Critiques

Les danseurs étoiles parasitent ton ciel : Du rêve à la réalité

© Camille Gladu-Drouin

Les artistes sont animé·es par divers espoirs de création, plusieurs, par des ambitions spécifiques quant à leur réussite et certain∙es, encore, par l’objectif ultime d’atteindre le firmament des vedettes dans leur discipline. Jolène Ruest a adapté à la scène son roman Les danseurs étoiles parasitent ton ciel afin de représenter les écarts, parfois abyssaux, qui séparent le rêve de la réalité.

Le récit se penche sur les mésaventures de la diplômée en ballet Prunelle, qui souhaite ardemment entreprendre sa carrière en danse, mais qui doit tristement se contenter de travailler dans un Dairy Queen pour gagner sa vie. Vivant dans Hochelaga-Maisonneuve, elle apprend à la dure, en rencontrant, néanmoins, de sympathiques habitué∙es du quartier, qui l’amèneront à dissoudre ses préjugés comme disparaissent peu à peu les frontières qu’elle croyait imperméables entre les arts classiques et populaires.

Prunelle (solide Andréanne Daigle) rencontrera, entre autres, un exterminateur des plus débrouillards (éblouissant Maxime Lepage), qui lui ouvrira les yeux sur les possibilités qui s’offrent à elle malgré tout. Les deux complices contemplent ensemble la magnificence des cieux étoilés, suggérant que la célébrité n’a finalement que bien peu à voir avec le talent et la persévérance.

La mise en scène de Jonathan Caron et de Martine Pype-Rondeau utilise intelligemment l’espace tout en longueur pour favoriser un mouvement constant qui comprend danse – breakdance, ballet, danse contemporaine – et certaines acrobaties circassiennes. Avec quelques accessoires, il et elle font habilement transiter l’action de l’appartement de Prunelle à une crèmerie, en passant par un bar-discothèque.

© Camille Gladu-Drouin

Questions en suspens

Le spectacle ne cherche pas à creuser beaucoup plus loin que la surface des questions inhérentes au sujet. Est-il possible de rester toujours soi-même dans une démarche artistique ? L’ambition démesurée et le dépassement de soi sont-ils synonymes ? L’idée même du succès ou de la célébrité s’oppose-t-elle au sentiment d’accomplissement ? La relève est-elle bien outillée pour faire face à la vie professionnelle ? D’ailleurs, quelle est la place de la relève quand certain·es artistes expérimenté·es sont omniprésent·es ?

En outre, quelques situations naïves et certaines répliques comiques futiles renvoient à des moments de la vie quotidienne d’une grande banalité. À l’opposé, heureusement, la mise en scène et l’interprétation énergiques, la danse et la musique, incluant autant de classique que de métal, assurent un rythme soutenu à cette représentation sans temps mort et, somme toute, rafraîchissante.

Les danseurs étoiles parasitent ton ciel se révèle être une vitrine exceptionnelle pour une distribution de récent·es diplômé·es – mis à part le vétéran Jean Belzil-Gascon –, dont la polyvalence impressionne grandement. Pour cette raison et parce que le sujet de la pièce est rarement abordé, le spectacle devrait recevoir une attention particulière de tous ceux et celles qui étudient en arts vivants en ce moment et qui surnagent entre rêve et réalité.

Les danseurs étoiles parasitent ton ciel

Texte : Jonathan Caron et Jolène Ruest d’après le roman de Jolène Ruest. Mise en scène : Jonathan Caron et Martine Pype-Rondeau. Scénographie : Karine Galarneau. Conception sonore et musicale : Simon Leoza. Lumières : Nancy Bussières. Conseils dramaturgiques : Nicolas Gendron. Conception des costumes : Fanny McCrae. Conseils en danse classique : Lise-Marie Villeneuve. Conseils en mouvement : Andréanne Joubet. Direction de production : Olivier Courtois. Direction technique : Pierre Tripard. Coaching privé en danse classique : Madeleine Bellefeuille. Avec David Bélizaire, Jean Belzil-Gascon, Maude Bouchard, Andréanne Daigle, Sarah-Maude Laliberté et Maxime Lepage. Une production du collectif mené par Jolène Ruest et les Créations Ad Vitam, présentée à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 4 mars 2023.