Evelyne Rompré et Daniel Parent dans leurs personnages respectifs, bien que ces derniers manquent un peu de substance.
Evelyne de la Chenelière emprunte l’histoire du roman L’Étranger, d’Albert Camus, en la réécrivant sous les angles de la responsabilité et de la culpabilité. Elle revisite ce récit et y ajoute les péripéties de protagonistes contemporains, qui vivent des tourments parallèles. Cette réflexion macabre, puisque la mort y rôde constamment, s’installe lentement. La mise en scène de Florent Siaud, aussi impassible que gracieuse, évoque le détachement dont on fait preuve face aux tragédies des inconnu·es ; ainsi, la pièce fascine sans pour autant embraser ni exalter. Belle mais froide, cette production stimule beaucoup plus la tête que le cœur.
Texte : Evelyne de la Chenelière, d’après Albert Camus. Mise en scène : Florent Siaud. Assistance à la mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde. Scénographie : Romain Fabre. Costumes : Julie Charland. Assistance aux costumes : Yso. Coiffures et maquillages : Florence Cornet. Lumières : Marc Parent. Conception sonore : Julien Éclancher. Conception vidéo : Gaspard Philippe. Avec Mustapha Aramis, Sabri Attalah, Maxim Gaudette, Daniel Parent, Evelyne Rompré et Mounia Zahzam. Une production du Théâtre Denise-Pelletier à la salle Denise-Pelletier jusqu’au 15 octobre 2022.
Pour l’ouverture de sa 59e saison, le Théâtre Denise-Pelletier a choisi une création d’Evelyne de la Chenelière librement inspirée des écrits d’Albert Camus, plus particulièrement du roman L’Étranger. La dramaturge s’était déjà intéressée à Virgina Wolf, pour la pièce Lumières, lumières, lumières, en 2014. Elle éclaire maintenant de ses propres mots l’œuvre de l’auteur français qu’elle a découvert, et pour qui elle a eu un coup de cœur, à l’adolescence.
Alors que le soleil d’Algérie brûle le sable d’une plage, un homme y est tué, en plein jour, de cinq coups de fusil. On incrimine Meursault, qui s’y trouvait au lendemain des funérailles de sa mère. Il ne se défend pas et accepte la légitimité de la peine venant sanctionner son geste. Tournent autour de lui, tels des spectres qui le hantent et le font réagir, sa fiancée Marie, l’inquiétant Raymond, le vieux Salamano qui bat son chien et l’Arabe sans nom, la victime anonyme de son crime.
Quelque 80 ans plus tard, sous un climat contraire, soit celui d’une tempête de neige montréalaise, un autre jeune homme se sent lui aussi responsable d’une mort. Medi, immigré algérien, se condamne lui-même pour avoir ignoré un appel à l’aide. Sa petite amie Camille, qu’il venait rejoindre dans un bar, est loin d’atténuer ce sentiment de culpabilité.
Ces deux univers se croisent, dialoguent et s’entrelacent dans un ensemble qui donne une impression générale de rêverie, un monde onirique où de grandes vérités se disent en toute simplicité. Le texte, la scénographie, l’habillage sonore, ainsi que la mise en scène et le jeu des interprètes concourent à cet effet sibyllin. Une homogénéité qui sert l’esthétique de la pièce.
Un certain détachement
Même si le soleil est présent dans les mots, la lumière n’atteint que les personnages. Le décor et les projections demeurent sombres, à l’instar du propos. Mais des rochers flottent, le sol tournoie sur lui-même et des images apparaissent doucement, comme pour mieux passer d’un émoi à un autre. Le mouvement règne autant sur la scène que dans le texte.
L’œuvre nous offre une perspective particulièrement intéressante sur l’abnégation, entre autres grâce au personnage de l’Arabe sans nom, habillement interprété par Sabri Attalah. L’acteur joue parfaitement cet individu anonyme qui, malgré le flegme qui convient à sa situation, reste touchant. Mustapha Aramis, lui, apparaît convaincant dans son rôle d’homme tourmenté par ses remords et par sa copine Camille, fort bien rendue par Mounia Zahzam. Maxim Gaudette excelle sous les traits de l’intrigant Meursault, tout autant qu’Evelyne Rompré et Daniel Parent dans leurs personnages respectifs, bien que ces derniers manquent un peu de substance.
Evelyne de la Chenelière emprunte l’histoire du roman L’Étranger, d’Albert Camus, en la réécrivant sous les angles de la responsabilité et de la culpabilité. Elle revisite ce récit et y ajoute les péripéties de protagonistes contemporains, qui vivent des tourments parallèles. Cette réflexion macabre, puisque la mort y rôde constamment, s’installe lentement. La mise en scène de Florent Siaud, aussi impassible que gracieuse, évoque le détachement dont on fait preuve face aux tragédies des inconnu·es ; ainsi, la pièce fascine sans pour autant embraser ni exalter. Belle mais froide, cette production stimule beaucoup plus la tête que le cœur.
À cause du soleil
Texte : Evelyne de la Chenelière, d’après Albert Camus. Mise en scène : Florent Siaud. Assistance à la mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde. Scénographie : Romain Fabre. Costumes : Julie Charland. Assistance aux costumes : Yso. Coiffures et maquillages : Florence Cornet. Lumières : Marc Parent. Conception sonore : Julien Éclancher. Conception vidéo : Gaspard Philippe. Avec Mustapha Aramis, Sabri Attalah, Maxim Gaudette, Daniel Parent, Evelyne Rompré et Mounia Zahzam. Une production du Théâtre Denise-Pelletier à la salle Denise-Pelletier jusqu’au 15 octobre 2022.