Les Occidentales : De la page à l’image
Dans cette captation vidéo de la lecture du recueil Les Occidentales de la poète Maggie Roussel, Brigitte Haentjens y va d’une performance d’une heure et 40 minutes étincelante. Jeu et non-jeu se mêlent ici dans cette interprétation tour à tour espiègle, sérieuse, profonde, sensuelle et, surtout, extrêmement bien modulée d’un texte qui s’oppose à la pensée positive.
Le poème d’une soixantaine de pages explore les méandres de la création littéraire ainsi que du côté sombre des choses, du manque de confiance en soi, d’un existentialisme lucide. La célèbre metteuse en scène sait en rendre toute la complexité en faisant sienne la parole poétique. On y retrouve même certains thèmes chers à sa propre écriture, développés dans ses romans ou ses récits.
Le cinéaste Karl Lemieux garde toutes les reprises que Brigitte Haentjens se permet pour mieux servir le texte. En outre, l’utilisation d’un double écran ajoute une couche impressionniste à ce contenu riche et fort touchant. Haentjens réagit au poème en se laissant surprendre, amuser et émouvoir. Même si elle avait lu le livre quelques fois avant de faire face à la caméra, elle vit l’œuvre dans le moment présent de la captation. La démarche donne tout son pesant d’or à cette idée et à la conception de Christian Lapointe.
Texte : Maggie Roussel (Les Occidentales, Le Quartanier, 2010). Conception : Christian Lapointe. Réalisation : Karl Lemieux. Direction de la photographie : Isabelle Stachtchenko. Prise de son et image : Frédéric Auger. Montage et étalonnage : Marc Boucrot. Coordination technique : Alexis Cadoret-Vigneault. Postproduction : Film Factory Montréal. Studio : Le Hublot. Avec Brigitte Haentjens. Une production de Carte blanche en coproduction avec le Festival international de la littérature et la Maison de la littérature, présentée à l’occasion du Festival international de la littérature à la Grande Bibliothèque le 24 septembre 2022.
L’Ombre obscure que nous sommes : Le tragique féminin
Morte à 47 ans, la poète, romancière et nouvelliste autrichienne Ingeborg Bachmann a laissé une œuvre protéiforme s’intéressant au tragique féminin. Ses écrits parcourent une voie mise ici en parallèle avec celle de Denise Desautels. Pour ce spectacle hors pair, l’écrivaine québécoise s’allie au poète Marc-André Brouillette pour offrir une remarquable prestation où leurs propres paroles se fusionnent avec celle de Bachmann. Celle-ci avait démontré en son temps que la langue allemande peut s’avérer aussi percutante que douce et mélancolique.
La représentation possède quelque chose de solennel, donnant aux mots toute leur importance, leur vérité. En ce sens, les deux interprètes réussissent leur pari de lire d’une voix unifiée, forte, parfois même tranchante. En toute complicité, il et elle occupent tout l’espace de la salle du Conservatoire d’art dramatique et lisent avec intelligence et sensibilité les textes, accompagné·es d’une conception sonore mystérieuse et grave de Monique Jean, ainsi que des images en noir et blanc évocatrices de Dominique Malaterre.
Ce quatuor nous offre un véritable spectacle multimédia, et multisensoriel, ajouterons-nous, qui mériterait de circuler au Québec et ailleurs. De l’intellect aux émotions, le public navigue en eaux troubles où la douleur de l’existence côtoie la défense du vivant. Animaux, plantes, humain·es dans un même bateau vers la disparition, mais où surgit parfois un fier bras d’horizon, qui nous empêche de désespérer au pays des ombres.
Textes : Ingeborg Bachman, Marc-André Brouillette et Denise Desautels. Choix des textes et interprétation : Marc-André Brouillette et Denise Desautels. Conception sonore : Monique Jean. Conception visuelle : Dominique Malaterre. Une création de Marc-André Brouillette, Denise Desautels, Monique Jean et Dominique Malaterre présentée au Conservatoire d’art dramatique, à l’occasion du Festival international de la littérature, les 24 et 25 septembre 2022.
Un Petit Trottoir surplombant l’abîme : Trop comme pas assez
Virginia Woolf aura, au cours des décennies, inspiré nombre de carrières et d’études, de contenus et de styles littéraires. Elle a été primordiale, notamment, pour l’écrivain et comédien Robert Lalonde. Avec un spectacle intitulé Un Petit Trottoir surplombant l’abîme, il nous invite à retrouver la grande dame dans son intimité, quelques jours avant son suicide. N’ayant pas peur de Virginia Woolf, les bombes allemandes tombent sur l’Angleterre, ce qui n’empêche pas le personnage de l’autrice de se livrer avec franchise.
Avec ses complices de scène Johanne Haberlin et Bénédicte Décary, dans une mise en scène de Stéphanie Capistran-Lalonde, Robert Lalonde défend son propre texte, qui est de qualité. Son interprétation tout en nuances est toutefois souvent enterrée par le jeu d’une Johanne Haberlin, excellente dans les monologues, mais empruntant un débit trop rapide et enflammé dans ses échanges avec son mari, Lenny, de même que par les autres personnages, joués par une Bénédicte Décary plus juste.
Cette mise en lecture nous éloigne d’un moderato cantabile, dirait Marguerite Duras, nécessaire à la réflexion que suggèrent la voix et les mots de Virginia Woolf. Bien qu’on y arrive par moments, les artisan·es du spectacle auront manqué de temps, sans doute, afin de bien calibrer une intensité qui devrait venir de l’intérieur plutôt que d’éclats superfétatoires.
Texte : Robert Lalonde. Mise en lecture : Stéphanie Capistran-Lalonde. Assistance à la mise en lecture et régie : Emanuelle Kirouac-Sanche. Musique sur scène : Joseph Marchand. Lumières : Étienne Boucher. Avec Johanne Haberlin, Bénédicte Décary et Robert Lalonde. Une production du Festival international de la littérature, présentée au Théâtre Outremont les 27 et 28 septembre 2022.
Les Occidentales : De la page à l’image
Dans cette captation vidéo de la lecture du recueil Les Occidentales de la poète Maggie Roussel, Brigitte Haentjens y va d’une performance d’une heure et 40 minutes étincelante. Jeu et non-jeu se mêlent ici dans cette interprétation tour à tour espiègle, sérieuse, profonde, sensuelle et, surtout, extrêmement bien modulée d’un texte qui s’oppose à la pensée positive.
Le poème d’une soixantaine de pages explore les méandres de la création littéraire ainsi que du côté sombre des choses, du manque de confiance en soi, d’un existentialisme lucide. La célèbre metteuse en scène sait en rendre toute la complexité en faisant sienne la parole poétique. On y retrouve même certains thèmes chers à sa propre écriture, développés dans ses romans ou ses récits.
Le cinéaste Karl Lemieux garde toutes les reprises que Brigitte Haentjens se permet pour mieux servir le texte. En outre, l’utilisation d’un double écran ajoute une couche impressionniste à ce contenu riche et fort touchant. Haentjens réagit au poème en se laissant surprendre, amuser et émouvoir. Même si elle avait lu le livre quelques fois avant de faire face à la caméra, elle vit l’œuvre dans le moment présent de la captation. La démarche donne tout son pesant d’or à cette idée et à la conception de Christian Lapointe.
Les Occidentales
Texte : Maggie Roussel (Les Occidentales, Le Quartanier, 2010). Conception : Christian Lapointe. Réalisation : Karl Lemieux. Direction de la photographie : Isabelle Stachtchenko. Prise de son et image : Frédéric Auger. Montage et étalonnage : Marc Boucrot. Coordination technique : Alexis Cadoret-Vigneault. Postproduction : Film Factory Montréal. Studio : Le Hublot. Avec Brigitte Haentjens. Une production de Carte blanche en coproduction avec le Festival international de la littérature et la Maison de la littérature, présentée à l’occasion du Festival international de la littérature à la Grande Bibliothèque le 24 septembre 2022.
L’Ombre obscure que nous sommes : Le tragique féminin
Morte à 47 ans, la poète, romancière et nouvelliste autrichienne Ingeborg Bachmann a laissé une œuvre protéiforme s’intéressant au tragique féminin. Ses écrits parcourent une voie mise ici en parallèle avec celle de Denise Desautels. Pour ce spectacle hors pair, l’écrivaine québécoise s’allie au poète Marc-André Brouillette pour offrir une remarquable prestation où leurs propres paroles se fusionnent avec celle de Bachmann. Celle-ci avait démontré en son temps que la langue allemande peut s’avérer aussi percutante que douce et mélancolique.
La représentation possède quelque chose de solennel, donnant aux mots toute leur importance, leur vérité. En ce sens, les deux interprètes réussissent leur pari de lire d’une voix unifiée, forte, parfois même tranchante. En toute complicité, il et elle occupent tout l’espace de la salle du Conservatoire d’art dramatique et lisent avec intelligence et sensibilité les textes, accompagné·es d’une conception sonore mystérieuse et grave de Monique Jean, ainsi que des images en noir et blanc évocatrices de Dominique Malaterre.
Ce quatuor nous offre un véritable spectacle multimédia, et multisensoriel, ajouterons-nous, qui mériterait de circuler au Québec et ailleurs. De l’intellect aux émotions, le public navigue en eaux troubles où la douleur de l’existence côtoie la défense du vivant. Animaux, plantes, humain·es dans un même bateau vers la disparition, mais où surgit parfois un fier bras d’horizon, qui nous empêche de désespérer au pays des ombres.
L’Ombre obscure que nous sommes
Textes : Ingeborg Bachman, Marc-André Brouillette et Denise Desautels. Choix des textes et interprétation : Marc-André Brouillette et Denise Desautels. Conception sonore : Monique Jean. Conception visuelle : Dominique Malaterre. Une création de Marc-André Brouillette, Denise Desautels, Monique Jean et Dominique Malaterre présentée au Conservatoire d’art dramatique, à l’occasion du Festival international de la littérature, les 24 et 25 septembre 2022.
Un Petit Trottoir surplombant l’abîme : Trop comme pas assez
Virginia Woolf aura, au cours des décennies, inspiré nombre de carrières et d’études, de contenus et de styles littéraires. Elle a été primordiale, notamment, pour l’écrivain et comédien Robert Lalonde. Avec un spectacle intitulé Un Petit Trottoir surplombant l’abîme, il nous invite à retrouver la grande dame dans son intimité, quelques jours avant son suicide. N’ayant pas peur de Virginia Woolf, les bombes allemandes tombent sur l’Angleterre, ce qui n’empêche pas le personnage de l’autrice de se livrer avec franchise.
Avec ses complices de scène Johanne Haberlin et Bénédicte Décary, dans une mise en scène de Stéphanie Capistran-Lalonde, Robert Lalonde défend son propre texte, qui est de qualité. Son interprétation tout en nuances est toutefois souvent enterrée par le jeu d’une Johanne Haberlin, excellente dans les monologues, mais empruntant un débit trop rapide et enflammé dans ses échanges avec son mari, Lenny, de même que par les autres personnages, joués par une Bénédicte Décary plus juste.
Cette mise en lecture nous éloigne d’un moderato cantabile, dirait Marguerite Duras, nécessaire à la réflexion que suggèrent la voix et les mots de Virginia Woolf. Bien qu’on y arrive par moments, les artisan·es du spectacle auront manqué de temps, sans doute, afin de bien calibrer une intensité qui devrait venir de l’intérieur plutôt que d’éclats superfétatoires.
Un Petit Trottoir surplombant l’abîme
Texte : Robert Lalonde. Mise en lecture : Stéphanie Capistran-Lalonde. Assistance à la mise en lecture et régie : Emanuelle Kirouac-Sanche. Musique sur scène : Joseph Marchand. Lumières : Étienne Boucher. Avec Johanne Haberlin, Bénédicte Décary et Robert Lalonde. Une production du Festival international de la littérature, présentée au Théâtre Outremont les 27 et 28 septembre 2022.