Critiques

Glitch : Une lumineuse partenaire

intrigante masse faufile grandes© Suzane O'Neill

Une intrigante masse se faufile entre de grandes boîtes de transport. Elle s’arrête subitement alors que, du haut d’un escalier, on entend des pas et des chuchotements. Quatre jeunes descendent, fasciné·es et amusé·es par l’endroit. C’est dans un décor de sous-sol de salle de spectacle que la compagnie Bouge de là, créatrice d’œuvres chorégraphiques pour les 6 à 12 ans depuis 2000, convie son public avec sa nouvelle production nommée Glitch. Dans ce lieu inspirant, les quatre ami·es font moult découvertes, toutes propices à l’émergence de tableaux éclatés, poétiques et drolatiques. Mais, rapidement, il et elles réalisent qu’une présence les surveille, les guide et parfois même, les possède.

Un glitch est une défaillance électrique. Dans le spectacle, ce problème technique prend la forme d’un personnage qui s’exprime à travers les rayons d’un laser, mais aussi par l’habillage sonore et par la musique. Cette lumière danse avec les protagonistes, mais elle leur montre également les endroits où trouver des trésors, comme des masques, des accessoires ou des costumes qui les transporteront dans plusieurs univers surréalistes. Les trois comédiennes-danseuses et le comédien-danseur évoluent avec brio dans ces féeries variées. Et il y en a pour tous les goûts : robots, monstres, peluches ou animaux se succèdent sur les planches pour faire vivre à l’auditoire autant l’émerveillement, la joie et l’attendrissement que la peur. 

© Suzane O'Neill

Création bicéphale

Hélène Langevin, metteuse en scène et chorégraphe, a puisé dans ses souvenirs d’enfance pour créer ce spectacle. Chez sa grand-mère, en compagnie de ses cousines, elle donnait vie à de vieux vêtements trouvés au sous-sol, raconte-t-elle dans le programme de soirée. Elle s’est adjoint la chorégraphe Audrey Bergeron pour concevoir, à partir de cette idée de départ, la suite de l’œuvre. Les deux artistes n’en sont pas à leur première collaboration. Depuis Vieux Thomas et la petite fée en 2008, elles sont devenues complices et, avec Glitch, l’efficience de leur coopération est grandement démontrée. 

Les chorégraphies sont splendides et magnifiquement interprétées. On y retrouve l’ingéniosité des illusionnistes, l’agilité des acrobates et la grâce des ballerines classiques. Chloé Ouellet-Payeur exécute une étonnante descente de l’escalier en réussissant à faire croire que seul son costume, une combinaison orange, glisse sur les marches. Marianne Gignac-Girard impressionne en robot métallique autant qu’en peluche géante. On se laisse transporter par le lyrisme de José Flores qui, habillé d’une longue jupe, danse et joue de la musique en transformant les rayons de lumières en un thérémine imaginaire. Enfin, Gabrielle Surprenant-Lacasse est hilarante dans le rôle d’une star de Broadway qui surgit d’une malle. Il faudrait mentionner plusieurs autres tableaux tant ils touchent et fascinent par leur qualité artistique et leur exécution sans faille.

Visuellement, on est largement servi par les mouvements, les vêtements colorés et les divers accessoires, mais l’œuvre ne serait pas aussi accomplie sans la musique électronique de Bernard Falaise qui colle de façon organique à l’action.

Seul écueil, la trame narrative semble avoir été abandonnée au beau milieu du spectacle. Dès que le personnage de Glitch se manifeste, il n’y a plus qu’un enchevêtrement de scènes sans réels liens entre elles. Pourtant, dans chaque chorégraphie de groupe, les moments forts sont ceux où les protagonistes s’unissent. Il aurait été intéressant que l’intrigue reprenne ce thème porteur. Mais cela ne gâche en rien la grande qualité de l’œuvre. 

Glitch est une allégorie sur l’envers du décor, sur les perceptions et impressions. Est-ce la lumière qui mène la danse ou les jeunes ? Est-ce une scène ou une arrière-scène ? Avec quelle partie du corps l’interprète fait-elle bouger la tête de son personnage ?  Le spectacle est une lueur qui émerge de la pénombre, une production brillante pensée pour les enfants, mais qui emballera aussi les adultes. L’exécution technique relève de la prouesse, puisque le succès de la représentation dépend d’une précision minutieuse. Elle soutient et complète parfaitement le côté artistique pour un résultat captivant et enlevant.

Glitch

Idéation et mise en scène : Hélène Langevin. Chorégraphie : Hélène Langevin et Audrey Bergeron. Conseils à la dramaturgie : Martin Bellemare. Scénographie :  Richard Lacroix. Costumes : Marilène Bastien. Lumières : Lucie Bazzo. Musique : Bernard Falaise.  Laser : Jimmy Lakatos. Avec José Flores, Marianne Gignac-Girard, Chloé Ouellet-Payeur et Gabrielle Surprenant-Lacasse. Une production de la compagnie Bouge de là, présentée en tournée jusqu’au 7 mai 2023.