Guerres, changements climatiques, épuisement des ressources : puisque notre destruction est programmée, que voudrions-nous laisser aux possibles formes de vies extraterrestres ? C’est à partir de cette prémisse que débute Si jamais vous nous écoutez. Entrent en scène les interprètes, d’abord dans leur propre rôle, puis dans celui des membres du comité responsable de sélectionner le contenu du Golden Record de la NASA, attaché aux sondes Voyager lancées en 1977. Composé d’images, de salutations, de sons et de musique, ce disque est un témoignage de l’existence de la vie sur Terre. Et sa conception tout comme son envol dans l’espace ont été teintés de douleur et de désillusion.
Docu-fiction très habilement écrite, Si jamais vous nous écoutez retrace un pan de la conquête spatiale, non sous l’angle de la rivalité américano-russe, mais plutôt sous celui de l’espoir. L’espoir que le Golden Record puisse être découvert et compris par une entité extraterrestre, et donc que l’existence d’une autre forme de vie dans l’univers puisse être prouvée. Et, finalement, l’espoir que puisse être envisagé un plan B pour cette humanité qui précipite sa chute. Ces attentes sont portées par Carl Sagan, astronome, son épouse Linda Salman Sagan, Frank Drake, également astronome, Timothy Ferris, journaliste scientifique, et sa fiancée, Ann Druyan, écrivaine. La mission de l’équipe ? Rassembler tous les éléments du Golden Record, en six semaines.
Ce huis clos atteint un équilibre parfait entre enjeux politiques et interpersonnels. Les membres doivent gérer leurs sentiments, qui ne concordent pas forcément avec leur objectif commun. Puisque la mise en scène s’attarde sur la constitution des 90 minutes de musique nécessaires au disque, l’ambiance est à la fête, du moins au début. Mais, petit à petit, Carl et Ann développent une relation adultère, qui aura raison de leur couple respectif, mais pas de la mission.
Sur ce point, le propos est impeccablement tenu. À aucun moment l’écriture ne se perd dans les dédales de la trahison amoureuse. Cette dernière permet plutôt de s’ancrer dans le réel et de montrer que l’équipe, en dépit de sa légitimité scientifique, reste profondément humaine. Ce revirement offre également un parallèle intéressant entre l’échec d’histoires d’amour et celui du Golden Record. Car si le disque a bel et bien été envoyé dans l’espace, il est condamné à errer, peut-être jusqu’à la fin des temps, et ce, sans jamais avoir établi la preuve d’une vie extraterrestre. Et, par extension, sans jamais avoir donné la possibilité de sauver l’humanité en la déplaçant sur une autre planète…
Un passé on ne peut plus actuel
Parti pris de l’équipe de création ou faits véridiques, une chose est sûre, la pièce ne manque pas de faire raisonner des propos très actuels, qu’il s’agisse de la surexploitation des ressources, des conflits internationaux ou de l’importance de prendre soin de la seule planète que nous ayons jamais eue ; Si jamais vous nous écoutez est une ode au respect, à l’éveil et à la mobilisation. Et lorsque les textes projetés sur l’écran en fond de scène nous apprennent que Carl Sagan faisait déjà état des conséquences des gaz à effet de serre en 1990, on ne peut que constater que ce n’est pas d’hier qu’on préfère ignorer la science.
Parmi les autres technologies convoquées, citons l’application à télécharger avant le spectacle. Plongé·e dans l’univers de l’équipe de création, le spectateur ou la spectatrice doit trouver des mots de passe qui lui permettront d’accéder à une plateforme sur laquelle il ou elle pourra laisser une photo ou une question, qui sera éventuellement utilisée durant la représentation. Ce n’est pas le seul moment où le public est sollicité. Nommé Jon, le Canadien, il nourrit de ses interventions les premières minutes de réflexion de la production. Ce bris du quatrième mur est amené finement et ajoute une touche d’humour bienvenue.
En aucun cas l’implication de l’assistance, les caméras, la projection d’images ou de texte n’alourdissent la mise en scène. Au contraire, elles soutiennent le contexte de conquête spatiale, et permettent de percevoir en temps réel l’évolution des sentiments des personnages, sans jamais décrocher de la quête principale, soit la réalisation et l’expédition du Golden Record.
Certes, les interprètes masculins déploient un jeu plus naturel, mais l’ensemble de la distribution demeure solide et habité par les enjeux cernés. Et même si les dernières minutes s’étirent en longueur, impossible de ne pas souligner l’exercice vocal final, qui exprime la lassitude de l’échec devant l’incapacité à détecter une vie autre que la nôtre dans l’espace.
Entre récit historique et exercice de conscientisation, Si jamais vous nous écoutez nous rappelle que nous sommes bien peu de chose. Et qu’il est urgent considérer notre sort commun et de communiquer pour que nos espoirs ne soient pas tout à fait vains.
Idéation, texte et mise en scène : Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais. Assistance à la mise en scène et régie : Delphine Rochefort. Scénographie : Max-Otto Fauteux. Costumes : Marie-Chantale Vaillancourt. Lumières : Julie Basse. Musique : Navet Confit. Vidéo : Amelia Scott. Accessoires : Julie Measroch. Coiffures et maquillages : Justine Denoncourt-Bélanger. Réalisation et direction technique de l’application : Osman Zeki. Aide technique : Gabriel.le Tran. Intégration vidéo : Pierre Laniel. Regard artistique : Dany Boudreault. Conseils dramaturgiques : Julie-Michèle Morin. Direction de production : Mathilde Boudreau. Coaching vocal : Myëlle. Avec Robin-Joël Cool, Simon Landry-Désy, Olivier Morin, Évelyne Rompré et Phara Thibault. Une production de La Messe Basse, en coprésentation avec le Théâtre Denise-Pelletier, présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 22 novembre 2022.
Guerres, changements climatiques, épuisement des ressources : puisque notre destruction est programmée, que voudrions-nous laisser aux possibles formes de vies extraterrestres ? C’est à partir de cette prémisse que débute Si jamais vous nous écoutez. Entrent en scène les interprètes, d’abord dans leur propre rôle, puis dans celui des membres du comité responsable de sélectionner le contenu du Golden Record de la NASA, attaché aux sondes Voyager lancées en 1977. Composé d’images, de salutations, de sons et de musique, ce disque est un témoignage de l’existence de la vie sur Terre. Et sa conception tout comme son envol dans l’espace ont été teintés de douleur et de désillusion.
Docu-fiction très habilement écrite, Si jamais vous nous écoutez retrace un pan de la conquête spatiale, non sous l’angle de la rivalité américano-russe, mais plutôt sous celui de l’espoir. L’espoir que le Golden Record puisse être découvert et compris par une entité extraterrestre, et donc que l’existence d’une autre forme de vie dans l’univers puisse être prouvée. Et, finalement, l’espoir que puisse être envisagé un plan B pour cette humanité qui précipite sa chute. Ces attentes sont portées par Carl Sagan, astronome, son épouse Linda Salman Sagan, Frank Drake, également astronome, Timothy Ferris, journaliste scientifique, et sa fiancée, Ann Druyan, écrivaine. La mission de l’équipe ? Rassembler tous les éléments du Golden Record, en six semaines.
Ce huis clos atteint un équilibre parfait entre enjeux politiques et interpersonnels. Les membres doivent gérer leurs sentiments, qui ne concordent pas forcément avec leur objectif commun. Puisque la mise en scène s’attarde sur la constitution des 90 minutes de musique nécessaires au disque, l’ambiance est à la fête, du moins au début. Mais, petit à petit, Carl et Ann développent une relation adultère, qui aura raison de leur couple respectif, mais pas de la mission.
Sur ce point, le propos est impeccablement tenu. À aucun moment l’écriture ne se perd dans les dédales de la trahison amoureuse. Cette dernière permet plutôt de s’ancrer dans le réel et de montrer que l’équipe, en dépit de sa légitimité scientifique, reste profondément humaine. Ce revirement offre également un parallèle intéressant entre l’échec d’histoires d’amour et celui du Golden Record. Car si le disque a bel et bien été envoyé dans l’espace, il est condamné à errer, peut-être jusqu’à la fin des temps, et ce, sans jamais avoir établi la preuve d’une vie extraterrestre. Et, par extension, sans jamais avoir donné la possibilité de sauver l’humanité en la déplaçant sur une autre planète…
Un passé on ne peut plus actuel
Parti pris de l’équipe de création ou faits véridiques, une chose est sûre, la pièce ne manque pas de faire raisonner des propos très actuels, qu’il s’agisse de la surexploitation des ressources, des conflits internationaux ou de l’importance de prendre soin de la seule planète que nous ayons jamais eue ; Si jamais vous nous écoutez est une ode au respect, à l’éveil et à la mobilisation. Et lorsque les textes projetés sur l’écran en fond de scène nous apprennent que Carl Sagan faisait déjà état des conséquences des gaz à effet de serre en 1990, on ne peut que constater que ce n’est pas d’hier qu’on préfère ignorer la science.
Parmi les autres technologies convoquées, citons l’application à télécharger avant le spectacle. Plongé·e dans l’univers de l’équipe de création, le spectateur ou la spectatrice doit trouver des mots de passe qui lui permettront d’accéder à une plateforme sur laquelle il ou elle pourra laisser une photo ou une question, qui sera éventuellement utilisée durant la représentation. Ce n’est pas le seul moment où le public est sollicité. Nommé Jon, le Canadien, il nourrit de ses interventions les premières minutes de réflexion de la production. Ce bris du quatrième mur est amené finement et ajoute une touche d’humour bienvenue.
En aucun cas l’implication de l’assistance, les caméras, la projection d’images ou de texte n’alourdissent la mise en scène. Au contraire, elles soutiennent le contexte de conquête spatiale, et permettent de percevoir en temps réel l’évolution des sentiments des personnages, sans jamais décrocher de la quête principale, soit la réalisation et l’expédition du Golden Record.
Certes, les interprètes masculins déploient un jeu plus naturel, mais l’ensemble de la distribution demeure solide et habité par les enjeux cernés. Et même si les dernières minutes s’étirent en longueur, impossible de ne pas souligner l’exercice vocal final, qui exprime la lassitude de l’échec devant l’incapacité à détecter une vie autre que la nôtre dans l’espace.
Entre récit historique et exercice de conscientisation, Si jamais vous nous écoutez nous rappelle que nous sommes bien peu de chose. Et qu’il est urgent considérer notre sort commun et de communiquer pour que nos espoirs ne soient pas tout à fait vains.
Si jamais vous nous écoutez
Idéation, texte et mise en scène : Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais. Assistance à la mise en scène et régie : Delphine Rochefort. Scénographie : Max-Otto Fauteux. Costumes : Marie-Chantale Vaillancourt. Lumières : Julie Basse. Musique : Navet Confit. Vidéo : Amelia Scott. Accessoires : Julie Measroch. Coiffures et maquillages : Justine Denoncourt-Bélanger. Réalisation et direction technique de l’application : Osman Zeki. Aide technique : Gabriel.le Tran. Intégration vidéo : Pierre Laniel. Regard artistique : Dany Boudreault. Conseils dramaturgiques : Julie-Michèle Morin. Direction de production : Mathilde Boudreau. Coaching vocal : Myëlle. Avec Robin-Joël Cool, Simon Landry-Désy, Olivier Morin, Évelyne Rompré et Phara Thibault. Une production de La Messe Basse, en coprésentation avec le Théâtre Denise-Pelletier, présentée au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 22 novembre 2022.